Où est passé le service en quincaillerie?

Publié le 28/09/2023 à 11:15

Où est passé le service en quincaillerie?

Publié le 28/09/2023 à 11:15

«Nous sommes un samedi, il est 14h00 et je ne vois pratiquement aucun employé, personne pour me guider», raconte Daniel Lafrenière. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. J'écrivais en 2019 une fable intitulée «Le renard et l'anguille»  pour décrire la diversité d'expériences client vécues dans les grandes quincailleries. Quatre ans plus tard – dont trois marquées par la pandémie –, force est de constater que l'état des lieux s'est détérioré, et pas rien qu'un peu !

J'entreprends actuellement des travaux de rénovation du sous-sol. Disons qu'une pièce en a bien besoin. Pour ce faire, je dois remplacer le plafond de tuiles cartonnées bon marché par du plafond suspendu. Après avoir effectué une première recherche sur le web, j'ai voulu comparer les différents modèles de visu dans un centre de rénovation à proximité de chez moi.

Premier constat : c'est donc bien tranquille (bruits de criquets). Nous sommes un samedi, il est 14h00 et je ne vois pratiquement aucun employé, personne pour me guider vers l'allée offrant les matériaux convoités. Parcourant les allées avec ma douce, nous constatons qu'il a peu de clients et pas de conseillers. Peut-être sont-ils tous en pause dîner?

Après avoir déduit l'emplacement dans l'immense entrepôt – je n'en suis pas à mes premiers travaux –, je croise du regard un conseiller qui feint ne pas m'avoir vu. Je l'interpelle et lui demande des conseils en matière de plafond suspendu. Quand je lui explique que je suis là pour voir et comparer les modèles, il est soulagé «de ne pas avoir à calculer les matériaux requis pour mon projet parce que c'est long et plate». Que dire (soupirs)... ça part bien!

Il daigne malgré tout nous guider vers la section de l'allée 26 et s'enfuit rapidement, par crainte sans doute qu'on lui demande un effort supplémentaire.

 

Jamais mieux servi que par soi-même

Après avoir comparé, regardé les finis, nous en venons à choisir un produit bien précis. Voulant l'acheter – nous sommes là! –, nous aimerions savoir combien de tuiles, traverses principales et secondaires, et mécanismes d'ancrage seront requis pour notre projet.

Et la chasse au conseiller repart de plus belle. Après avoir parcouru pendant 10 minutes les allées adjacentes pour trouver quelqu'un pour nous assister, celui que l'on aborde gentiment ne s'y connait pas vraiment en plafond. Il préfère nous raconter l'histoire de son beau-frère qui a eu des problèmes lors de l'installation dudit plafond qu'à nous aider. Il lance malgré tout un appel radio à son collègue qui «lui s'y connait». On attend encore 15 minutes, sans que personne n'arrive. Décidément, il faut être patient, très patient pour avoir du service dans cette quincaillerie. Je rappelle qu'il n'y a pratiquement pas de clients.

Tanné d'attendre, je me suis rendu sur le site web du manufacturier à l'aide de mon téléphone intelligent pour voir s'il n'y avait pas un outil me permettant d'avoir réponse à ma question. Et la réponse fut oui ! L'outil, fort simple, demande les dimensions de la pièce, puis produit la liste des matériaux à acheter. Pour une pièce de 12 x 12 pieds, vous avez besoin de trois boites de tuiles, deux boites de traverses secondaires, etc. C'est simple. C'est clair. C'est bien fait. Vive Internet!

Nous remplissons donc notre panier des articles requis lorsqu'enfin le conseiller – le même qu'au début – constate qu'on peut se débrouiller tout seul. On lui a dit qu'on a attendu, mais qu'on a trouvé l'information sur le site web du manufacturier. Nullement gêné de nous avoir fait attendre, il répond «Je ferais plus confiance au web qu’à moi!», bien heureux de ne pas avoir eu à «calculer» les matériaux requis. Sérieux !? Il est conseiller en plafond suspendu et ignorait l'existence du calculateur sur le site web du manufacturier. Eh bien ! «Un autre bel exemple de l'expertise offerte en quincaillerie», me dis-je avec ironie.

 

Une expérience qui se dégrade, partout

En lisant la chronique de Mario Girard dans La Presse au lendemain de mes péripéties, je me suis dit que je n'étais pas le seul à remarquer une dégradation du savoir-faire dans les commerces.

Je me permets de le citer: «Combien de fois ai-je dû faire face récemment à des yeux dans de la graisse de bine, à des réponses évasives, quand ce n’était pas une totale ignorance? C’est incroyable!» en parlant des différents vendeurs et conseillers avec lesquels il a interagit récemment.

Et bien oui, c'est incroyable. Cette dégradation de l'expérience client fera en sorte qu'un jour le client va préférer acheter son plafond suspendu sur le web directement du manufacturier plutôt que dans une quincaillerie où tout un chacun semble vouloir faire le minimum d’effort.

En référence à mon précédent billet sur les quincailleries, si rien n'est fait, les anguilles fuyantes deviendront malheureusement l'espèce dominante sur les pieuvres efficaces et les renards expérimentés. Ce sera bien dommage.

En passant, que feront tous ces employés fainéants et incompétents le jour où il n'y aura plus d'emplois pour eux si leur entreprise ferme ou que leur poste est remplacé par un robot doté d'une intelligence artificielle? Cela n'arrivera peut-être jamais... ou cela arrivera peut-être plus tôt qu'ils ne le croient. Le monde est en transformation. Certains semblent l'oublier.

 

À propos de ce blogue

De kessé l’expérience client se veut un blogue pour les dirigeants, responsables de l’expérience client, et toute personne qui est en contact direct, ou indirect avec la clientèle. Le but? Démystifier l’expérience client sous tous ses angles. Daniel Lafrenière est stratège en expérience client omnicanale. Oeuvrant depuis plus de 30 ans, il a aussi donné des conférences au Canada, aux États-Unis et en Europe. Il est l’auteur de 10 ouvrages en expérience client, expérience employé et transformation numérique.

Daniel Lafrenière

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