La fusion Publicis-Omnicom ne passera pas comme une lettre à la poste

Publié le 29/07/2013 à 08:33, mis à jour le 29/07/2013 à 09:49

La fusion Publicis-Omnicom ne passera pas comme une lettre à la poste

Publié le 29/07/2013 à 08:33, mis à jour le 29/07/2013 à 09:49

Par AFP

Outre un aval délicat à obtenir auprès des autorités de la concurrence, le géant mondial de la publicité qui naîtra de la fusion entre Omnicom et Publicis pourrait aussi faire face à des problèmes d'intégration et de perte de clients, selon des analystes américains et français.

Dimanche, le Français Publicis, numéro 3 mondial de la publicité, et son concurrent américain Omnicom, numéro 2, ont dévoilé un projet surprise d'union qui doit les propulser au premier rang du secteur.

Le patron de Publicis Maurice Lévy, 71 ans, « boucle sa carrière par un coup d'éclat, mais il faudra convaincre les marchés », résume lundi Tangi Le Liboux, analyste pour Aurel BGC.

« Les deux groupes sont assez complémentaires d'un point de vue géographique et profiteront du développement de Publicis dans le numérique. Mais les clients vont-ils apprécier la naissance d'un nouveau géant? N'existe-t-il pas des risques de conflit d'intérêt? La culture d'entreprise entre les deux sociétés est-elle si proche? L'anti-trust pourrait-il bloquer la transaction? » s'interroge-t-il.

Cette foule de questions est relayée par la quasi-totalité des analystes lundi matin, en France comme outre-Atlantique, même s'ils ne manquent pas de saluer le poids « significatif » du nouveau groupe sur le marché, les belles opportunités en termes de synergies ainsi que les bénéfices qu'en tireront les actionnaires.

« C'est un "deal" très excitant. Le nouveau groupe aura du poids dans les marchés émergents et le marketing digital, et constituera une alternative forte face aux géants digitaux tels Facebook ou Google », souligne ainsi la banque d'affaires Morgan Stanley.

Le premier obstacle reste le feu vert des autorités de la concurrence, américaine et européenne: Publicis Omnicom « est confiant dans le fait qu'il obtiendra rapidement et sans gros problème l'approbation des autorités de régulation », mais cette fusion « va être passée au crible aux États-Unis et surtout en Europe », estime Bank of America-Merrill Lynch

« Ensemble, les deux groupes constitueraient environ 40% du marché publicitaire américain, soit plus du double du chiffre d'affaires américain de WPP », numéro 1 mondial jusqu'à l'annonce de la fusion, rappelle ainsi le groupe financier américain Jefferies.

« À très court terme, nous pensons que les investisseurs vont bien accueillir cette annonce, mais rapidement des questions vont se poser », résume Citi.

Il estime que la taille « significative » du nouveau groupe sera un avantage en termes de « pouvoir » pour rafler des contrats, mais une fusion « d'une telle ampleur » comporte des risques au niveau de l'intégration, « étant donné les cultures très différentes des deux groupes - Publicis étant beaucoup plus centralisé ».

Deutsche Bank juge également que la fusion va nécessiter « un changement de culture extrême pour Omnicom, qui a toujours été géré de façon très décentralisée. Il y a certes la possibilité de réaliser des économies de coûts, mais les différences culturelles laissent penser que le risque d'exécution est plus important que dans la moyenne des cas ».

La banque allemande estime qu'il faudra « au moins deux à trois ans avant que la nouvelle entité ne soit pleinement intégrée ».

Mais pour Morgan Stanley, s'il y a un « risque réel » au niveau de l'intégration des deux entités, Maurice Lévy et John Wren ont aussi « une grande expérience en termes de fusion-acquisition ».

Concernant les contrats que Publicis et Omnicom ont chacun dans leur panier, « la fusion pourrait poser des problèmes de conflits entre clients » souligne Bank of America qui rappelle que le contrat Pepsi est détenu par Omnicom et celui de Coca-Cola par Publicis.

Le nouveau géant pourrait aussi « perdre des clients" car la fusion « est une opportunité pour les groupes de faire le point avec leurs agences afin de renégocier un meilleur contrat, et Publicis Omnicom ne pourra pas tous les gagner. Cette situation devrait bénéficier à Havas, Interpublic et WPP, à moins qu'ils ne décident de s'engager dans une fusion à leur tour », résume Barclays.

Le directeur général d'Havas, David Jones, attaque pour sa part la taille du groupe: « Aujourd'hui les clients nous veulent plus rapides, plus agiles et avec un esprit plus entrepreneurial, ils ne nous demandent pas d'être plus gros, plus bureaucratiques et complexes ».

Selon lui, « des clients et des collaborateurs déstabilisés ne sont pas une bonne chose ni pour Publicis, ni pour Omnicom. C'est bizarre que les gens privilégient encore la +walmartisation+ (la course à la taille) au lieu de prendre comme modèle les Google, Facebook, Twitter Vine et Instagram qui sont les acteurs qui ont véritablement changé l'industrie. »

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