(Photo: 123RF)
FOCUS SAGUENAY–LAC-SAINT-JEAN. Le biochar, ça vous dit quelque chose ? Non, ce n’est pas une nouvelle automobile électrique ! Il s’agit plutôt d’un type de charbon végétal obtenu à partir de résidus forestiers ou agricoles, qui se veut une nouvelle voie de valorisation de la biomasse, ainsi que le véhicule de développement d’une nouvelle filière économique au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
L’idée germe depuis plusieurs années déjà. Dans la foulée d’études sur le biochar réalisées entre 2012 et 2016 par la Filière forestière des Premières Nations du Québec, la communauté innue de Mashteuiatsh et la MRC Domaine-du-Roy – situées sur la rive ouest du lac Saint-Jean – ont conclu un partenariat qui a mené à la création de l’organisme BioChar Boréalis.
Cette initiative résulte de la volonté de trouver de nouveaux débouchés à la surproduction de copeaux dans les usines de sciage de la région, qui n’arrivent pas à les vendre sur le marché. Le biochar est un moyen envisagé pour valoriser ces résidus forestiers, et ainsi donner naissance à un nouveau créneau de développement régional.
BioChar Boréalis, qui a démarré ses activités en 2016, souhaite ainsi «contribuer à la création et au développement d’un réseau d’entreprises qui constitueront une filière de production et de commercialisation de biochars», explique son directeur général, André Benoit.
Depuis sa création, l’organisme a participé à la mise sur pied d’une vitrine technologique sur le biochar et les bioproduits, située sur le territoire de Mashteuiatsh, qui doit justement amorcer ses activités au cours de l’automne.
Agrinova, le Centre collégial de transfert de technologie en agriculture associé au Collège d’Alma, est le maître d’oeuvre de cette vitrine, dont la construction et les équipements spécialisés ont nécessité des investissements de 7,9 M$. Les trois quarts de cette somme proviennent de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec. Le ministère provincial de l’Économie et de l’Innovation, BioChar Boréalis et Agrinova ont aussi contribué financièrement au projet.
Cette vitrine «accompagnera les entreprises qui souhaitent tester le développement de produits au stade précommercial», indique M. Benoit en ajoutant que des entreprises ont déjà manifesté leur intérêt.
Différentes applications
Outre sa participation à la création de la vitrine technologique, BioChar Boréalis a contribué, ces dernières années, à la réalisation d’études de caractérisation du biochar et de bioproduits dérivés, en partenariat avec l’organisation Alliance Bois, du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Ces études «ont permis de mieux caractériser les types de biochars et de biohuiles produits à partir de copeaux de bois provenant des essences de la forêt régionale», précise M. Benoit.
Le charbon végétal se présente sous forme de fragments gris-noir, poreux et riches en carbone. Il est produit par pyrolyse, un procédé qui consiste à chauffer les copeaux ou autres résidus forestiers et agricoles à 250 °C ou plus dans un environnement qui exclut l’oxygène, partiellement ou totalement. Ce procédé produit aussi de l’huile pyrolytique, ou biohuile, ainsi que du gaz de synthèse.
Or, selon l’essence de bois utilisé, le degré de chaleur ou encore le temps consacré au processus de pyrolyse, on obtient plusieurs types de biochars aux caractéristiques diverses. «C’est important de bien caractériser les différents biochars obtenus, puisque chacun a un potentiel de valorisation qui se prête à différentes applications», explique M. Benoit.
L’un d’entre eux pourrait, par exemple, être utilisé dans la fabrication de terreau horticole ou de terreau à plants forestiers pour le reboisement. «Certaines composantes de terreau, qui sont importées, pourraient même être remplacées par du biochar produit au Québec», affirme le directeur général de BioChar Boréalis.
Grand potentiel
Le biochar pourrait aussi être utilisé comme un amendement afin d’améliorer la qualité du sol, et donc la production agricole. La biohuile aurait pour sa part des débouchés potentiels dans les secteurs pharmaceutique et cosmétique, ou encore alimentaire, comme fumée liquide.
«Il y a tellement d’applications possibles ! Notre objectif est cependant de cibler des secteurs d’activité qui représentent les meilleurs débouchés sur les plans commercial et industriel», souligne M. Benoit. Il précise que la restauration de sites miniers abandonnés – nombreux au Québec – est l’un des marchés dans la mire de son organisme.
En somme, si le Saguenay-Lac-Saint-Jean est déjà reconnu comme étant la Vallée de l’aluminium, BioChar Boréalis souhaite maintenant que cette vaste région, où l’industrie forestière est également indissociable de l’économie, devienne aussi la Vallée du biochar.