Loi sur les mesures d’urgence: Lametti invoque le secret ministériel devant le comité

Publié le 27/04/2022 à 09:35

Loi sur les mesures d’urgence: Lametti invoque le secret ministériel devant le comité

Publié le 27/04/2022 à 09:35

Par La Presse Canadienne

Pendant la majeure partie du mois de février, la colline du Parlement et les rues qui l’entourent étaient remplies de personnes et de camions portant des pancartes et des drapeaux ornés de jurons dirigés contre Justin Trudeau. (Photo: La Presse Canadienne)

Ottawa — Le ministre de la Justice David Lametti a invoqué à répétition le secret ministériel lors de son audition devant le comité spécial chargé d’enquêter sur la décision du gouvernement de recourir à la Loi sur les mesures d’urgence.

M. Lametti a été interrogé de manière pointilleuse, mardi soir, sur la manière dont Ottawa a consulté les provinces et d’autres ressources avant de déclarer l’urgence et à quel moment le gouvernement s’est fait recommander d’y mettre fin. À de multiples reprises, le ministre a répondu qu’il «ne trahirait pas le secret ministériel».

Cet enjeu était le principal souci des conservateurs depuis le lancement, lundi, d’une enquête publique distincte sur le recours à la Loi sur les mesures d’urgence. Ces deux mécanismes de révision obligatoires sont prévus dans la loi.

L’opposition demande aux libéraux de lever le secret ministériel et de dévoiler toutes les informations sur lesquelles le gouvernement s’est appuyé dans sa prise de décision.

David Lametti affirme que le gouvernement a fourni au comité les documents nécessaires pour obtenir un portrait clair de son processus de réflexion.

«Je crois que les Canadiens vont comprendre que le secret ministériel est une composante essentielle de notre système de gouvernance», a-t-il soutenu.

«Alors, lever le secret ministériel est quelque chose d’extrêmement rare», a-t-il ajouté.

Le député néo-démocrate et membre du comité mixte, Matthew Green, a défié le ministre Lametti en lui lançant qu’il avait «une occasion d’être honnête envers les Canadiens» au sujet des preuves et des faits concernant la prise de décision du gouvernement. Il a appelé le ministre à faire preuve de plus de coopération et de franchise.

«Vous entravez certainement le processus par lequel nous devons pouvoir obtenir de la transparence», a renchéri M. Green.

Le ministre Lametti a répondu qu’il était aussi lié par le privilège de confidentialité entre avocat et client à titre de Procureur général du Canada.

Un autre acteur de premier plan du clan libéral a affirmé que le gouvernement défendait «deux intérêts concurrents» lorsqu’il s’agit de transmettre des informations sur son utilisation de la Loi sur les mesures d’urgence: la transparence et la protection de la sécurité nationale.

Le leader du gouvernement à la Chambre, Mark Holland, a répondu mardi aux questions sur les informations que les libéraux fourniront à un juge chargé de mener une enquête indépendante sur les circonstances entourant le recours à la Loi sur les mesures d’urgence dans la foulée des manifestations de camionneurs contre les mesures sanitaires.

Bien que le gouvernement affirme que le juge de la Cour d’appel de l’Ontario, Paul Rouleau, aura un large accès aux documents classifiés, il n’a pas précisé si cela inclura l’accès aux documents secrets détenus par le Cabinet Trudeau.

M. Holland a indiqué que le gouvernement fournira autant d’informations que possible afin que les Canadiens aient «une image absolument claire, jusqu’au point où cela ne nuit pas à la sécurité nationale».

«Nous avons deux intérêts concurrents», a-t-il dit aux journalistes avant une réunion du Cabinet prévue dans l’édifice de l’Ouest du parlement.

«La chose la plus importante que nous puissions faire est de nous assurer que le public dispose de toutes les informations dont il a besoin pour voir clairement pourquoi les décisions ont été prises et comment elles ont été prises. Mais nous savons aussi que nous devons protéger la sécurité nationale. Ce sont des choses difficiles à équilibrer», a-t-il expliqué.

Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a lui aussi témoigné devant le comité mixte mardi soir. Il a rapporté que le gouvernement avait reçu la recommandation d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence sans préciser d’où provenait cette recommandation.

M. Mendicino a déclaré que la Loi sur les mesures d’urgence avait aidé à «alléger les difficultés entre différentes juridictions» parmi les forces policières et a dit espérer que le comité pourrait offrir des pistes de solution pour affronter ce genre de défi dans l’avenir.

 

Un rappel de la situation au laboratoire de Winnipeg

Les libéraux et les partis d’opposition se sont déjà affrontés en matière de transparence et de sécurité nationale, notamment sur le refus du gouvernement de remettre des documents sur le licenciement de deux scientifiques d’un laboratoire à la sécurité le plus élevé du Canada.

On sait peu de choses publiquement sur le licenciement des scientifiques Xiangguo Qiu et Keding Cheng, qui ont été escortés hors du Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg en juillet 2019, puis licenciés en janvier 2021.

En décembre, M. Holland a proposé de créer un comité multipartite spécial pour examiner les documents, avec un panel de trois anciens juges principaux déterminant ce qui pourrait être rendu public sans compromettre la sécurité nationale.

Mais les conservateurs ont rejeté la proposition, soulignant que, lors de la session parlementaire précédente, l’Agence de la santé publique du Canada avait ignoré plusieurs ordres d’un comité des Communes et de la Chambre elle-même de produire des documents non expurgés.

M. Holland a néanmoins souligné sa proposition précédente ainsi que l’offre du gouvernement de demander au comité spécial du renseignement du Parlement d’examiner des documents secrets sur le laboratoire de Winnipeg, comme solutions possibles aux préoccupations concernant la Loi sur les mesures d’urgence.

«Là où il y a des différends, je cite spécifiquement l’exemple des laboratoires de Winnipeg… nous avons répondu en créant un modèle différent qui a permis un accès élargi et un plus grand examen de ces points de manière indépendante, a-t-il expliqué. Nous continuons donc à être raisonnables et rationnels à ce sujet.»

La référence de M. Holland au conflit du laboratoire de Winnipeg n’a pas plu au porte-parole conservateur en matière de préparation aux situations d’urgence, Dane Lloyd, qui a accusé les libéraux de «se cacher derrière des outils juridiques» et a appelé à la production de documents du Cabinet.

«Si les libéraux suggèrent déjà qu’ils (ont l’intention) d’aborder cette enquête comme celle des documents du laboratoire de Winnipeg, cela signale l’intention des libéraux de cacher la vérité aux Canadiens», a soutenu M. Lloyd.

«Pour être clair, ce que M. Holland suggère lorsqu’il fait référence à la “situation du laboratoire de Winnipeg” est d’ignorer deux ordres d’un comité et deux ordres de la Chambre des communes pour la production des documents du laboratoire de Winnipeg, le tout avec des garanties raisonnables pour protéger notre sécurité nationale», a-t-il ajouté.

 

Délai de 60 jours écoulé

Le gouvernement libéral a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence pour la première fois de l’histoire le 14 février, accordant des pouvoirs temporaires extraordinaires à la police pour évacuer les manifestants et demander aux banques de geler les comptes de certaines des personnes impliquées.

Les pouvoirs temporaires signifiaient que les manifestants et leurs partisans pouvaient être passibles d’amendes allant jusqu’à 5000 $ ou cinq ans de prison.

La Loi sur les mesures d’urgence oblige le gouvernement à ouvrir une enquête dans les 60 jours suivant sa révocation pour examiner les circonstances qui ont conduit à sa déclaration et les mesures prises pour y faire face.

Lundi était le dernier jour où le gouvernement pouvait déclencher une enquête en vertu de la loi. M. Rouleau doit fournir un rapport final en anglais et en français au gouvernement fédéral d’ici le 20 février 2023.

Alors que de nombreuses personnes impliquées dans le prétendu «convoi de la liberté» ont dit qu’elles étaient là pour exiger la fin de toutes les restrictions liées à la COVID-19, certaines, dont bon nombre des organisateurs les plus virulents, souhaitaient également le renversement du gouvernement libéral.

Pendant la majeure partie du mois de février, la colline du Parlement et les rues qui l’entourent étaient remplies de personnes et de camions portant des pancartes et des drapeaux ornés de jurons dirigés contre Justin Trudeau.

Les manifestations ont considérablement affecté les résidants d’Ottawa et les entreprises du centre-ville. Les responsables ont décrit un état «d’anarchie», car les règlements n’ont pas été appliqués par la police pendant trois semaines et le son des klaxons a retenti à toute heure du jour et de la nuit.

Cependant, plusieurs premiers ministres provinciaux se sont prononcés contre ce qu’ils ont qualifié de grave excès de pouvoir de la part du gouvernement fédéral, affirmant que la police avait déjà toute l’autorité dont elle avait besoin pour expulser les manifestants.

Le vérificateur général de la Ville d’Ottawa a également lancé un examen de la réponse locale et plusieurs groupes, dont l’Association canadienne des libertés civiles, ont intenté des poursuites devant la Cour fédérale pour contester l’utilisation par le gouvernement de la Loi sur les mesures d’urgence.

Un autre convoi, celui-ci à moto, doit arriver à Ottawa la fin de semaine prochaine.

Le Service de police de la Ville d’Ottawa a indiqué sur Twitter mardi soir que les règles seront renforcées pendant cet événement, nommé «Rolling Thunder». Des zones d’exclusion de véhicules seront mises en place à plusieurs endroits, notamment près de la Colline du Parlement et du Monument commémoratif de guerre.

«La Ville d’Ottawa interdit désormais l’usage de véhicules lors de manifestations, rallyes ou activités semblables au sein de secteurs désignés du centre-ville, afin d’assurer la sûreté et le bien-être de la collectivité et des participants», a rappelé le service de police dans un gazouillis, ajoutant que les contrevenants s’exposent «à des amendes et au remorquage» ainsi qu’à «l’arrestation et l’inculpation (des) conducteurs».

L’usage de feux d’artifice, feux à ciel ouvert, avertisseurs à air comprimé, klaxons de voiture ou de locomotive, l’érection de constructions et de tentes est également interdit au cours de tout événement ou manifestation, rappelle-t-on.

L’Association canadienne des libertés civiles a fait part de ses inquiétudes quant au fait que le gouvernement souhaite limiter l’enquête aux actions des manifestants, mais pas sur sa propre prise de décision.

Les conservateurs ont fait écho à cela, accusant le gouvernement d’essayer de «blanchir» l’enquête.

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