Multiplier la déduction pour gain en capital, c’est possible?
WelcomeSpaces.io|Mis à jour le 13 juin 2024(Photo: 123RF)
LE COURRIER DE SÉRAFIN est une rubrique qui présente deux fois par semaine la question en finances personnelles d’un utilisateur, suivie de la réponse de Sérafin, intelligence artificielle spécialisée en finances personnelles québécoises. Le tout est accompagné d’un commentaire de validation ou un complément par un professionnel financier.
«Je prévois vendre les actions de mon entreprise au cours des prochaines années et réaliser un gain en capital d’environ trois millions. Je souhaite me prévaloir de la déduction pour gain en capital lors de la vente. Or, on m’a parlé de « multiplier la déduction du gain en capital » en utilisant une fiducie comme moyen de permettre à mes deux enfants (12 et 15 ans) de profiter eux aussi de la déduction pour gain en capital lors de la vente. Comment ça fonctionne et quelle est l’avantage de cette stratégie?»
Les réponses de Sérafin
La stratégie que vous avez mentionnée, connue sous le nom de «multiplication de la déduction pour gain en capital (DGC)» par l’intermédiaire d’une fiducie familiale attribue les gains en capital aux membres de la famille grâce à la fiducie. Voici une explication simplifiée de la manière dont cela fonctionne et de l’avantage potentiel de cette stratégie:
Création d’une fiducie familiale discrétionnaire: vous créez une fiducie dans laquelle vous transférez les actions de votre entreprise. Les bénéficiaires de cette fiducie peuvent inclure vos enfants et d’autres membres de la famille.
Vente des actions de l’entreprise: lorsque les actions de l’entreprise sont vendues, le gain en capital réalisé peut être attribué aux bénéficiaires de la fiducie, c’est-à-dire vos enfants dans ce cas.
Utiliser la DGC individuelle: chaque bénéficiaire de la fiducie, y compris vos enfants, a droit à sa propre exonération du gain en capital s’ils répondent aux critères d’admissibilité. Cela signifie que plutôt que d’avoir une seule exemption à votre disposition, vous pouvez potentiellement multiplier ces exemptions en fonction du nombre de bénéficiaires éligibles dans la fiducie.
Avantage de la stratégie: l’avantage de cette stratégie réside dans la capacité de réduire la charge fiscale sur le gain en capital en utilisant l’exonération de chacun des bénéficiaires, ce qui peut aboutir à une économie d’impôt significative. Par exemple, si chaque bénéficiaire possède une exemption de gain en capital disponible de 971 190$ (2023), et que vous avez deux enfants, cela pourrait signifier une économie d’impôt supplémentaire considérable par rapport à l’utilisation de la DGC uniquement pour vous-même. En 2024, ce plafond passera à 1 016 836$.
Réduction d’impôt importante: il est important de noter que l’imposition des revenus et des gains en capital imputés aux enfants par la fiducie est généralement à un taux d’imposition plus faible, grâce aux crédits d’impôt disponibles et à la taxation progressive. Cela conduit à une réduction importante des impôts sur les revenus générés par la fiducie, y compris les gains en capital attribués.
En conclusion, la stratégie de multiplication de la DGC au moyen d’une fiducie familiale peut offrir un avantage financier conséquent en permettant à plusieurs membres de la famille de bénéficier de leur propre exemption de gain en capital, maximisant ainsi les économies d’impôts lors de la vente de votre entreprise. Il est cependant essentiel de consulter un CPA ou un Fiscaliste pour s’assurer de la mise en place correcte de la stratégie, des conditions d’admissibilité et des implications fiscales spécifiques à votre situation.
Réponse de Pierre-Olivier Privé, comptable professionnel agréé (CPA) et fiscaliste
La multiplication de la déduction pour gains en capital («DGC») est tout à fait possible et légale. Comme son nom l’indique, il est possible d’utiliser ladite déduction des membres de votre famille comme votre conjoint(e) et vos enfants afin de minimiser l’imposition présente et future.
Le véhicule fiscal utilisé dans un contexte de multiplication de la DGC est la fiducie familiale discrétionnaire. Cette fiducie permet une grande latitude quant aux distributions d’actifs.
Afin d’atteindre un objectif de multiplication de la DGC dans un contexte de société active, il faut tout d’abord constituer la fiducie. Il s’agit d’une étape cruciale, puisque c’est à ce moment que l’on doit déterminer les bénéficiaires de la fiducie (p. ex. l’entrepreneur, son/sa conjoint(e), les enfants, les sociétés de gestions, etc.). À la suite de la constitution de la fiducie, quelques transactions fiscales devront intervenir afin d’intégrer la fiducie dans l’actionnariat de la société. Habituellement, un gel successoral sera priorisé afin que l’entrepreneur conserve les fruits de son travail depuis la création de la société, soit de conserver personnellement la valeur de la société jusqu’au moment de l’intégration de la fiducie. La fiducie, elle, devra souscrire aux nouvelles actions participantes de la société. Ce faisant, c’est à partir de la valeur future de ses nouvelles actions participantes que l’objectif de multiplication de la DGC sera ultimement réalisé.
Dans un contexte de vente d’entreprise, il faut en premier lieu déterminer la juste valeur marchande (ci-après, la «JVM») de la société avant de débuter les transactions fiscales. Si la JVM de la société est de 1M$, il faudra prévoir un gel successoral en échangeant les actions ordinaires émises et détenues par l’entrepreneur en actions privilégiées de même valeur, soit de 1M$. Les actions privilégiées cesseront de prendre de la valeur et auront une valeur de rachat fixée à 1M$. Suivant cette étape, la fiducie souscrira à 100 nouvelles actions participantes de la société pour 10$. La plus-value de la société supérieure à 1M$ se cumulera sur les 100 nouvelles actions participantes appartenant à la fiducie.
Prenant l’hypothèse que la valeur de la société dans trois ans est de 3M$, l’entrepreneur détient toujours des actions privilégiées valant 1M$ et la fiducie des actions participantes valant maintenant 2M$. Au moment de la vente des actions, pour un prix de vente de 3 M$, l’entrepreneur pourra utiliser sa DGC et ne pas payer d’impôt permanent. Il faut noter qu’il sera possiblement sujet à l’application de l’impôt minimum de remplacement. Quant à elle, la fiducie pourra attribuer le gain en capital sur les nouvelles actions participantes en faveur des enfants afin de multiplier la DGC. Il s’agit donc d’un avantage très intéressant d’un point de vue fiscal, puisque pour une vente de 3M$, il serait possible de ne pas payer d’impôt permanent sur la transaction.
Bonne nouvelle! En 2024, le plafond admissible à la DGC a effectivement augmenté. Ainsi, si vous vendez des actions admissibles d’une petite entreprise canadienne, des actions AAPE dans le jargon fiscal, la DGC est de 1 016 836$. Toutefois, comme seulement la moitié des gains en capital réalisés sont imposés, la limite de déduction est de 508 418$. Cela correspond à une énorme économie d’impôt de 271 037,64$ (1 016 836$ x 50% x 53,31%).
Il est important de noter que certaines règles légales entourant les obligations des tuteurs aux biens pourraient s’appliquer lorsqu’une importante somme d’argent est transférée à un enfant mineur. Le curateur public surveillera également la gestion de tous les tuteurs datifs et légaux qui gèrent des biens de plus de 40 000$.
Somme toute, vous avez peut-être l’impression qu’il s’agit de concepts relativement simples. En revanche, plusieurs conditions doivent être préalablement analysées pour avoir accès à ce type de véhicule fiscal. À titre d’exemple, il est important que la fiducie ait possédé les actions participantes depuis plus de 24 mois avant la vente en question. Par conséquent, il ne faut pas attendre «à la dernière minute» pour constituer une fiducie familiale.
* Ce texte ne tient pas compte du budget fédéral déposé le 16 avril 2024. Des modifications au calcul du gain en capital imposable et au plafond de la DGC ont été annoncées et pourraient affecter votre planification.
Vous avez d’autres questions de finances personnelles? Allez les poser à Sérafin et, qui sait, vos interrogations seront peut-être publiées ici!