La révolution tranquille des véhicules de loisirs électriques
Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑septembre 2022De plus en plus d’amateurs de sorties motorisées s’enthousiasment pour des véhicules de loisir électriques. (Photo: 123RF)
ÉLECTRIFICATION DES TRANSPORTS. Du véhicule tout-terrain Reever de l’entreprise Theron Sport aux motoneiges et motomarines de Taiga Motors, en passant par les bateaux de Vision Marine Technologies, sans oublier l’engagement de Bombardier Produits Récréatifs (BRP) de commercialiser une version électrique dans «chacune de ses gammes de produits» d’ici 2026, l’offre de véhicules de loisirs électriques prend tranquillement forme au Québec.
Et ça tombe bien, car de plus en plus d’amateurs de sorties motorisées s’enthousiasment pour de tels produits. Dans un sondage mené en octobre 2021 auprès de 22 700 membres de la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec (FCMQ), une majorité de répondants (59%) disent accorder une importance «grande» ou «modérée» au développement «rapide» d’un réseau de bornes de recharge en marge des sentiers.
L’intérêt est là, confirme Michel Garneau, directeur marketing de la FCMQ. «Si on regarde seulement les ventes de modèles quatre temps, qui ne brûlent pas d’huile et qui n’émettent pas d’odeur, c’est très fort au Québec, en comparaison à d’autres marchés. Les Québécois ont toujours été enthousiastes pour adopter l’électricité comme source d’énergie, ajoute-t-il. Et donc l’arrivée des modèles électriques sera l’occasion d’attirer de nouveaux adeptes, qui boudent les véhicules récréatifs en raison de leurs émissions.»
Dans le secteur nautique, la motomarine Orca de Taiga Motors et le luxueux Bruce 22 de Vision Marine Technologies ont fait tourner bien des têtes, sans pour autant «inonder le marché» des particuliers. En discutant avec Patrick Hardy, président du distributeur BCI Marine, on comprend que le segment «institutionnel» semble plus prometteur à court terme. Le vendeur de modèles électriques comme le Alfastreet et X-Shore dit être en discussion «avec des corps de police, la garde côtière et des pêcheurs commerciaux» et constate que «l’électrique fait partie de leur réflexion.»
Est-ce que les plaisanciers ont des préoccupations environnementales? Certainement, répond Josée Côté, directrice générale de Nautisme Québec. «Toutefois, le prix des modèles électriques demeure un frein à l’accessibilité», prévient-elle, ajoutant qu’il diminuera sans doute, à mesure que la technologie évoluera.
La directrice générale rappelle au passage que les embarcations de plaisance n’ont pas été incluses dans le programme Roulez vert. Idem pour les motomarines, les véhicules tout-terrain et les motoneiges. «C’est dommage, poursuit-elle. [Une telle inclusion] aurait pu faire partie d’une volonté plus large d’électrifier l’ensemble des véhicules récréatifs.»
Patrick Hardy concède que pour deux embarcations «équivalentes», il faut s’attendre «à payer plus cher» pour l’électrique. Le marché pourrait toutefois changer, lorsque les grands fabricants de bateaux vont accélérer la commercialisation de leurs modèles «sans émission».
Selon le président de BCI Marine, les précurseurs de l’électrique sont des entreprises en démarrage qui ne peuvent se permettre de vendre leurs embarcations à perte. «Quand de gros noms comme Mercury et Yamaha — qui ont de solides réseaux de distribution — vont investir le marché, je pense que les prix vont baisser», prévoit-il.
Michel Garneau évoque une dynamique similaire dans le segment des motoneiges. «Je ne veux rien enlever à Taiga Motors, qui a un produit révolutionnaire. Mais lorsque BPR va introduire une motoneige électrique, avec leurs échelles de production et le réseau de concessionnaires qu’ils ont déjà — je pense que ça va avoir un énorme impact sur l’industrie.»
L’autre grande question est celle des infrastructures de recharge. «Plusieurs marinas et municipalités riveraines ont une capacité électrique déficitaire, prévient Patrick Hardy. Elles ne peuvent même pas répondre aux besoins d’une embarcation dotée d’une dînette et d’une salle de bain, qui voudrait recharger sa batterie pour faire fonctionner ses systèmes.»
La nécessité de développer un réseau de recharge «hors route» est également présente chez les motoneigistes. De ce côté, des jalons ont été annoncés par Taiga Motors, qui se donne jusqu’en 2025 pour «rendre accessibles» 75 000 kilomètres de sentiers alimentés de bornes au Québec et en Ontario.
Par ailleurs, les régions touristiques de Lanaudière et de la Mauricie ont déjà signifié leurs intérêts de participer au développement du réseau «hors route». «Nous avons un plan sur papier, qui comprend un circuit de sept à huit boucles alimenté de bornes aux 40 à 50 kilomètres», explique Denis Brochu, directeur général de Tourisme Lanaudière.
Les partenaires approchés auraient démontré «un très grand intérêt pour le projet». Il s’agit de locateurs de motoneiges, de voyagistes, d’hôteliers et de pourvoiries. «Avant d’aller de l’avant, précise-t-il, nous attendons l’arrivée d’un plus grand nombre de motoneiges électriques dans la région.» If you build it, they will come veut pourtant l’adage… «Quand nous aurons une masse critique, nous serons très rapides dans l’exécution!», assure-t-il.