Trump songe à imposer une taxe de 10% sur toutes les importations

Publié le 19/01/2024 à 17:55

Trump songe à imposer une taxe de 10% sur toutes les importations

Publié le 19/01/2024 à 17:55

En 2018, Donald Trump avait aussi imposé des tarifs sur l’acier (25%) et sur l’aluminium (10%) à plusieurs pays, dont le Canada. Les producteurs canadiens ont toutefois été exemptés en 2019. (Photo: 123RF)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE. S’il retourne à la Maison-Blanche, Donald Trump songe à imposer de nouveaux tarifs de 10% sur tous les produits importés aux États-Unis, peu importe leur pays d’origine. Nos entreprises qui y exportent seraient donc moins compétitives par rapport à leurs concurrents qui produisent et vendent les mêmes biens sur le marché américain.

Actuellement, l’administration démocrate de Joe Biden impose déjà par exemple des tarifs sur des produits chinois importés aux États-Unis, mis d’ailleurs en place par l’ex-président Trump. En 2018, ce dernier avait aussi imposé des tarifs sur l’acier (25%) et sur l’aluminium (10%) à plusieurs pays, dont le Canada — les producteurs canadiens ont toutefois été exemptés en 2019.

Cette fois, le bouclier tarifaire auquel songe Donald Trump est très large, car il vise tous les produits et tous les pays.

Depuis août, ce projet de son équipe économique est connu aux États-Unis. Il y a eu plusieurs reportages à ce sujet, notamment dans le Washington Post et sur le site de l’agence Bloomberg.

C’est sans parler des analyses sur l’incidence potentielle de cette taxe de 10% à l’importation sur les entreprises et les consommateurs américains, comme celle de la Tax Foundation ou de l’American Action Forum.

Dans une économie domestique, des tarifs douaniers créent généralement une pression inflationniste sur les prix des produits importés.

Toutefois, l’information à propos du projet de Donald Trump ne semble pas avoir vraiment traversé la frontière, comme le confirme une revue de presse réalisée sur la base de recherche Eureka.

Or, advenant le retour de l’ex-président à la Maison-Blanche, l’incidence de ces nouveaux tarifs serait majeure sur nos entreprises, comme en témoigne l’inquiétude de Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ) à ce sujet.

Sa PDG Véronique Proulx souligne que les exportateurs québécois dont les produits vendus aux États-Unis ne sont pas nichés ou uniques sont particulièrement à risque de perdre des clients ou des ventes.

«Si leur segment de marché est très concurrentiel, là, c’est très préoccupant, et ça peut devenir problématique pour les exportateurs québécois», dit-elle au bout du fil.

 

L’impact concret d’un tarif sur nos entreprises

Imaginons un exemple concret pour illustrer le risque auquel nos exportateurs sont confrontés, en l’occurrence un fabricant de tables de chevet du Centre-du-Québec, un produit commun, qui se retrouve donc dans un segment de marché très concurrentiel.

Faisons l’hypothèse que cette entreprise vend habituellement sa table de chevet 100$US aux États-Unis.

À la suite de l’imposition d’un nouveau tarif de 10%, elle devrait donc en théorie la vendre 110$US (100 x 10%).

Or, puisqu’elle évolue dans un secteur concurrentiel, notre entreprise ne peut pas refiler les coûts supplémentaires aux consommateurs américains. Ces derniers achèteraient alors leur table auprès de fabricants situés aux États-Unis, qui n’ont pas à payer cette taxe de 10%.

Dans ce contexte, notre entreprise du Centre-du-Québec a peu d’options, selon Christian Sivière, un consultant en commerce international et président de la firme Solimpex.

Premièrement, pour ne pas perdre de ventes aux États-Unis, elle peut absorber entièrement la taxe de 10% et continuer à y vendre ses tables 100$US. En revanche, elle risque de miner sa profitabilité.

Deuxièmement, notre entreprise et l’importateur américain peuvent tous les deux absorber une partie de la taxe, par exemple la moitié (ou 5$US). Ils verraient ainsi leur marge bénéficiaire diminuer un peu, mais les tables pourraient continuer d’être vendues à 100$US.

Pour limiter l'incidence d'un tarif de 10% sur leur profitabilité, les exportateurs du Québec peuvent tenter de réduire leurs coûts de production et d'améliorer leur productivité. (Photo: 123RF)

Bien entendu, si notre entreprise fictive du Centre-du-Québec a une usine aux États-Unis qui produit aussi des tables, elle pourrait y accroître sa production afin de ne pas avoir à payer la taxe de 10%.

Son usine de ce côté-ci de la frontière pourrait par exemple se concentrer sur le marché canadien.

Dans un monde idéal, si notre fabricant de tables en a les moyens, il pourrait carrément ouvrir une usine aux États-Unis.

Après tout, on observe une montée du protectionnisme chez nos voisins américains depuis la récession mondiale de 2008-2009, et ce, aussi bien chez les démocrates que chez les républicains.

Depuis qu’il est pouvoir, Joe Biden a d’ailleurs relevé les seuils de contenus locaux (le Buy America et le Buy American) pour les produits vendus aux États-Unis qui sont en partie financés par des fonds fédéraux.

 

Les exportateurs peuvent se préparer

En novembre 2016, l’élection du Donald Trump a créé une onde de choc géopolitique, et les entreprises canadiennes l’ont bien ressentie, et ce, des tarifs sur l’acier et l’aluminium à la renégociation de l’entente de libre-échange avec les États-Unis — au profit des Américains.

Une possible nouvelle administration Trump provoquera aussi une nouvelle onde de choc, sans parler de son lot d’incertitudes.

Donald Trump peut-il vraiment imposer des tarifs de 10% sur tous les produits importés aux États-Unis?

Cela dépendra en partie de la composition du Congrès.

Si les républicains contrôlent les deux chambres (ils ne contrôlent actuellement que la Chambre des représentants), le président aura alors les coudées franches pour imposer cette taxe de 10%.

Bien entendu, les partenaires commerciaux des États-Unis, dont le Canada, imposeront aussi sans doute à leur tour des tarifs pour contrecarrer la politique commerciale américaine.

Ça promet!

Pour diminuer votre risque géopolitique aux États-Unis, il serait peut-être avisé de tenir pour acquis que Donald Trump sera élu et qu’il imposera une taxe de 10%.

D’ici là, il vous reste au moins un an pour tenter de réduire vos coûts de production et d’accroître votre productivité.

Et si une nouvelle administration Trump n’impose finalement pas ces tarifs?

Eh bien, vous n’aurez pas fait ces efforts en vain. Votre organisation sera plus compétitive sur le marché américain.

Et vous pourriez peut-être même pouvoir y réduire vos prix, qui sait.

 

 

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À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand

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