Entrevue n°127: Barbara Corcoran, entrepreneure

Publié le 13/10/2012 à 00:00

Entrevue n°127: Barbara Corcoran, entrepreneure

Publié le 13/10/2012 à 00:00

Par Diane Bérard
D.B. - Vous croyez qu'en affaires, il faut feindre pour réussir. Expliquez-nous ce que vous entendez.

B.C. - J'ai flambé les 340 $ de ma première paie pour acheter un manteau chez Bergdorf Goodman. À New York, on accorde une place à celui qui la prend. Et parlons du «Corcoran Report». Un jour, j'ai eu l'idée de diviser le total de nos ventes mensuelles par le nombre d'appartements vendus. Et j'ai fait du résultat le thème d'un rapport d'une page que j'ai intitulé «Corcoran Report». Je l'ai envoyé à tous les journalistes de New York. Trois jours plus tard, je lis dans le New York Times un article traitant du prix moyen des appartements new-yorkais... qui cite le «Corcoran Report» comme référence ! À partir de ce jour, la presse n'a cessé de m'appeler. J'ai bâti une marque qui a toujours eu l'air 11 fois plus grosse qu'elle ne l'est en réalité, et j'ai travaillé comme une folle pour que mon entreprise soit à la hauteur de cette image. D'abord, vous feignez. Mais ensuite, vous transformez la perception en réalité.

D.B. - On insiste sur l'importance de savoir recruter. Vous estimez plus utile de savoir congédier...

B.C. - J'ai développé un système pour croître. J'en ai créé un aussi pour congédier. Se départir d'un employé est difficile, mieux vaut installer des règles claires et connues de tous. Ainsi, tout le monde sait à quoi s'attendre. Mes vendeurs ont toujours été classés par ordre décroissant, selon le montant de leur vente. Si vous n'apparaissiez pas dans le premier quartile, vous aviez jusqu'à la prochaine réunion de vente pour y remédier. Sinon, vous saviez ce qui vous attendait. Protégez et bichonnez les meilleurs, laissez aller les autres.

D.B. - Vous êtes implacable envers un type particulier d'employé, lequel ?

B.C. - Les plaignards. Ils vous cassent les oreilles avec leurs «Pauvre moi, pauvre moi». S'ils demeurent chez vous trop longtemps, ils vous contaminent, et leur «pauvre moi» devient «pauvre vous».

D.B. - Où se trouve l'équilibre entre reconnaître la contribution de vos employés et celle de l'entrepreneur ?

B.C. - En public comme en privé, vous devez toujours insister sur la contribution de votre équipe au succès de l'entreprise. Mais, aux yeux des médias comme à ceux du reste du monde, vous êtes l'expert. Si vous voulez qu'on parle de votre entreprise, il faut qu'on parle de vous.

D.B. - La plupart des gens d'affaires fuient la presse. Pourquoi pas vous ?

B.C. - J'ai appris rapidement que si vous volez la vedette à vos concurrents, tôt ou tard, vous leur ravirez des parts de marché. Je sais ce que la presse veut et je le lui donne. La plupart des gens d'affaires font le contraire : ils tentent de contrôler la presse comme s'il s'agissait de leur entreprise. Ils la fuient ou répondent mal à ses questions. Et ensuite, ils se demandent pourquoi leur relation est difficile.

D.B. - Votre plus grosse erreur est devenue un de vos principaux facteurs de succès. Racontez-nous en quoi cela a consisté.

B.C. - J'ai dépensé mon premier profit, 77 000 $, pour réaliser de magnifiques vidéos de nos appartements. Je me trouvais géniale. Mes vendeurs allaient les distribuer aux clients potentiels et les appartements s'envoleraient. Erreur ! Mes vendeurs ont refusé de les distribuer, parce que le nom et le numéro de téléphone de tous les vendeurs apparaissaient à l'écran. Personne ne voulait participer à une vente d'un collègue. Je croyais mon investissement perdu lorsque mon mari m'a parlé d'Internet. Il jouait en ligne à des jeux de guerre. J'ai plongé. J'ai mis mes vidéos sur le Web, j'ai démarré des groupes de discussion, etc. J'ai expérimenté, quoi. J'ai même acheté les URL de tous mes concurrents, et j'ai attendu qu'ils m'appellent. Ça a pris trois ans. Mon erreur m'a donné trois ans d'avance sur la concurrence dans l'univers Internet.

D.B. - Parlons de Shark Tank, la version américaine de Dans l'oeil du dragon. Qu'est-ce qui vous incite à investir dans un candidat ?

B.C. - Je vais vous dire un secret : avant même que le candidat n'ouvre la bouche, ma décision est prise. Sa présentation a peu d'importance. Tout se joue dans son regard et sa gestuelle. J'investis dans les entrepreneurs qui supportent bien la pression. Il faut savoir que le producteur de l'émission entretient la pression, puisqu'il dit aux candidats de ne pas parler avant qu'on ne leur adresse la parole et aux juges de ne rien dire avant que l'entrepreneur n'ait parlé. Le silence peut devenir lourd...

D.B. - Qu'est-ce qui vous irrite pendant une présentation ?

B.C. - Les mots à 10 dollars et les expressions de gestion à la mode. Ça sent les grandes écoles de gestion et les diplômes surévalués. Je fuis les entrepreneurs qui maîtrisent la théorie, mais qui n'ont jamais rien bâti à la sueur de leur front.

D.B. - Votre meilleur conseil ?

B.C. - «Tout le monde veut tout ce que tout le monde veut, et personne ne veut ce que personne ne veut.» Je vous explique. J'avais un lot d'appartements de valeur inégale à vendre pendant un creux immobilier. Je les ai tous étiquetés au même prix et j'ai dit à mes employés de passer le mot qu'il y aurait une supervente d'appartements samedi matin à 8 heures. J'ai donné l'adresse du bureau de vente sans donner plus de détails. Samedi matin, une foule de 300 personnes attendait impatiemment l'ouverture du bureau de vente. Tous mes appartements, même les plus moches, se sont envolés le jour même. Pourquoi ? J'avais créé un minibuzz autour de ces appartements dont personne ne voulait une semaine plus tôt. Personne ne voulait repartir les mains vides, quitte à prendre un moins bon produit.

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