Chemin Roxham: une enquête sur les dépenses en fonds publics?
La Presse Canadienne|Publié le 03 octobre 2022Le chemin Roxham est utilisé par de nombreux migrants pour entrer irrégulièrement au Canada afin d’y demander l’asile. (Photo: La Presse Canadienne)
Ottawa — Le Bloc québécois, appuyé de députés conservateurs et néo-démocrates, tente lundi de déclencher une enquête sur l’utilisation de fonds publics pour ériger des installations près du chemin Roxham.
Ce passage situé en Montérégie est utilisé par de nombreux migrants pour entrer irrégulièrement au Canada afin d’y demander l’asile.
Radio-Canada a récemment révélé que, selon sa compilation, Ottawa a déboursé plus d’un demi-milliard de dollars en fonds publics pour rembourser des coûts défrayés par Québec ou pour payer des fournisseurs. Ces sommes ont notamment permis la location de terrains et d’hôtels, de même que l’installation de roulottes.
Le diffuseur public a relevé qu’il lui a été impossible de connaître la valeur de tous les contrats accordés par Ottawa puisque le gouvernement se cache derrière des exigences de confidentialité. Parmi ceux-ci, Radio-Canada a mentionné sept baux contractés sans appel d’offres auprès d’entreprises appartenant à Pierre Guay, un donateur libéral.
«Nous sommes inquiets de l’impact que ces révélations peuvent avoir sur le public ainsi que sur la confiance que le public est obligé d’accorder au gouvernement», peut-on lire dans une lettre envoyée au président du comité parlementaire de l’accès à l’information et de l’éthique, Pat Kelly, pour réclamer la réunion d’urgence qui a lieu lundi après-midi.
La missive est cosignée par le bloquiste René Villemure, les conservateurs James Bezan, Ryan Williams et Damien Kurek ainsi que par le néo-démocrate Matthew Green.
Les députés souhaitent que le comité de l’accès à l’information mène son étude sur les dépenses liées au chemin Roxham durant au moins six rencontres du groupe parlementaire.
On presse aussi pour que soient convoqués plusieurs témoins, tels que les ministres de l’Immigration et de la Sécurité publique, Sean Fraser et Marco Mendicino.
Dès le début de la rencontre de lundi, M. Villemure a déposé une motion visant à lancer l’enquête réclamée.
«Si le gouvernement n’a rien à cacher, il devrait lui-même dévoiler ces documents», avait-il dit un peu plus tôt, lors de la période des questions aux Communes.
La ministre de l’Approvisionnement, Helena Jaczek, a maintenu que de «divulguer des renseignements contractuels confidentiels violerait l’entente (du fédéral) avec le fournisseur».
Aussitôt la motion bloquiste déposée en comité, une élue libérale y siégeant, Ya’ara Saks, a suggéré que le comité de l’accès à l’information n’était pas le bon forum pour ce genre d’exercice, faisant valoir que ce dossier implique des questions liées à l’immigration.
Sa collègue Iqra Khalid a renchéri que la portée de l’enquête réclamée était trop vaste. Elle a demandé à ce que la motion soit amendée pour retirer la convocation du ministre Fraser, requête qui a été battue.
«Le dossier est assez précis et relève clairement de l’éthique. […] C’est pour ça que je crois que c’est ici que ça doit se passer», a rétorqué le conservateur Pierre Paul-Hus.
Ce dernier a aussi plaidé qu’il était urgent de faire la lumière sur les révélations, mentionnant que des contrats ont été renouvelés pour durer jusqu’en 2027.
Les libéraux ont ensuite tenté de limiter la durée de l’enquête réclamée pour qu’elle ne se tienne que sur deux rencontres du comité. «Je pense que six sessions, on exagère!», a dit l’un d’eux, Greg Fergus.
Selon lui, il est clair que les élus de l’opposition tenteront d’inviter à témoigner «tout le monde et son frère», ce qui nuira à l’efficacité des travaux du comité
Le néo-démocrate Matthew Green a pour sa part fait valoir que si les libéraux voulaient parler d’efficacité, ils devraient commencer par arrêter de faire du blocage au lancement de l’enquête.
Les bloquistes et néo-démocrates demandent depuis longtemps la suspension de l’Entente sur les tiers pays sûrs, qui est au cœur des passages irréguliers par le chemin Roxham.
Cet accord fait en sorte qu’un réfugié potentiel se présentant à un poste frontalier officiel canadien et ayant d’abord foulé le sol américain est refoulé puisqu’il doit poursuivre sa demande d’asile dans le premier «lieu sûr» où il est arrivé.
Ainsi, des personnes souhaitant tout de même demander l’asile au Canada traversent la frontière canado-américaine par des passages de fortune, comme le chemin Roxham, en Montérégie. Une fois qu’ils sont au Canada, leur demande d’asile peut être traitée.
De leur côté, les conservateurs souhaitent l’application uniforme de l’Entente sur les tiers pays sûrs tout le long de la frontière, poste d’entrée officiel ou non.