SNC-Lavalin accusée d'escroquerie en Inde

Publié le 21/07/2009 à 00:00, mis à jour le 04/10/2013 à 09:46

SNC-Lavalin accusée d'escroquerie en Inde

Publié le 21/07/2009 à 00:00, mis à jour le 04/10/2013 à 09:46

PRÉCISION APPORTÉE À L’ARTICLE ORIGINAL

Le Central Bureau of Investigation (CBI) indien a publié les charges d’accusation le 11 juin dernier. La cour a ensuite autorisé la poursuite. Selon la police, le ministre Pinarayi Vijayan et ses fonctionnaires ont « fomenté une conspiration criminelle entre eux et avec un vice-président directeur de SNC-Lavalin » pour forcer l’attribution d'un contrat de rénovation de trois centrales hydroélectriques à la firme.

Selon la police indienne, l’investissement n’a même pas été approuvé par le conseil d’administration du Kerala State Electricity Board (KSEB). Ce contrat irrégulier a mené à des « pertes excessives » pour le producteur public d’électricité et l’État du Kérala, dans le sud-ouest de l’Inde, et à des « profits excessifs pour SNC-Lavalin », dit le CBI.

Le contrat original signé avec la société québécoise valait 2,4 milliards de roupies, soit 57 millions de dollars actuels.

En 2005, le Comptroller and Accountant General (CAG, l’équivalent indien de notre Vérificateur général) a enquêté sur cet investissement. Selon son rapport, le KSEB a ignoré une soumission deux fois moins chère déposée par un consortium indien.

Les négociations entre SNC-Lavalin et le KSEB se sont déroulées au Canada, lors de la visite d’une délégation indienne en 1996. L’accord incluait un contrat de financement pour 85 % du projet avec Exportation et Développement Canada (EDC).

Selon le CAG, l’État du Kérala s’est aussi fait flouer en négociant ce prêt. La société d’État canadienne lui aurait imposé des frais administratifs abusifs. EDC n’a pas retourné nos appels.

Une fois les rénovations terminées, les essais ont révélé des défauts de conception des centrales et des turbines, fabriquées par Alstom Canada à Granby. Selon le CAG, ces problèmes ont entraîné des dépassements de coûts supplémentaires.

Facture totale : 90 millions de dollars. Une dépense complètement inutile, dit le CAG, puisque la rénovation des trois centrales du Kérala n’a même pas permis d’augmenter leur puissance. En fait, elles n’ont jamais pu atteindre les performances enregistrées avant les travaux.

Un hôpital en échange

En 1996, l’État du Kérala a conclu une entente verbale avec la société, selon la police indienne. En échange de l’octroi du contrat sans appel d’offres à SNC-Lavalin, la société québécoise devait trouver 20 millions de dollars pour financer un hôpital pour cancéreux. L’argent devait provenir de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) et d’EDC.

Mais les fonctionnaires du Kérala n’ont jamais formalisé cette entente dans un document écrit, si bien que SNC-Lavalin n’a fourni qu’environ deux millions de dollars.

Si la société québécoise est trouvée coupable d’avoir escroqué l’État du Kérala, elle risque de se voir inscrite sur une liste noire en Inde et de ne plus pouvoir remporter de contrats dans ce pays.

Les accusés doivent comparaître devant un tribunal spécial anti-corruption le 24 septembre. Mais la police indienne semble avoir du mal à interroger Klaus Triendl, l’ancien vice-président directeur de SNC-Lavalin impliqué dans cette affaire.

À Montréal, Gillian MacCormack, vice-présidente aux relations publiques du géant du génie civil, assure cependant que les autorités indiennes n’ont jamais contacté la société pour élucider cette affaire.

Mme MacCormack indique que M. Triendl est en semi-retraite. Elle nous a fait parvenir un courriel indiquant qu’elle ne peut pas « fournir des informations supplémentaires à propos de Klaus Triendl - nous considérons celles-ci comme confidentielles ».

Nous avons tenté de joindre M. Triendl dans ses bureaux de Montréal et à sa résidence de Pointe-Claire, en banlieue de Montréal. Il n’a pas retourné nos appels.

SNC-Lavalin a refusé d’émettre des commentaires sur son contrat avec l’État du Kérala. « J'aimerais par contre insister sur le fait que nous considérons que nous n'avons fait aucun tort dans toute cette histoire et que nous trouvons ces accusations - parce qu'elles ne sont que ça - dans les pages des quotidiens indiens offensives, inexactes, non acceptables et très dommageables pour notre bonne réputation », écrit Mme MacCormack dans son courriel.

SNC-Lavalin déclare également qu’elle n’a « absolument rien à cacher » dans une déclaration sur son site Internet. « En fait, nous sommes très fiers de notre relation d’affaires avec l’Inde, qui dure depuis 40 ans, et de nos nombreuses contributions au développement économique de ce pays », écrit l’entreprise.

Contrairement au Comptroller and Auditor General indien, SNC-Lavalin affirme également qu’elle a rénové les trois centrales « en respectant budgets et échéanciers ». La firme ajoute qu’elle a même aidé son client « à construire un hôpital pour cancéreux ».

Dans la version anglaise de cette déclaration, l’entreprise affirme aussi que les rénovations ont bel et bien mené à l’amélioration des capacités des centrales. Selon SNC-Lavalin, la baisse de leur performance après les rénovations est due à des sécheresses en amont des barrages.

Le CAG maintient pourtant le contraire. Il affirme que les centrales rénovées par SNC-Lavalin n’ont même pas atteint les performances enregistrées avant le début des travaux. Selon ses données, la région a connu en 2004-2005 une année record pour les précipitations. Cette année-là, les barrages du Kérala ont tout de même produit moins d’énergie qu’avant les rénovations.

Précision (21 juillet 2009)
Dans l'article original (daté du 13 juillet) il était mentionné que « selon la presse indienne, le [Central Bureau of Investigation] a demandé l’aide d’Interpol » pour retracer Klaus Triendl, ancien vice-président directeur de l'entreprise.

Cette affirmation se base sur plusieurs articles publiés dans des médias indiens
et mentionnant cette information. Par ailleurs, LesAffaires.com tient à préciser qu'une demande d'information faite à Interpol n'implique pas qu'un mandat d'arrestation a été émis contre l'individu faisant l'objet de cette demande. Il n’était pas dans l’intention de LesAffaires.com de sous-entendre par là que M. Triendl tentait d’éviter de se soumettre à la justice.

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