Ottawa encourage les régimes de retraite à investir au Canada
Denis Lalonde|Mis à jour le 13 juin 2024Le budget n’alloue toutefois pas de montant à la mise en place de cette initiative. (Photo: 123RF)
BUDGET FÉDÉRAL 2024. Ottawa souhaite «maintenir la force de la dynamique économie du Canada» en incitant les régimes de retraite à investir au pays, mais sans y consacrer d’argent.
Le budget 2024 annonce ainsi que le gouvernement fédéral, en collaboration avec des régimes de retraite, mettra sur pied un groupe de travail, dirigé par l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, et appuyé par la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland.
Le groupe de travail aura le mandat d’étudier «comment catalyser de plus importantes possibilités d’investissement intérieur pour les fonds de pension canadiens».
Les efforts du comité porteront principalement sur les aspects suivants : l’infrastructure numérique et l’investissement en intelligence artificielle, l’infrastructure physique, les installations aéroportuaires, les investissements en capital de risque, la construction d’un plus grand nombre de maisons, y compris sur des terrains publics et l’élimination de la règle de 30% pour les investissements intérieurs.
Ottawa soutient que «le fait d’attirer au Canada plus d’investissements provenant de toutes les sources, notamment des investisseurs privés et institutionnels nationaux et étrangers, stimulera la productivité du pays et relèvera le niveau de vie de toute la population canadienne».
Selon les documents budgétaires, les régimes de retraite canadiens détiennent plus de 3 billions (3000 milliards) de dollars en actifs, qui sont investis au pays et à l’étranger de manière à offrir un revenu de retraite garanti aux personnes participantes et retraitées.
«La création d’un plus grand nombre d’occasions d’investissement par les régimes de retraite dans ces actifs intérieurs aiderait l’un des plus importants fonds d’épargne du Canada à contribuer à la croissance de l’économie canadienne», lit-on dans les documents budgétaires.
La consultation de spécialistes de l’industrie et des régimes de retraite guidera le gouvernement sur la voie à suivre pour offrir davantage d’investissements intérieurs qui répondent aux besoins de l’industrie.
Le budget n’alloue toutefois pas de montant à la mise en place de cette initiative.
Davantage de transparence
Pour donner suite à l’énoncé économique de l’automne de 2023, le budget 2024 propose aussi de permettre au Bureau du surintendant des institutions financières de communiquer au public des renseignements sur les placements des grands régimes de pension sous réglementation fédérale.
Les renseignements à communiquer seraient énoncés dans les règlements et comprendraient la répartition des placements du régime par province ou territoire et, au sein de chaque province ou territoire, par catégorie d’actifs.
Le gouvernement veut collaborer avec les provinces et les territoires pour échanger sur la communication de renseignements analogues par les grands régimes de pension du Canada dans un format simple et uniforme.
Cette mesure budgétaire survient un peu plus d’un mois après la publication d’une lettre ouverte d’un groupe de 91 gens d’affaires et représentants de syndicats qui dénonçait le fort recul des investissements réalisés au Canada par les caisses de retraite du pays.
Dans la lettre, les signataires déploraient que la part des investissements réalisés par les régimes de retraite dans les sociétés canadiennes cotées en Bourse soit passée de 28% de leur actif total à la fin de l’année 2000 à moins de 4% à la fin de 2023.
«Les huit plus grandes caisses de retraite au Canada ont investi davantage en Chine (environ 88 milliards de dollars) que dans les actions publiques et privées canadiennes (environ 81 milliards de dollars). La totalité de leurs placements au Canada dans les sociétés publiques et privées, l’immobilier et les infrastructures totalise désormais environ 10% de leurs actifs», pouvait-on lire dans la lettre.
Les cosignataires avaient alors reconnu que les fonds de pension devraient pouvoir investir partout dans le monde, tout en précisant que les effets des investissements effectués au Canada ne se limitaient pas qu’aux portefeuilles de retraite. «Ils ont aussi un impact considérable sur l’économie canadienne : création d’emplois, amélioration des revenus et augmentation des cotisations aux régimes de retraite. Moins d’investissements dans les entreprises canadiennes augmentent leur coût de capital, diminuent leur valeur et réduit leur capacité de croissance, ce qui rend le Canada moins attrayant», disaient-ils.
La liste des signataires comptait beaucoup de dirigeants de grandes entreprises canadiennes, dont Alain Bouchard (Couche-Tard), Pierre Karl Péladeau (Québecor), Laurent Ferreira (Banque Nationale), Eric La Flèche (Metro), Éric Martel (Bombardier), Louis Audet (Cogeco), Eric Boyko (Stingray) et de Peter Letko et Daniel Brosseau (Letko Brosseau & Associés).
Au moment de publier leur lettre, les signataires s’étaient engagés à appuyer un effort de la ministre des Finances du Canada et des ministres des Finances provinciaux visant à modifier les règles régissant les régimes de retraite afin de les encourager à investir au Canada.