Investir: la récolte sera-t-elle meilleure pour Deere?

Publié le 03/03/2017 à 06:00

Investir: la récolte sera-t-elle meilleure pour Deere?

Publié le 03/03/2017 à 06:00

Par Stéphane Rolland

Photo:123rf

En théorie, le constructeur de tracteurs de fermes John Deere (DE, 109,51 $US) a tout pour plaire : une enviable réputation, un réseau de concessionnaires incomparable en Amérique du Nord, une direction expérimentée et un potentiel de croissance à l’international. Le hic: ses clients tirent le diable par la queue. Les récoltes seront-elles meilleures en 2017?

La direction semble le croire. Elle a ajusté ses prévisions à la hausse le 17 février. Ses ventes devraient augmenter de 4% au cours de l’exercice 2017 (terminé le 31 octobre). Auparavant, elle prévoyait plutôt un recul de 1%.

Cela mettrait fin à trois années consécutives de diminution des ventes. Les récoltes record de céréales ont amené une surabondance de l’offre entraînant, par le fait même, un effondrement des prix des denrées. Dans ce climat défavorable, les revenus des fermiers ont décliné, ce qui les a poussés à retarder leurs investissements dans les équipements fabriqués par Deere.

Lisez notre reportage sur la Bourse de Chicago et le marché des denrées agricoles

Ce problème rend perplexe: les opinions des analystes divergent grandement. Des 25 qui suivent le titre, ils sont 9 à émettre une recommandation d’achat, contre 11 « conserver » et 5 « vendre ». Bref, tous les scénarios possibles sont bien représentés.

Même Warren Buffett pourrait avoir fait volte-face dernièrement. L’an dernier, des documents réglementaires révélaient que la firme Berkshire Hathaway avait acquis près de 5,8 millions d’actions pour porter sa participation à 22,8 millions, soit 7,2% des actions en circulation. Le conglomérat de l'oracle d'Omaha était alors le plus important investisseur institutionnel de la société. Un an plus tard, on apprend que la firme a complètement liquidé sa participation pour faire le plein d’Apple et de transporteurs aériens.

Un incontournable de son industrie

Si les fermiers étaient dans une meilleure posture, Deere aurait les atouts pour croître, note Keith Schoonmaker, de Morningstar. Le logo de la compagnie, qui affiche un cerf jaune sur un fond vert, est «synonyme de qualité pour les fermiers», note l’analyste. La marque de l’entreprise fondée en 1837 se trouve d’ailleurs au 88e rang du palmarès 2016 de Forbes des marques ayant la plus grande valeur. Derrière se trouve la chaîne de restaurants Subway. Parmi les équipementiers de machinerie lourde, seule Caterpillar fait mieux, au 66e rang.

Le réseau de détaillants «incomparable » en Amérique du Nord est un autre avantage, poursuit l’analyste. Il compte 1 539 concessionnaires. M. Schoonmaker note que les établissements se trouvent dans de petites villes agricoles et qu’ils sont très présents dans leur communauté. Un exemple frappant est l’utilisation d’une réserve de clémence pour les fermiers qui éprouvent des difficultés temporaires, illustre l’analyste. Chaque concessionnaire alloue 1% des paiements de son portefeuille de prêts à cette réserve. Lorsqu’un client éprouve des difficultés financières, le détaillant peut utiliser ces sommes pour restructurer une dette ou réduire les paiements du fermier, s’il croit que celles-ci sont temporaires.

Ce programme est « sous-estimé juge-t-il. Il permet à la division financière de Deere de limiter ses provisions pour pertes à 0,5% de son portefeuille de prêts. De plus, «les fermiers qui en ont profité deviennent des clients loyaux et vanteront les mérites de l’entreprise à toute la communauté», s’enthousiasme l’analyste.

Malgré les atouts de l’entreprise, M. Schoonmaker reste sur les lignes de côté. Il doute que les ventes de Deere augmentent de 4%, comme l’anticipe la direction. Il juge une prévision de 2% plus raisonnable. Selon lui, un revirement de la tendance baissière est déjà pris en compte dans la valeur du titre. L’action s’échange à 23 fois les prévisions de bénéfice pour l’exercice 2017 émis par les analystes interrogés par Bloomberg. En comparaison, le S&P 500 s’échange à 18,25 fois.

Comme son collègue de Morningstar, Seth Weber, de RBC Marchés des capitaux, reste sur les lignes de côté en raison de l’évaluation. Il note que la direction exécute bien son plan d’entreprise. Les mesures de réduction de coûts devraient soutenir les marges, selon lui. La direction s’est donné l’objectif de réduire ses dépenses de 500 M$US d’ici la fin de l’exercice 2018. Il réitère sa recommandation «performance de secteur», mais bonifie sa cible de 98 $US à 109 $US.

La thèse haussière contre la thèse baissière

Ann Duignan, de J.P. Morgan, invite à la prudence. Elle ne voit pas de raisons de croire qu’on entre dans un cycle de reprise agricole. La productivité des terres pour les trois plus importantes céréales (maïs, soya et blé) devrait encore franchir un record en 2017, ce qui continuera de peser sur le prix des denrées agricole, et par ricochet sur les revenus des agriculteurs, prévoit-elle.

Les devises sont également une source d’inquiétude pour Mme Duignan. Les fondamentaux sont «bons» au Brésil et en Argentine pour Deere, poursuit-elle. Toutefois, l’appréciation du réal brésilien force les fermiers à repousser la vente de leur soya, ce qui pourrait entraîner une réduction des demandes d’équipements par la suite. Comme la direction, elle identifie un dollar américain trop fort comme le principal risque pour la société, car cela nuirait aux exportations agricoles américaines. Elle émet une recommandation « sous-performance ». Elle bonifie cependant sa cible de 82 $US à 90 $ US en raison des prévisions plus optimistes de la direction.

Les investisseurs doivent réviser leur hypothèse quant à la corrélation entre le prix du maïs et l’action de Deere, suggère Joel Tiss, de BMO Marchés des capitaux. Ce lien s’effrite, selon lui. Une importante portion des activités de la société n’est plus cyclique. Les services de réparation, la vente de pièces, la division financière et les logiciels destinés aux agriculteurs pourraient représenter 50% du bénéfice d’exploitation «bientôt», anticipe-t-il.

«Les conversations que nous avons avec les investisseurs nous donnent l’impression qu’ils concentrent leur attention sur le secteur manufacturier, raconte M. Tiss. Cette division est évidemment cyclique. Elle a encore un trop grand inventaire à écouler et ne connaîtra pas un rebond significatif prochainement. Par contre, nous croyons que l’autre moitié de Deere a le potentiel de croître.» Il émet une recommandation « surperformance » et sa cible est à 128 $US.

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