Peut-on encore faire de l'argent dans l'immobilier?

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Édition de Avril 2015

Peut-on encore faire de l'argent dans l'immobilier?

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Édition de Avril 2015

Steve Forget, investisseur immobilier [Photo: Jérôme Lavallée]

À cause du ralentissement de la croissance des prix, le marché immobilier québécois n'est plus l'Eldorado qu'il a déjà été. Pourtant, il y a encore moyen d'en tirer des revenus intéressants. Comment y arriver ?

En 2009, Steve Forget habite un petit condo dépourvu de balcon extérieur dans le quartier montréalais de Ville-Marie. Pas vraiment le logement de ses rêves. «J'avais envie de plus d'espace, d'un balcon pour mettre un barbecue, d'un garage, d'une petite cour...», confie-t-il. Il trouvera la même année son appartement idéal... en achetant un quadruplex situé dans le même quartier. À l'époque, il a à peine 30 ans.

Sans s'en douter, l'auteur du blogue jeuneinvestisseurimmobilier.com venait de franchir le premier pas vers une série d'acquisitions qui ont fait de lui un véritable investisseur immobilier. Payé 432 000 dollars en 2009, son immeuble est évalué à 550 000 dollars deux ans plus tard. Cela lui a permis d'emprunter les 80 000 dollars nécessaires à la mise de fonds pour mettre la main sur un second quintuplex, à Joliette. «Je cherchais un immeuble à Joliette dans le-quel ma mère pourrait habiter. Je suis tombé sur une bonne affaire. J'ai acheté l'immeuble 385 000 dollars, avec de beaux logements et de bons locataires», raconte-t-il.

Depuis, Steve Forget a acquis deux autres propriétés, un immeuble d'habitation de six logements à Joliette et un quadruplex à Montréal, toujours dans Ville-Marie. Deux immeubles achetés avec un associé, payés 355 000 et 410 000 dollars, respectivement. Toutes les mises de fonds ont été financées en utilisant l'effet de levier du premier immeuble, ainsi qu'un peu d'argent prêté par des proches. «Il n'est pas question pour moi de revendre pour tenter de faire un profit rapide, dit-il. Ce sont des immeubles que je rénove et que je veux garder longtemps, pour en tirer des revenus.»

Patience et longueur de temps...

Garder ses immeubles à long terme est une stratégie gagnante, croit Nikolaï Ray, de Ray Harvey, une firme-conseil en investissement immobilier. Il déplore l'idée tenace selon laquelle le profit se fait au moment de l'achat, en payant moins que la valeur du marché. Si cela peut être vrai pour quelqu'un qui souhaite simplement rénover et revendre rapidement (le fameux flip immobilier), ça ne l'est pas nécessairement pour les investissements dans les immeubles à revenu. «Ce qui compte, c'est le résultat à long terme, dit-il. On peut acheter un immeuble à sa juste valeur marchande et en tirer un très bon rendement.»

À condition, bien sûr, de miser sur la bonne propriété. Sylvain Savignac, évaluateur agréé et expert-conseil de Devimo, suggère de cibler les quartiers qui montrent un fort potentiel de développement. «Des quartiers où il y a une forte croissance de la population, la construction de nouvelles routes ou de bâtiments importants comme un superhôpital, l'arrivée annoncée d'un train de banlieue, etc.», dit-il. Lui-même a payé son premier duplex 132 000 dollars dans Hochelaga-Maisonneuve en 2002, et l'a revendu 205 000 dollars en 2004, après avoir investi à peine 5 000 dollars en rénovation. Il admet avoir bénéficié de l'élan de revitalisation de ce quartier.

Un immeuble peut aussi receler une valeur cachée, poursuit l'évaluateur. «Ça peut être des loyers beaucoup trop bas, que l'on peut augmenter au départ des locataires ou même en négociant avec eux, un terrain excédentaire sur lequel on pourrait construire, ou encore des dépenses excessives causées par un mauvais système de chauffage ou des coûts d'assurance trop élevés, illustre-t-il. Bref, il faut repérer des éléments sur lesquels on pourrait agir pour faire grimper les revenus ou réduire les dépenses.»

Il cite l'exemple d'un immeuble de 21 logements acheté en 2008, à Joliette, et payé 620 000 dollars. L'ancien propriétaire assumait les frais de chauffage, car l'immeuble n'était pas équipé de compteurs électriques pour chaque appartement. Sylvain Savignac a investi 1 500 dollars par appartement pour rectifier la situation. Il a pu transférer la facture d'électricité aux locataires (40 dollars par mois), sans réduire le coût des loyers d'autant. «Le loyer dans ce secteur pour un logement non chauffé et non éclairé n'est inférieur que d'environ 15 dollars à celui payé pour un logement chauffé et éclairé», précise Sylvain Savignac.

Un tel investissement est intéressant, puisqu'il augmente d'environ 300 dollars par an le revenu net tiré de chacun des 21 logements. Mais il augmente aussi la valeur de revente de l'immeuble, grâce au calcul du multiplicateur de revenus nets (MRN). Cette formule permet de comparer le prix d'achat d'un immeuble et la valeur de ses revenus nets d'opération. C'est l'équation qu'effectue tout acheteur sérieux avant de faire une offre d'achat.

«Dans le contexte actuel, le prix de vente d'un immeuble se situe généralement entre 17 et 23 fois la valeur de ses revenus nets, en fonction de critères comme la location, l'année de construction, la taille des logements, etc. explique Sylvain Savignac. Ce revenu annuel supplémentaire de 300 dollars par logement augmente donc la valeur de chaque logement d'au moins 5 100 dollars, ce qui fait grimper celle de l'immeuble de 107 100 dollars.»

Sortir la calculatrice

Pour Hans Brouillette, directeur, Affaires publiques de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), l'investisseur doit s'assurer que son modèle économique tient la route à long terme. «On ne peut plus seulement compter sur le passage du temps pour faire augmenter la valeur de son immeuble, soutient-il. Les prix augmentent moins vite, et les taux d'intérêt risquent de monter quelque peu au cours des prochaines années. Il faut être très vigilant pour acheter à un prix raisonnable des immeubles dotés d'un bon potentiel, et surtout, pour bien cerner les dépenses à faire.»

Selon lui, le taux d'intérêt sur le financement est un des éléments les plus importants dont il faut tenir compte, d'autant plus qu'une augmentation du taux ne peut pas servir de justification à une augmentation de loyer. Il faut également calculer la commission au courtier (environ 4 %) et le droit de mutation (taxe de bienvenue). Ce dernier représente 0,5 % des premiers 50 000 dollars du prix de vente, 1 % sur la tranche qui va de 50 001 à 250 000 dollars et 1,5 % pour le reste, sauf à Montréal, où ce droit grimpe à 2 % pour la tranche entre 500 001 et 1 000 000 dollars, puis à 2,5 % sur l'excédent. L'assurance représente généralement de 2,5 à 4 % des frais d'exploitation, et cela tend à augmenter à mesure que l'édifice vieillit. Les taxes municipales et scolaires représentent de 10 à 15 % des dépenses. Les montants des frais d'entretien dépendent bien entendu de l'état de l'immeuble, mais reviennent au minimum à 10 %. Toutes ces données doivent faire partie du calcul effectué pour établir le revenu net que l'on peut tirer d'un immeuble.

Mais il y a plus. «Si on se base seulement sur les dépenses présentées par le vendeur sans tenir compte d'autres dépenses potentielles, on peut facilement surestimer le revenu net d'un immeuble, et donc sa valeur à titre d'investissement», prévient Nikolaï Ray. Il cite l'exemple d'un immeuble de 35 logements situé à Drummondville, dont il a récemment étudié la valeur. Si on calcule seulement les dépenses actuelles du propriétaire, l'immeuble offre un revenu brut de 183 000 dollars, duquel on doit soustraire des dépenses de 50 000 dollars. Résultat : un beau revenu net de 133 000 dollars. «Mais il faut prévoir un taux d'inoccupation et de mauvaises créances d'environ 5 % à cet endroit, donc une perte de 10 000 dollars. Il faut aussi calculer encore 16 000 à 17 000 dollars d'entretien lié à l'usure normale. D'autres frais comme la gestion, le déneigement ou la conciergerie viennent aussi gruger le rendement. Conséquence, on passe d'un revenu net de 130 000 dollars à un revenu de 90 000 dollars. Sans compter la marge de manoeuvre nécessaire pour des problèmes occasionnels, comme un toit à refaire.»

Tout cela pris en compte, l'immobilier peut certes représenter un excellent investissement. «Toutefois, prévient Hans Brouillette, c'est très différent d'un placement sur les marchés financiers. Le propriétaire doit être un bon gestionnaire, c'est-à-dire qu'il doit bâtir un modèle économique solide pour augmenter à moyen terme la valeur de son immeuble, mais aussi gérer des locataires, des travaux, et des finances. C'est du travail.»

Prudence avec les flips immobiliers

Il y a quelques années, les profits sur un flip immobilier étaient quasiment assurés tant les prix progressaient rapidement. Ce n'est plus le cas. Les investisseurs doivent redoubler de discernement pour faire de bonnes affaires.

«Avant 2011, le simple fait d'acheter une propriété et de la revendre un an plus tard assurait un profit intéressant tant la croissance du marché était forte, rappelle Alexandre Tazi, courtier immobilier du Groupe Londono. Maintenant, les prix grimpent beaucoup plus lentement et l'inventaire est élevé, donc les flips sont plus risqués.»

De 2003 à 2004, le prix médian des copropriétés au Québec avait grimpé de 13 %, celui des duplex de 20 %, et ceux des triplex, quadruplex et quintuplex de 24 %, 12 % et 25 %, respectivement, selon la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ). L'an dernier, le prix médian des duplex n'a pas augmenté, alors que celui des copropriétés et des quadruplex ne croissait que de 1 %. Et alors que le prix des triplex augmentait de 5 %, celui des quintuplex chutait d'autant.

Dans un tel contexte, l'acheteur doit repérer les vendeurs motivés, prêts à vendre à un prix inférieur à celui du marché, soutient Yvan Cournoyer, coach et mentor du Club d'investisseurs immobiliers du Québec et auteur du livre Les flips. Il peut s'agir d'un héritier qui n'a pas envie de gérer un immeuble, d'un propriétaire qui ne peut plus s'en occuper parce qu'il est malade, ou qui est obligé de vendre en raison d'un besoin d'argent rapide, d'un divorce ou d'un départ dans un autre pays. Développer un bon réseau de contacts parmi les investisseurs immobiliers est une bonne manière d'obtenir de bons tuyaux.

Yvan Cournoyer croit que les apprentis «flippeurs» sont souvent trop optimistes. «Ils pensent qu'ils revendront rapidement, et plus cher, dit-il. Or, actuellement, les délais de revente sont souvent plus longs, et les prix, plus bas que prévu. Il est crucial de prévoir trois scénarios, du plus pessimiste au plus optimiste, et de s'assurer que le modèle économique tient la route dans les trois cas.»

Alexandre Tazi souligne pour sa part que toutes les rénovations ne se valent pas. «Celles qui se voient augmentent plus la valeur de revente, dit-il. Un comptoir en granit fera davantage pour attirer des acheteurs qu'un nouveau drain français. La cuisine et la salle de bain sont généralement les rénovations les plus payantes.»

En mai 2014, une étude de la firme JLR évaluait que le gain médian des flips réalisés au Québec entre 2009 et 2013 était de 24 %. «Mais cela ne tient pas compte des dépenses liées à l'hypothèque, au courtier, à la rénovation, aux taxes ou à l'assurance, souligne Joanie Fontaine, économiste chez JLR. Le gain médian "réel" avoisine plutôt les 10 %.» Il est donc possible de faire de l'argent avec un flip immobilier, mais la marge de manoeuvre est parfois mince, ce qui devrait encourager les investisseurs à bien s'informer avant de se lancer.

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