Les vieux générateurs de vapeur radioactifs que Bruce Power veut expédier en Suède par le Saint-Laurent sèment la panique. Le Port de Montréal a pourtant l'habitude de manutentionner des matières beaucoup plus radioactives... et en plus grande quantité.
En 2010, 18 000 tonnes d'uranium ont transité par le Port de Montréal, l'un des plus importants du monde pour cette matière. Le gros de ces chargements est composé d'U3O8. Aussi appelé yellow cake, ce concentré d'uranium est environ six fois plus radioactif que les fameux générateurs de Bruce Power, compte tenu de la masse des marchandises, selon les données déposées à la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) et celles transmises par le producteur Areva.
Le Canada est le producteur d'uranium le plus important du monde. Le minerai vient de la Saskatchewan, mais il est raffiné en Ontario. Plus de 90 % des expéditions outre-mer transitent par Montréal. " Près de 1 050 expéditions de matières radioactives passent par le port chaque année, dit Aurèle Gervais, directeur des affaires publiques à la CCSN. Ces envois comprennent différentes formes d'uranium, de même que du cobalt-60 ou du césium-137 destinés à la radiothérapie ou à la stérilisation médicale. "
Cameco, le principal producteur d'uranium canadien, exploite " la plus grande raffinerie d'uranium du monde " à Blind River, en Ontario, dit Murray Lyons, porte-parole. En plus d'exporter sa production par Montréal, l'entreprise saskatchewanaise y reçoit aussi une trentaine de chargements de concentré d'uranium en provenance de l'étranger. Elle les expédie par camion aux usines de Blind River et de Port Hope, où l'uranium d'outre-mer est raffiné. Cameco le rembarque ensuite à Montréal à destination de l'Europe.
Habituellement, la manutention se déroule sans problèmes. Mais en décembre 2007, au terminal Racine, une déneigeuse a percé un conteneur et un baril d'uranium. La contamination était mineure, assure Jean Vadboncoeur, capitaine de port adjoint. En 1989, la rupture de la valve d'un cylindre d'uranium vide avait contaminé un conteneur. Outre ces deux accidents jugés " mineurs ", le Port n'a enregistré aucun autre cas de contamination. Aucun travailleur n'a été affecté par ces fuites.
Plus radioactif, moins controversé
Le ministre de l'Environnement du Québec, Pierre Arcand, veut empêcher le transport des générateurs de vapeur de Bruce Power sur le fleuve Saint-Laurent. Mais les expéditions d'uranium au Port de Montréal, elles, ne le troublent pas.
" Je ne suis pas là pour faire un débat scientifique sur le degré de dangerosité de telle ou telle matière, dit-il. Le Saint-Laurent deviendra-t-il une route de transport des déchets nucléaires ? C'est ça, la question. "
À la Ville de Montréal, le responsable du développement durable, Alan de Sousa, refuse de comparer les générateurs avec l'uranium chargé et déchargé à Montréal.
" Il faut tenir compte du fait que ces déchets voyageront sur un seul navire , dit-il. Il ajoute que le chargement dépassera les normes internationales sur la radioactivité. La CCSN doit approuver à la pièce de telles expéditions, qui sont hors normes.
En octobre, la Ville a voté une motion pour s'opposer au passage des générateurs de Bruce Power devant Montréal.
Matières radioactives manutentionnées à Montréal : 19 500 tonnes par an (en moyenne, depuis 2005)
> Contient surtout de l'U308 (concentré d'uranium, aussi appelé " yellow cake ", en anglais)
> Radioactivité : 25 millions de becquerels par kg
> Masse des 16 générateurs de vapeur de Bruce Power : 1 450 tonnes
> Radioactivité : 4 millions de becquerels par kg
Sources : Commission canadienne de sûreté nucléaire, Areva
