Entrée en fonction le 17 mars, Luce Asselin se retrouve à la tête d'une Agence de l'efficacité énergétique (AEE) en pleine mutation. La stratégie énergétique dévoilée par le gouvernement Charest en mai 2006 appelle effectivement l'AEE à jouer un rôle beaucoup plus actif que par le passé dans l'atteinte des cibles d'économie d'énergie d'ici 2015. En plus des grandes industries, citoyens et entreprises peuvent s'attendre à être beaucoup plus encouragés, par des politiques et des réglementations, à réduire leur consommation énergétique. Mme Asselin, qui travaillait au ministère des Ressources naturelles du Québec au début des années 1990 lorsque celui-ci a lancé son premier plan d'efficacité énergétique, se dit prête à relever le défi. Journal Les Affaires - Selon certains observateurs, la meilleure façon d'encourager l'efficacité énergétique est d'augmenter les prix de l'énergie. Qu'en pensez-vous ? Luce Asselin - C'est vrai que le signal de prix n'est pas là au Québec, et je doute fort qu'il apparaisse prochainement. Il ne faut pas oublier que ce n'est pas l'Agence de l'efficacité énergétique qui fixe les prix de l'énergie, mais bien la Régie de l'énergie. Malgré tout, on constate des résultats extrêmement probants au Québec, où l'efficacité énergétique est en train de faire sa place. Les interventions de l'Agence ont permis des économies d'énergie de 4 000 térajoules (TJ) depuis 10 ans, qui s'ajoutent à celles des distributeurs gaziers et d'Hydro-Québec (environ 9 500 TJ). JLA - Alors comment aller plus loin sans utiliser le prix comme levier ? L.A. - Je crois qu'il est important de transformer l'efficacité énergétique en projet collectif, de l'inscrire dans le contexte plus large du développement durable. Les gens doivent prendre conscience que leurs gestes ont un impact direct sur l'environnement. Des approches plus pédagogiques permettront aussi de réaliser des progrès. Seulement avec les mesures en cours, on évalue que le Québec économise chaque année environ 2,5 milliards de dollars, soit 350 dollars par personne. JLA - Qu'en est-il des secteurs industriels et commerciaux ? L.A. - Nous sommes en mesure de mettre au point et d'améliorer des outils à cet effet. Le gouvernement encourage l'abandon du mazout lourd pour le chauffage, notamment pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. On attend également un nouveau Code du bâtiment pour 2009, qui permettra d'aller au-delà de la norme volontaire Novoclimat. Il s'appliquera à la construction comme à la rénovation. Cette modernisation du Code devrait permettre des économies substantielles. JLA - Et du côté institutionnel, qui comprend notamment les écoles et les hôpitaux ? L.A. - Le gouvernement veut montrer l'exemple dans le secteur institutionnel en améliorant l'efficacité énergétique de 10 à 14 % en 2010 par rapport à 2003. L'Agence travaille actuellement avec les intervenants de la santé et de l'éducation pour les aider à atteindre ces objectifs. Ces initiatives auront un impact, puisque la facture énergétique des 5 200 bâtiments publics québécois était de 535 millions de dollars en 2003. JLA - Pour la première fois, la stratégie d'efficacité énergétique du gouvernement vise les produits pétroliers, donc les transports. Les habitudes dans ce secteur sont particulièrement difficiles à changer... L.A. - Presque rien n'a encore été fait dans ce secteur à l'Agence. L'objectif d'efficacité énergétique imposé à ce secteur est ambitieux. Pour l'atteindre, nous ciblons les transports, qui concentrent plus de la moitié des nouvelles mesures. Nous travaillerons avec des partenaires privés pour réduire la consommation de carburant des camions lourds, et on veut aussi mettre l'accent sur l'écoconduite, qui consiste entre autres à accélérer et freiner moins brusquement. JLA - Le gouvernement vise par ailleurs un minimum de 5 % d'éthanol dans l'essence à l'horizon 2010. Est-ce que vos objectifs tiennent compte de cette mesure ? L.A. - Oui. Nous sommes conscients que l'éthanol tiré du maïs présente des avan-tages environnementaux mitigés, et c'est pourquoi nous allons privilégier l'éthanol cellulosique, qui peut être produit à partir de résidus forestiers, agricoles ou encore de matières résiduelles. JLA - Est-ce que l'AEE telle qu'on la connaît aujourd'hui a les moyens de ses ambitions ? L.A. - La stratégie énergétique du Québec a donné une nouvelle personnalité à l'Agence, qui est actuellement en transition. L'AEE doit non seulement promouvoir l'efficacité énergétique, mais aussi contribuer au développement de nouvelles technologies énergétiques. Il s'agit d'un nouveau rôle pour l'Agence, qui sera beaucoup plus active sur le terrain. Nous continuerons d'être un collaborateur de premier ordre pour les distributeurs énergétiques, mais l'Agence veut également assumer davantage un rôle de leadership. Cet article est tiré du journal Les Affaires du 17 au 23 mai 2008. ( Chiffres clés ) La stratégie d'efficacité énergétique de Québec impose des cibles d'économies d'énergie ambitieuses. Chaque filière a jusqu'en 2015 pour les atteindre. Électricité : Réduction de 11 térawattheures Soit 5,7 % de la consommation de 2005. Gaz naturel : Réduction de 350 millions de mètres cubes Soit 6,5 % de la consommation de 2005. Produits pétroliers : Réduction de 2 millions de tonnes d'équivalent pétrole Soit 12 % de la consommation de 2005. ( CV ) Nom : Luce Asselin Âge : 45 ans Titre : Pdg Organisation : Agence de l'efficacité énergétique MmeAsselin a travaillé au service de plusieurs ministères provinciaux et fédéraux. Elle est également passée par GPC Communications, le Groupe Everest et, dernièrement, Hydro-Québec.