« À plus long terme, certains entrepreneurs grandiront. Peut-être, à ce moment-là, penseront-ils donc à nous. » – Jean-Jacques Rainville, président du conseil de direction de Dunton Rainville
LES GRANDS DU DROIT. L’accès à la justice n’est pas toujours facile pour les citoyens, mais c’est la même chose pour les plus petites entreprises, qui manquent parfois de moyens pour faire appel aux services d’un avocat. Pour répondre à ce défi, la profession réfléchit à de nouveaux modèles. Des avenues prometteuses ?
«Certains cabinets, par exemple, commencent à offrir des services en ligne où le client en fait beaucoup par lui-même et bénéficie d’une certaine vérification ou supervision, dit-elle. Le but est vraiment de réduire les coûts pour focaliser sur le volume», note Julie Paquin, professeure à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa.
Les services proposés sont souvent simples. Il peut s’agir de la préparation de documents d’incorporation, par exemple, ou de la rédaction de contrats de base, mais rarement de questions en litige, car celles-ci demandent une démarche moins mécanique et plus personnalisée, qui peut difficilement être standardisée.
Fasken, par exemple, lançait récemment sa plateforme en ligne ViaFasken, que les petites entreprises en démarrage peuvent utiliser pour générer des ententes et d’autres documents légaux ou commerciaux à partir de modèles. Facturés sur une base d’abonnement à prix fixe pour les services courants, les clients peuvent aussi reporter jusqu’à deux heures de services juridiques par mois, pendant 12 mois, jusqu’à obtention d’au moins 250 000 $ en financement. Ce service vise toutefois principalement les entreprises de technologies émergentes.
Si ce genre de modèle est avantageux du point de vue des coûts, reconnaît Mme Paquin, il reste que les services comme celui-ci «sont encore assez peu répandus».
Pro bono
D’autres modèles existent. Certains cabinets, par exemple, vont travailler sur deux plans différents. D’une part, ils offrent des services juridiques plus conventionnels et, d’autre part, ils offrent des services gratuits à certains autres types de clients qui ont en général moins de moyens.
C’est par exemple ce que fait Novalex. Mme Paquin explique que le modèle du cabinet est d’avoir une firme traditionnelle d’un côté, avec des avocats qui facturent les clients qui sont capables de payer, mais de prendre une partie des profits ainsi générés pour soutenir de l’autre côté une entreprise qui offrira des services gratuits ou à faible coût.
«Leur clientèle de base leur permet donc ainsi d’améliorer l’accès à la justice pour certaines clientèles non desservies», dit Mme Paquin.
Novalex affirme par exemple offrir une heure de services juridiques sur une base pro bono pour chaque heure de services juridiques rendue à un de ses clients d’affaires. Les clients qui bénéficient des services pro bono peuvent être des particuliers à faible revenu, mais aussi des OBNL ou des entreprises en démarrage.
Collaborer pour réduire les coûts
Dunton Rainville a pour sa part décidé de focaliser plutôt sur une collaboration stratégique. L’an dernier, en août, le cabinet a conclu un partenariat exclusif avec Lex Start, une start-up québécoise qui offre certains documents juridiques en ligne.
Dans le cadre de ce partenariat, Lex Start devient ainsi cliente de Dunton Rainville, qui révise les documents légaux offerts par Lex Start pour en assurer la conformité légale. La start-up assure ainsi la qualité de ses documents, et le grand cabinet espère bien récolter, éventuellement, certains clients, explique Jean-Jacques Rainville, président du conseil de direction de Dunton Rainville.
«Lex Start fait du prêt-à-porter pour les jeunes pousses, et nous, du sur-mesure, dit-il. C’est ce dont ont besoin, éventuellement, les jeunes pousses lorsqu’elles grandissent.» Le cabinet ne s’attend toutefois pas à des résultats immédiats. «À plus long terme, cependant, certains entrepreneurs grandiront. Peut-être, à ce moment-là, penseront-ils donc à nous.»
Car M. Rainville le reconnaît : le «sur-mesure», soit les services personnalisés offerts par les grands cabinets d’avocats comme le sien, est parfois trop onéreux pour les petites entreprises.
À son avis, les modèles de partenariat comme celui de son cabinet avec Lex Start sont une bonne manière de rendre les services juridiques plus accessibles. «C’est sûr que ça favorise un accès à la justice plus large, dit-il. Un entrepreneur peut lancer son entreprise à un coût beaucoup plus modeste. Et ça, je pense que c’est positif.»
En outre, comme il estime que les services offerts par des firmes comme Lex Start ne sont pas de la même nature que ceux offerts pas son cabinet, c’est-à-dire qu’ils visent de petites firmes dans des situations simples, M. Rainville ne voit pas ces services comme une menace.
«Si nous pouvons aider Lex Start à faire du prêt-à-porter et que c’est efficace, aidons-les à offrir leurs services aux entrepreneurs, dit-il. C’est à l’avantage de tout le monde. Si ces petites entreprises-là réussissent, ce sont de futurs clients pour nous.»