Les marchés doivent-ils craindre l'Ebola?

Publié le 24/10/2014 à 13:40

Les marchés doivent-ils craindre l'Ebola?

Publié le 24/10/2014 à 13:40

Pendant que les gouvernements et les organismes non gouvernementaux aux quatre coins du globe tentent tant bien que mal de se mobiliser, le virus de l'Ebola poursuit son éclosion exponentielle. À ce jour, près de 10 000 cas ont été rapportés selon l'Organisation mondiale de la Santé, principalement au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée. Bien que le nombre de cas puisse sembler limité comparativement à la population des pays en question, ce sont les prévisions quant aux prochains mois qui sont plus alarmantes.

L'Organisation mondiale de la Santé s'attend à atteindre 10 000 nouveaux cas d'Ebola par semaine d'ici décembre (lien). Le CDC (Centers for Disease Control and Prevention) y est allé d'une prévision encore plus percutante: si des mesures drastiques ne sont pas mises en place de façon urgente, le nombre de cas d'Ebola déclarés au Liberia et en Sierra Leone uniquement se chiffrera à 550 000 d'ici le 20 janvier 2015, nombre qui devrait être ajusté à 1 400 000 pour tenir compte des cas qui ne sont pas déclarés (lien). Lorsqu'on sait qu'il n'existe ni vaccin ni remède, que le taux de décès estimé est de 70% et que le nombre de cas double à tous les 15 à 40 jours dépendant des régions, on comprend mieux le niveau d'anxiété mondiale associé à l'épidémie actuelle.

Selon les autorités, la clé réside dans l'identification et le traitement de 70% des patients porteurs du virus dans les centres destinés à cet effet. À partir de ces niveaux, il est estimé que le nombre de nouveaux cas diminuera graduellement jusqu'à ce que l'épidémie soit sous contrôle. La principale difficulté vient du fait que les systèmes de santé des pays affectés par l'éclosion ne sont pas suffisamment équipés en personnel ou en lits pour répondre à un nombre aussi important de malades. Les fonds internationaux doivent servir à y pallier, mais le temps presse.

Traiter convenablement 70% des patients lorsque leur nombre est de 10 000 est passablement plus accessible (quoique déjà extrêmement complexe) qu'en traiter 70% lorsque le nombre est de 1 400 000… Par contre, cette règle des 70% explique aussi pourquoi une éclosion éventuelle dans les pays occidentaux devrait être contenue assez rapidement. Des systèmes de santé équipés en matériel et en personnel qualifié, et la capacité de rejoindre rapidement et facilement les gens qui auraient pu être en contact avec un cas éventuel devraient permettre de limiter le nombre d'individus contaminés par chaque patient infecté. Si toutefois le virus devait apparaître dans d'autres parties du monde bien plus peuplées et aux infrastructures rudimentaires (Inde, Bangladesh, etc.), le résultat pourrait être tout autre.

Du point de vue des marchés, les principaux risques se matérialiseraient dans l'éventualité où l'épidémie serait perçue comme étant hors de contrôle au niveau de la croissance du nombre de cas et de son étendue géographique. Ce seront évidemment les économies des pays les plus touchés qui seront les plus affectées (jusqu'à 12% du PIB pour le Liberia), mais les échanges internationaux et la confiance générale risquent d'être passablement minés par les mesures qui devront être mises en place par les pays occidentaux pour assurer la santé de leurs citoyens. Néanmoins, l'impact observé historiquement dans des situations semblables a été limité et de durée relativement courte.

Une avancée importante de l'épidémie affligerait davantage certaines industries, en particulier celles liées au voyage et au tourisme (aviation, hôtels, opérateurs de croisières, etc.). Du côté des matières premières, ce sont les prix du cacao, du cuivre et du platine qui pourraient subir une pression haussière si le virus devait réussir à s'étendre au reste de l'Afrique. Enfin, un certain risque existe aussi pour les réassureurs qui couvrent les assureurs-vie pour les risques d'épidémie. Par contre, les couvertures d'assurance étant très peu répandues en Afrique, ce risque est limité tant que l'épidémie demeure près de son point d'origine.

À terme, c'est la justesse et la rapidité du déploiement des fonds d'aide sur le terrain qui feront la différence entre un succès de collaboration internationale et une catastrophe humanitaire d'envergure dont les ramifications potentielles sont difficiles à évaluer pour l'instant.

L'investisseur avisé

L'investisseur avisé voudra demeurer au courant des développements liés à l'épidémie d'Ebola afin de pouvoir réagir de façon appropriée si la situation devait se détériorer. En même temps, il évitera de se laisser emporter par le souffle médiatique dont la couverture pèche parfois par excès de sensationnalisme. C'est souvent lors de contrecoups provoqués par ce type d'information que peuvent survenir des occasions de profiter d'une réaction exagérée des marchés.

Questions à poser

Avant de prendre une décision, renseignez-vous auprès d'un professionnel qualifié:

- Quelle est ma pondération dans les secteurs les plus exposés aux risques liés à l'Ebola?

- Mon portefeuille présente-t-il une exposition directe ou indirecte aux pays les plus affectés?

- Quelles seront les occasions d'investissement éventuelles si le marché devait réagir de façon exagérée?

À propos de ce blogue

Au fil des ans, Pierre a conseillé un large éventail d'investisseurs privés et institutionnels, y compris des familles fortunées, des fondations et des fonds de pension sur la saine gestion de leurs actifs. Au-delà de sa connaissance approfondie des marchés financiers, des stratégies d'investissement et de la construction de portefeuille, il a développé une expertise plus particulière en matière de conseil aux investisseurs sur l'utilisation de stratégies de placement non traditionnelles et d'investissements internationaux. Le mandat de ce blogue est donc d'aiguiller les lecteurs dans l'exploration de pistes paraissant inhospitalières à première vue, mais pouvant mener à des expériences très gratifiantes lorsqu'on sait s'y orienter. Pierre est titulaire d'un MBA, porte les titres de Chartered Financial Analyst (CFA) et Chartered Alternative Investment Analyst (CAIA), et est également Fellow de l'Institut canadien des valeurs mobilières et de l'Institut des banquiers canadiens. Il travaille pour UBS (Canada) à titre de gestionnaire privé senior.

Pierre Czyzowicz