Doubler la production d'électricité: la solution est-elle bleue?

Publié le 25/10/2023 à 09:00

Doubler la production d'électricité: la solution est-elle bleue?

Publié le 25/10/2023 à 09:00

Par Marina Soubirou

L’éolien en mer a un potentiel majeur au Québec. (Photo: 123RF)

EXPERTE INVITÉE. Bien des gouvernements et des communautés à travers le monde sont aujourd'hui confrontés au défi du vieillissement des infrastructures de production d'énergie. Celui-ci se double d’une croissance exponentielle de la demande. Les nécessaires efforts de décarbonation de nos économies pour s'adapter aux défis urgents posés par les changements globaux entrainent des besoins accrus en électricité.

Des politiques de réduction des besoins sont une partie de la solution. Néanmoins, le développement de nouvelles installations de production est incontournable. À la croisée des chemins, les choix que nous faisons auront un effet structurant sur nos sociétés pour les décennies à venir. Un ensemble de solutions innovantes et efficaces pourrait bien toutefois surgir des océans avec les multiples opportunités offertes par les énergies marines renouvelables (EMR).

Au Québec, la production d’une électricité abondante, peu coûteuse et très majoritairement renouvelable est une des vitrines internationales de notre économie. Alors que les chaines de valeurs internationales sont de plus en plus attentives à l’empreinte écologique des processus de production, cette spécificité est un avantage comparatif majeur.

Le gouvernement de notre province envisage de doubler la capacité de production électrique du Québec d’ici à 2050. Différentes options connues (productions éoliennes ou hydroélectriques) que nous pensions pour de bon derrière nous (nucléaire) ou encore en développement (solaire) sont sur la table. Les EMR, quoiqu’encore balbutiantes dans notre province, ont un potentiel majeur. Si l’éolien en mer est la plus connue, l’énergie bleue a bien d’autres facettes. Je vous propose dans ce premier billet un tour d’horizon à la découverte de ces technologies prometteuses.

 

La force du vent: l’éolien en mer

Quand nous pensons EMR, l’image qui vient en tête est celle d’immenses éoliennes alignées, entourées par des flots bleus surmontés par un horizon s’étendant à perte de vue. Les éoliennes en mer convertissent la force des vents du large — qui soufflent plus fort qu’à terre — en électricité. Dans leur fonctionnement et dans une large mesure dans leur conception, elles ressemblent à leurs sœurs terrestres. Elles ont toutefois quelques spécificités.

Tout d’abord les éoliennes en mer peuvent être ancrées sur des fondations sous-marines ou bien flottantes. Leur revêtement et leur structure sont par ailleurs conçus afin de les protéger de la corrosion, véritable fléau pour les installations situées en milieu marin. Enfin, elles sont adaptées à la force du vent qui les balaye, particulièrement violent dans un environnement marin qui ne lui oppose pas d’obstacles.

L’éolien en mer a un potentiel majeur au Québec. En mai dernier, le centre de recherche spécialisé en énergies renouvelables Nergica soulignait ainsi dans un rapport dédié à l’éolien extra côtier que malgré les contraintes liées au froid, «la portion canadienne de l’Atlantique possède l’un des meilleurs potentiels éolien au monde». Les chercheurs ajoutaient que «le Québec et le Canada possèdent une combinaison de compétences éprouvées et d’acteurs clés qui œuvrent dans différents secteurs en rapport avec l’éolien extracôtier».

Mais quelle puissance pouvons-nous espérer ? Une bonne idée peut nous en être fournie en jetant un œil à quelques centaines de kilomètres de nous vers le Sud, au Massachusetts. Le projet Vineyard Wind actuellement en fin de construction non loin de Martha’s Vineyard génèrera à lui seul 800 MW d’électricité. C’est plus de la moitié de la puissance combinée des quatre installations hydroélectriques de la Romaine. Pas mal, non?

 

La force de l’eau et les miracles de la biodiversité: les autres visages des énergies marines

Au-delà de l’éolien en mer, les énergies houlomotrice et marémotrice offrent également des potentiels de production intéressants. Les vagues et les marées peuvent en effet entrainer par leurs mouvements ou leur amplitude des turbines produisant de l’électricité. Selon Ressources naturelles Canada, l’énergie marémotrice aurait un potentiel total de 42 000 MW à l’échelle du pays. L’énergie houlomotrice aurait quant à elle un potentiel impressionnant de 146 500 MW pour la seule côte Atlantique.

Les biotechnologies marines ne sont enfin pas en reste. Depuis le milieu du vingtième siècle, des travaux ont mis en évidence le potentiel de production d’hydrogène de bioréacteurs à base de microalgues. En 2021, des chercheurs de Le Mans Université notaient que si de nombreux obstacles restent à franchir pour mettre à l’échelle cette technologie, celle-ci pourrait permettre de «produire de façon renouvelable les énormes quantités de bio hydrogène ou hydrogène vert dont le monde a tant besoin, en n’utilisant que du soleil et de l’eau ».

De l’électricité pourrait en outre être produite à l’aide de membranes lorsque de l’eau douce migre vers de l’eau salée, par exemple à l’embouchure des rivières dans le Saint-Laurent. Cette technique encore exploratoire, appelée production d’énergie osmotique, représenterait selon Hydro-Québec un potentiel de 1860 MW dans notre province.

 

Saisissons notre chance!

Les immenses défis sont aussi d’exceptionnelles opportunités. À ce chapitre, l’urgence actuelle de décarboner notre économie est aussi une chance de faire des choix économiques et productifs innovants. Ceux-ci nous engageront dans une trajectoire de durabilité forte de notre production d’énergie en plus de renforcer notre souveraineté et notre positionnement international.

Si nous faisons le choix des EMR, certains éléments majeurs sont évidemment à considérer. Des investissements importants seront nécessaires à la construction de ces infrastructures. Il sera en outre incontournable de concilier leur exploitation avec les autres usages des territoires maritimes, dont leur protection et leur usage traditionnel. Enfin, il faudra créer des synergies nouvelles entre les différentes filières économiques à impliquer dans ces projets.

Nos centres de recherches, nos entreprises, nos ports, nos grappes industrielles sont aujourd’hui autant de forces que nous pouvons – que nous devons – mobiliser de concert pour devenir des champions internationaux de ce secteur. Notre environnement nous offre cette chance, à nous de la saisir!

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