À l’échelle internationale, on prévoit que la robotique en agriculture connaîtra une croissance de près de 20 % par année d’ici à 2030. (Photo: 123RF)
AGRI-AGRO. Enlever les mauvaises herbes des champs, lutter contre les ravageurs dans les serres et cueillir les pommes dans les vergers sont autant de tâches propres à l’horticulture qui gagnent à être confiées à la machine plutôt qu’à l’humain. Ce secteur agricole, comme plusieurs autres, tarde toutefois à prendre le virage 4.0 au Québec.
« La préparation, l’application et le suivi des pesticides se font encore parfois sur papier. En 2023, on peine à comprendre un tel retard de mécanisation », déplore Izmir Hernandez, conseillère en innovation au Réseau d’expertise en innovation agricole (REIA). Lancée l’automne dernier, cette initiative est le fruit de cinq des principales associations du secteur horticole.
Son but : accélérer la transition technologique dans les entreprises de ce secteur, lesquelles sont confrontées certes à une grave pénurie de main-d’œuvre, mais aussi aux aléas des changements climatiques. « La réduction de la dépendance à des travailleurs peu spécialisés, qui est au centre de notre mission, se conjugue sans problème avec l’amélioration de la durabilité », confirme-t-elle.
À la suite de discussions avec des producteurs serricoles, maraîchers, pomicoles ainsi que de fraises et de framboises, le REIA a déterminé certains freins dans l’adoption de nouvelles technologies. Tous ont par exemple mentionné la nécessité d’avoir des données démontrant la performance de technologies comme des robots destinés à l’agriculture avant de procéder à leur achat.
« C’est pourquoi nous allons organiser dès cette année des démonstrations au champ, sous forme de vitrines technologiques auxquelles les producteurs pourront participer, raconte Izmir Hernandez. Peu de producteurs peuvent se permettre d’acheter des équipements si dispendieux pour ensuite les laisser dormir dans leur garage. »
À l’échelle internationale, on prévoit que la robotique en agriculture connaîtra une croissance de près de 20 % par année d’ici à 2030.
Marché en croissance
Le Québec compte plusieurs entreprises en développement dans ce créneau. Parmi elles, il y a Elmec et son robot-tracteur autonome Erion bardé d’outils agricoles automatisés, Lapalme Agtech et son robot tentaculaire Sami 4.0 conçu pour automatiser la récolte de fruits et de légumes, Nexus Robotics et son robot désherbeur baptisé « La chèvre ».
« Si on ne fait rien, la capacité de production agricole va s’amenuiser d’ici à 2050 à cause des changements climatiques. Les outils et solutions technologiques en agriculture pallient en ce sens les enjeux d’aujourd’hui (la pénurie de main-d’œuvre) et de demain », fait valoir Marilou Cyr, directrice générale de la Zone Agtech.
Cette zone d’innovation spécialisée en technologies agricoles et en bioproduits végétaux se situe sur le site de l’ancienne usine d’Electrolux, dans la MRC de L’Assomption. Une quarantaine d’entreprises du Québec et d’ailleurs en occupent les 15 km2 ; d’ici cinq ans, ce chiffre devrait passer à plus d’une centaine. Bref, un véritable écosystème en croissance.
« Le Québec compte à lui seul 35 % des entreprises actives en « agtech » (contraction des mots agriculture et technologie) recensées à ce jour au Canada », lit-on dans une récente édition du BioClips, un bulletin de veille économique du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Ce dernier sollicitait d’ailleurs, l’automne dernier, des projets pour son programme Transformation alimentaire : robotisation et systèmes de qualité, qui vise notamment « à accélérer les investissements en automatisation et en robotisation ».
Les aides financières ne sont malheureusement pas suffisantes pour permettre aux technologies agricoles de pointe d’essaimer, estime Marilou Cyr. « L’agtech est à cheval entre le MAPAQ et le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, analyse-t-elle. Même si leurs solutions se consacrent au secteur agricole, les entreprises dans cette industrie sont manufacturières. »
L’air de rien, cette classification empêche à la fois les producteurs agricoles et les entreprises en agtech de bénéficier d’enveloppes qui leur seraient utiles. Le coût élevé de ces technologies a pour effet net de « freiner la volonté d’automatisation et de robotisation qui est pourtant assez forte dans le secteur », souligne-t-elle.
Qu’est-ce qu’il en est des autres sources de financement ? Selon Sylvain Morel, vice-président aux relations d’affaires et au développement des marchés agricoles et agroalimentaires chez Desjardins, « les technologies agricoles en développement ne se financent pas de la même manière que celles prêtes à être déployées [puisque matures] ».
Cela signifie par exemple d’injecter des capitaux patients en équité ou en prêts non garantis pour finaliser le montage financier de certains projets. « Souvent, fait remarquer l’expert, ce sont les firmes de technologies plus que les producteurs agricoles qui cognent à notre porte avec de telles demandes. »