Téo Taxi avait trois prises dès le départ

Publié le 19/02/2019 à 10:57

Téo Taxi avait trois prises dès le départ

Publié le 19/02/2019 à 10:57

Une Tesla de Téo Taxi.

(Photo: courtoisie)

BLOGUE INVITÉ. La nouvelle a créé une onde de choc à la fin janvier : Téo Taxi a complètement arrêté ses activités et licencié ses employés. Mauvaise gestion? Modèle d’affaires non viable dès le départ? Réglementation trop contraignante? Mauvais timing? Tous ces aspects sont scrutés à la loupe et les opinions, conseils et critiques fusent de partout.

Peu importe les causes profondes à l’origine de cette débâcle, les principes de base reliés à la gestion des opérations sont toujours de précieuses lignes directrices sur lesquelles il faut s’appuyer pour élaborer ou réaligner un processus afin de produire un bien ou un service.

Être efficient tout en s’assurant que la qualité des biens et des services offerts satisfait les attentes des clients n’est pas une mince affaire, et ce, pour toutes les organisations.

La capacité de production est l’une des premières décisions stratégiques à prendre par une organisation, car elle déterminera la capacité de l’entreprise à répondre à la demande future de ses clients.

Pour une entreprise de taxi, le nombre de voitures/chauffeurs disponibles pour transporter des personnes est l’un des principaux facteurs qui déterminent sa capacité de production (nombre de raccompagnements par jour).

Or, un service de taxi qui utilise des voitures électriques réduit de facto sa capacité réelle par rapport à l’utilisation de voitures à essence.

Quelques chiffres pour mettre les choses en perspective.

Lors du lancement de Téo Taxi en 2015, ses voitures électriques avaient des batteries dont l’autonomie était d’environ 200 kilomètres. Ce qui signifie que, dans les meilleures conditions, sa capacité de production était au mieux la moitié seulement que celle de ses concurrents!

Autre tuile pour Téo Taxi : l’hiver a un impact sur l’autonomie des batteries, ce qui réduit encore davantage la capacité des véhicules. Une situation qui a fait dire avec raison à plusieurs analystes que le modèle Téo aurait plus facilement vu le jour en Californie…

Frais d'exploitation élevés

Il est vrai qu’un plus grand nombre de voitures permet une augmentation de la capacité disponible, mais ce plus grand nombre entraîne également des frais d'exploitation plus élevés.

Pour une entreprise de taxi, ces frais comprennent bien sûr l’équipement (maintenance, réparations, assurances, mises à jour technologique, etc.), les infrastructures (immeubles, systèmes de répartition, etc.), la main-d’œuvre (salaire, avantages sociaux, vacances, etc.) ainsi que tous les frais associés à la promotion des biens ou des services offerts (marketing, etc.).

Et ceux de Téo Taxi ont été cristallisés par les choix initiaux de l’entreprise, dont la promesse d’un salaire horaire équivalent à 15$/heure jumelée à des avantages sociaux ainsi que la prise en charge du développement d’une application informatique pour réserver des taxis.

Force est de constater que les frais d'exploitation associés aux services offerts s’avéraient à la base très élevés.

Toufefois, les frais d'exploitation ne sont que des données quand nous les regardons uniquement de façon isolée. C’est pourquoi il faut toujours analyser un processus dans son ensemble, et ce, afin de déterminer son efficience à offrir un bien ou un service et ainsi répondre aux exigences des clients.

Dans certaines industries, une entreprise peut très bien contrebalancer des frais d'exploitation élevés en augmentant ses prix. Or, dans l’industrie réglementée du taxi, les entreprises ne peuvent pas augmenter leurs prix : elles doivent respecter la tarification fixée par la Commission des transports du Québec.

Cela dit, même si cette limite tarifaire n’avait pas existé, Téo Taxi aurait dû convaincre les clients potentiels qu’un prix plus élevé était justifié, même s’il s’agit d’un service qui est pratiquement le même que les autres entreprises de taxi carburant à l’essence.

Donc, d’un strict point de vue marketing, il fallait réussir à convaincre et conscientiser les clients potentiels de leur impact environnemental.

Facteurs externes

Une entreprise ne fonctionne pas en vases clos.

C’est pourquoi Il faut considérer plusieurs facteurs externes pour atteindre l’équilibre entre la capacité de production nécessaire pour satisfaire les clients, les frais d'exploitation pour supporter cette capacité de production et le prix de vente minimum pour obtenir un coût/bénéfice adéquat.

Et, parfois, les astres doivent être alignés pour avoir une chance d’atteindre cet objectif. Or, ce n’était pas le cas pour Téo Taxi. En fait, l’entreprise avait trois prises dès le départ :

  • Plusieurs réglementations (tarifaire, environnementale, sociale, etc.), dont certaines contraignantes.
  • Des conditions climatiques défavorables à la technologie utilisée.
  • Des évolutions technologiques plus performantes et plus abordables qui n’étaient pas disponibles lors de la mise en place initiale de son service.

Désirer améliorer la qualité d’un bien ou d’un service dans le but de satisfaire la clientèle cible est très louable.

Offrir ce même niveau de service tout en respectant l’environnement est d’autant plus recommandable à long terme.

Toutefois, offrir ce bien ou ce service de façon inefficace ou inefficiente peut s’avérer dommageable à court ou moyen terme.

C’est la grande leçon à tirer de Téo Taxi.

 

À propos de ce blogue

Valérie et Sylvia Gilbert sont deux sœurs ingénieures industrielles qui se passionnent pour la performance opérationnelle. Elles sont respectivement PDG et VP de Mindcore, une entreprise dédiée à la promotion de l’excellence dans les organisations. Elles proposent un regard neuf sur l’amélioration continue, la productivité et la qualité.

Valérie et Sylvia Gilbert