Le dégraissage de l’État ne passera pas par des licenciements
Dominique Talbot|Publié le 18 mars 2024Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard (Photo: Jérôme Lavallée)
L’optimisation de l’État, annoncée lors du budget déposé la semaine dernière par le gouvernement du Québec, ne se traduira pas par des «vagues de licenciements», a prévenu lundi matin le ministre des Finances, Eric Girard.
«Lorsque vous êtes devant des situations difficiles, la solution passe par les gens en place. L’optimisation ne viendra pas par des vagues de licenciements. Ça n’a aucun sens. Ça ne marcherait pas. Ce n’est juste pas une bonne idée», a-t-il affirmé devant un parterre de gens d’affaires réunis à l’invitation de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Avec un déficit de près de 11 milliards de dollars pour l’exercice financier 2024-2025, largement supérieur aux trois milliards anticipés au mois de novembre dernier, le ministre Girard espère, par cette «optimisation de l’action de l’État», récupérer 2,9 milliards de dollars d’ici 2028-2029, notamment par la révision de certaines aides aux entreprises (1 milliard), l’optimisation des sociétés d’État (1 milliard), la lutte au tabagisme (300 millions) et en s’assurant de l’intégrité et de l’équité du régime fiscal (562 millions).
L’examen des dépenses fiscales et budgétaires du gouvernement, qui sera annoncé plus en détail lors du prochain budget, est la seule mesure qui n’est pas chiffrée.
Et même si, selon le ministre, «approximativement 50% de nos dépenses sont des salaires», l’heure n’est pas à une réduction marquée du nombre d’employés de l’État, surtout dans la «livraison des services», a-t-il réitéré.
«J’ai besoin de plus de professeurs. J’espère qu’il n’y a pas un consultant qui va nous dire de supprimer des postes dans l’enseignement. Ça prend une cohérence.»
Pour l’examen des dépenses gouvernementales, le ministre dit beaucoup compter sur la numérisation des services de l’État, surtout en santé et en éducation, par l’attrition et les départs à la retraite. «La numérisation dans le secteur de la santé avec le dossier de santé numérique est très importante. C’est indéniable qu’il y a des gains de productivité à faire dans le secteur de la santé avec la numérisation.»
Le quotidien Le Devoir évoquait la semaine dernière que le nombre d’employés de l’État a augmenté de 5,4% au cours de la dernière année. Au total, l’État québécois comptait l’année dernière près de 580 000 employés, une hausse de plus de 50 000 personnes en trois ans.
Tensions avec le fédéral
Au cours de sa présentation de lundi matin, Eric Girard a répété qu’il comptait encore sur une baisse des taux d’intérêt dans le deuxième semestre de 2024, «l’étincelle» nécessaire pour que l’économie reprenne. Si la Banque du Canada prend des décisions en ce sens, l’économie pourrait croître de 0,6% dans la deuxième moitié de l’année.
Par contre, le ministre compte beaucoup moins sur l’aide d’Ottawa et une hausse des transferts fédéraux pour l’aider à joindre les deux bouts d’ici 2029-2030, où il anticipe un retour à l’équilibre budgétaire.
D’ailleurs, cette question continue d’être un autre point de discorde entre Québec et Ottawa, et le ministre Girard peine à cacher son mécontentement.
«Pour les cinq prochaines années, les revenus du gouvernement du Québec vont croître à 3,3%, et les dépenses à 2,9%. C’est ce 0,4% (d’écart) qui doit passer à 1% annuellement pour revenir à l’équilibre. Question quiz: « de combien les transferts fédéraux vont augmenter par année d’ici les cinq prochaines années? » 0,5%. Ils n’augmenteront pas.»
En référence aux programmes de soins dentaires et d’assurances médicaments que le fédéral souhaite mettre sur pieds, et qui existent au Québec, le ministre a rappelé que l’Accord du lac Meech prévoyait des compensations quand le pouvoir de dépenser d’Ottawa faisait intrusion dans les champs de compétences des provinces.
«Avant de créer de nouveaux programmes, il faut financer ceux qui sont existants. On a des pressions en santé, et nous n’avons pas d’aide du gouvernement fédéral», a-t-il martelé.
Sur la question des transferts fédéraux, le ministre dit ne «s’attendre à aucune surprise positive de la part d’Ottawa», lors du budget de Chrystia Freeland qui sera présenté le 16 avril prochain. «Je n’ai pas beaucoup d’espoir.»