Les étudiants internationaux paient des droits de scolarité de trois à dix fois plus élevés que ceux d’ici. (Photo: 123RF)
L’appétit des établissements d’enseignement supérieur pour les étudiants internationaux ne cesse de grandir. La complexité et la lenteur des processus administratifs gouvernementaux nuisent toutefois à leurs efforts.
La firme HolonIQ prédit que l’on comptera environ huit millions d’étudiants internationaux dans le monde d’ici 2030, soit trois millions de plus qu’en 2019. Leurs dépenses totales — incluant droits de scolarité, logement, nourriture, transport, etc. — grimperont de 196 à 433 milliards de dollars américains.
Dans les universités québécoises, leur nombre est passé de 48 470 à 54 321 depuis 2019 selon le Bureau de coopération interuniversitaire (BCI), ce qui représente une hausse de 12 %. On en dénombrait à peine plus de 20 000 en 2010, selon Statistique Canada. Ils représentent désormais environ un étudiant sur six, d’après le BCI.
« La proportion d’étudiants internationaux varie grandement entre les établissements », prévient Daniel Jutras, président du BCI et recteur de l’Université de Montréal. Ainsi, 70 % des étudiants de l’INRS proviennent de l’international en 2022, comparativement à 13,5 % à l’Université du Québec à Montréal et 29 % à l’Université McGill.
Manne financière
Les étudiants internationaux paient des droits de scolarité de trois à dix fois plus élevés que ceux d’ici. Entre 2012 et 2022, la moyenne des droits de scolarité des étudiants internationaux de premier cycle est passée de 16 670 à 29 827 dollars, selon Statistique Canada. Depuis 2018, le gouvernement ne subventionne plus les universités pour ces étudiants, mais leur permet d’établir le niveau de droits de scolarités qu’elles leur facturent.
Daniel Jutras tient toutefois à nuancer. « Une grande partie des étudiants internationaux provient de France ou de Belgique, qui sont des États avec lesquels le Québec possède des ententes qui gardent les droits de scolarité relativement bas », rappelle-t-il. En 2019, un tiers des étudiants internationaux étaient Français.
Selon Daniel Jutras, les étudiants internationaux enrichissent la diversité culturelle sur les campus et les salles de cours. Certains d’entre eux deviendront des chercheurs ou des travailleurs qualifiés au Québec, alors qu’une partie de ceux qui retournent dans leur pays agira en bons ambassadeurs pour les universités et le Québec.
Goulot d’étranglement
Dans la lutte pour attirer les étudiants internationaux, la qualité de vie au Québec et la bonne réputation de ses programmes de formation servent d’atouts. Le français peut freiner le recrutement des étudiants qui ne le maîtrisent pas, comme le manque de ressources financières de certains étudiants.
La complexité et la lenteur des démarches d’obtention de permis constituent également un obstacle. Depuis quelques années, les étudiants africains francophones ont par exemple essuyé un taux très élevé de refus à leur demande de visa. En 2021, le gouvernement fédéral a rejeté 72 % des candidatures provenant de pays africains ayant une forte population francophone, contre 35 % pour l’ensemble des autres régions, selon Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
Des cégépiens venus d’ailleurs
Les étudiants internationaux fréquentent aussi beaucoup le réseau collégial, notamment dans des programmes de technique. Dans le secteur public, ils paient entre 14 000 et 16 000 dollars de droits de scolarité (sauf s’ils sont Français ou jouissent d’une exemption), mais c’est le gouvernement québécois qui perçoit cet argent.
« Le gouvernement finance ensuite l’étudiant auprès du cégep comme s’il était Québécois, donc les établissements n’en tirent pas un avantage financier comparable à celui des universités », souligne Bernard Tremblay, PDG de la Fédération des cégeps.
Les étudiants internationaux répondent plutôt à d’autres besoins. « Dans certaines régions, ils aident par exemple à créer des cohortes d’une taille suffisante pour continuer d’offrir certains programmes qui pourraient se retrouver en danger sans eux » illustre le PDG.
Plus de la moitié des étudiants internationaux fréquentent le réseau privé, subventionné ou non. Ces dernières années, le nombre d’étudiants indiens a explosé en raison de l’engouement pour les collèges privés non subventionnés. Plusieurs d’entre eux y trouvaient une voie d’accès détournée à un permis de travail, qu’on peut avoir au Québec après l’obtention d’une attestation d’études collégiales (AEC) ou d’un diplôme d’études professionnelles (DEP). La plupart de ces collèges privés offrent des formations courtes, seulement en anglais, à des prix d’environ 25 000 dollars. Le gouvernement québécois s’est engagé à resserrer ses règles à l’automne 2023.
Les cégeps ont développé ces dernières années des capacités accrues de recrutement d’étudiants internationaux. Ils doivent toutefois bien expliquer aux candidats en quoi consiste un cégep, une institution unique au monde. La langue française et la complexité des formalités administratives constituent aussi des obstacles pour eux.
« Certains pays comme la France, le Royaume-Uni ou les États-Unis font une promotion plus agressive que le Québec, indique par ailleurs Bernard Tremblay. La compétition est très forte sur les marchés internationaux et un appui supplémentaire vaudrait son pesant d’or. »