Un espace propice à la puissance des femmes


Édition du 08 Mai 2024

Un espace propice à la puissance des femmes


Édition du 08 Mai 2024

Par Sophie Chartier

Delphine Le Serre, cofondatrice d’EdHu2050, une fondation qui vise la mise en place d’une éducation adaptée à l’ère de l’intelligence artificielle (Photo: courtoisie)

PHILANTHROPIE. La philanthropie est l’un des rares domaines dans lesquels les femmes sont majoritaires à occuper des postes de direction — 73 % selon les données de BNP Performance philanthropique. Delphine Le Serre, entrepreneuse classée dans le Top 20 Forbes des femmes qui transforment les technologies de l’éducation en Europe, cofondatrice d’une fondation et experte en intelligence artificielle, croit que les femmes ont un rôle crucial pour l’implantation d’un monde meilleur. Nous l’avons rencontrée.

 

Les Affaires : Vous êtes cofondatrice d’EdHu2050, une fondation qui vise la mise en place d’une éducation adaptée à l’ère de l’intelligence artificielle. Pourquoi avoir créé un organisme philanthropique plutôt qu’une entreprise traditionnelle pour ce projet ?

D.LS : Si on veut vraiment avoir un effet, il faut disposer d’un pouvoir financier. On peut obtenir ce pouvoir de deux manières : par une entité privée ou par la philanthropie. Pour l’envergure de mon projet, la seconde option me paraissait plus adaptée. L’autre raison est que les défis qui nous attendent en éducation en ce qui concerne l’IA nécessitent un mouvement d’envergure. Nous sommes en train de vivre une vraie période de transition dans l’histoire de l’humanité. Il fallait donc que la portée puisse transcender les frontières, et c’est avec la philanthropie que cela me paraissait possible.

 

L.A : Pourquoi et comment le leadership féminin peut-il faire changer les choses en philanthropie ?

D.LS : Les hommes sont extraordinaires, mais c’est vrai que nous avons une différence de sensibilité, notamment dans notre façon de voir les générations futures, par notre lien privilégié avec les enfants.

En ce qui nous concerne, à EdHu 2050, je crois que les femmes ne sont pas toutes bien informées des effets majeurs que l’intelligence artificielle risque d’avoir. Avec l’information adéquate, elles pourront contribuer à façonner un avenir meilleur.

Quand on parle d’éducation adaptée à l’ère de l’IA, on favorise le développement de compétences qui sont moins axées sur le savoir et la connaissance — les machines sauront bientôt tout — et plus sur les interactions avec les autres, le développement de la confiance en soi : des compétences du cœur. Une grande place devra être accordée au développement de l’intuition, une caractéristique traditionnellement perçue comme féminine.

 

L.A : Dans notre société, les rôles décisionnels sont beaucoup plus accessibles aux hommes, alors qu’en philanthropie, 73 % des postes de direction sont occupés par des femmes. À quoi attribuer cette disparité selon vous ?

D.LS : La question de la présence majoritaire des hommes dans les sphères dirigeantes de la société a beaucoup été étudiée en sociologie, notamment. Il y a plusieurs facteurs. Je crois qu’il y a d’abord des explications physiologiques, même hormonales, à cette situation : on sait que la testostérone favorise la prise de risque, et la prise de risque est récompensée dans notre société. Il existe également le fameux plafond de verre, donc leur ascension dans des rôles décisionnels ne dépend pas que de la volonté des femmes.

Dans les organismes philanthropiques ou les OBNL, c’est vrai que les femmes sont bien positionnées dans les rôles de gestion et c’est très bien. Mais cette donnée contient d’autres questions. Traditionnellement, ce ne sont pas des femmes qui font la création, la fondation, d’organismes. Et là, ça devient très important de les inspirer à le faire, notamment à travers la valeur de l’exemple. Elles sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans la création d’entreprises et d’OBNL et il est urgent de les mettre en avant, entre autres dans les médias, comme vous le faites actuellement. Parce que toutes les mises en avant des initiatives portées par des femmes vont pouvoir éventuellement inspirer d’autres femmes.

Ensuite, sont-elles aussi présentes au sein des conseils d’administration ? C’est une question à investir, parce que ce sont des sphères de pouvoir importantes et on devrait y voir autant de femmes que d’hommes. Il faut se saisir d’outils de régulation dans ces espaces-là, parce que c’est important d’être à 50 % d’hommes et de femmes dans les CA.

Dans les dessins animés que mon fils regarde aujourd’hui, les héros qui sauvent le monde, ce ne sont presque que des filles. Dans mon temps, c’était l’inverse. C’est super, parce que ça va créer une génération de femmes qui vont oser et qui vont vouloir sauver le monde.

Le jour où les femmes vont se rendre compte de leur puissance, tout en conservant leur bienveillance, ça va devenir extrêmement intéressant. Dans l’histoire, dans les périodes où il y avait une domination par les femmes, les conflits guerriers étaient moins nombreux. Donc, il y a vraiment un espace à investir, un leadership féminin à célébrer. La philanthropie est justement le meilleur moyen de concilier la volonté qu’ont les femmes d’avoir une influence sur le bien de la société.

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