Magasinage à haut risque ?

Publié le 11/05/2013 à 00:00, mis à jour le 11/05/2013 à 01:22

Magasinage à haut risque ?

Publié le 11/05/2013 à 00:00, mis à jour le 11/05/2013 à 01:22

Sur Bay Street, quels détaillants canadiens devraient attirer votre attention? Et quels autres devraient au contraire vous inquiéter? (Photo: Bloomberg)

Pas facile au Canada de tirer son épingle du jeu dans le secteur du commerce de détail. Encore moins de prédire quelles sociétés sauront le mieux se tirer d'affaire au cours des prochains mois.

Les détaillants font face à plusieurs vents contraires. Après des années d'endettement record, les Canadiens resserrent les cordons de leur bourse, et ce, au moment où la Banque du Canada multiplie ses avertissements d'une hausse de son taux directeur. Pendant ce temps, les détaillants doivent composer avec la concurrence de plus en plus efficace des commerçants en ligne et celle de détaillants venus d'ailleurs, comme Target.

Que doit faire l'investisseur dans un tel contexte ? Une demi-douzaine de portefeuillistes, bien au fait des défis que doivent relever les détaillants canadiens, dévoilent les titres qu'ils préfèrent et ceux qu'ils évitent. Bon magasinage.

Les titres de détaillants à éviter

GROUPE BMTC

Groupe BMTC (Tor., GBT.A, 14,89 $), propriétaire des chaînes Brault & Martineau, Ameublements Tanguay, Galerie du Sommeil et Economax, est l'un des titres les plus exposés à la concurrence et au ralentissement du secteur immobilier, disent les experts consultés.

Tandis que Léon a su grandir en avalant The Brick, que Corbeil investit dans de nouveaux magasins et que de nouveaux joueurs menacent de s'implanter (Zara Home, Anne Taylor Loft), BMTC parvient à se maintenir en vie, en acceptant par contre de voir son bénéfice et son volume de ventes décroître.

Ses ventes sont passées de 863 millions de dollars il y a cinq ans à 730 M$ aujourd'hui. Il s'agit d'une baisse moyenne de 4 % par année au cours des cinq dernières années. Son titre, lui, a baissé de plus de 24,03 % depuis un an, la pire performance des détaillants canadiens à la Bourse de Toronto, après celle de Reitmans.

«C'est une belle entreprise, peu diversifiée mais très bien gérée, qui doit composer avec un sérieux vent de face», dit Carl Simard, président de MEDICI gestion de portefeuille stratégique. À son avis, elle devra trouver le moyen de redynamiser ses ventes pour stimuler sa croissance.

L'analyste Stephen MacLeod, de BMO Marchés des capitaux, n'en pense pas moins, car il a récemment pris la décision de réduire ses prévisions de bénéfice par action pour 2013 et 2014 et d'abaisser son cours cible de 15 $ à 14 $.

L'ouverture de l'enseigne à escompte Economax devrait commencer à rapporter, croit-il. Mais la déprime de l'immobilier résidentiel sera difficilement évitable, tant pour BMTC que pour ses concurrents, écrit-il.

REITMANS

Comme plusieurs détaillants dans le secteur du vêtement, la montréalaise Reitmans (Tor., RET.A, 9,00 $) (Reitmans, Smart Set, RW&Co., Penningtons, Addition Elle et Thyme Maternité) tire le diable par la queue.

Toujours considérée comme étant le plus grand détaillant de vêtements pour femmes du pays, Reitmans connaît une baisse continuelle de ses ventes comparables, ce qui heurte inévitablement son bénéfice. Depuis cinq ans, son bénéfice par action a décru en moyenne de 24 % par année.

L'analyste, Mark Petrie, de Marchés mondiaux CIBC, note une hausse de ses coûts d'exploitation que l'entreprise a tenté de régler par une réduction de son personnel. Un nouveau système de gestion d'entrepôt devrait aussi permettre une amélioration de sa performance.

Malheureusement, croit-il, les pressions de la concurrence devraient largement contrebalancer les améliorations. La concurrence nouvelle de Target, ou renouvelée de Winners (TJX Companies), Walmart, Joe Fresh (Loblaw) et Ann Taylor, risque de garder Reitmans sous forte pression, croit Carl Simard, président de MEDICI gestion de portefeuille.

À tel point que l'analyste Tal Wooley, de RBC Marchés des Capitaux, appelle à une «révision stratégique majeure» des activités du détaillant canadien. Ce dernier conseille en outre des efforts accrus en branding et en marketing, notamment.

La bonne nouvelle, note Phlippe Le Blanc, président de Cote 100, est que Reitmans est bien diversifiée, peut profiter d'une présence nationale, a très peu de dettes et dispose d'un bon bilan. Avec 160 M$ (ou 2,50 $ par action) en encaisse, calcule M. Wooley, l'entreprise aurait les moyens de mener une transformation majeure à bien.

«Ça va être difficile, mais Reitmans devrait survivre», dit M. Le Blanc, ajoutant qu'il ne saurait en dire autant, étant donné leur bilan, d'autres détaillants de mode canadiens, dont Le Château.

RONA

Malgré un hiver tumultueux, Rona (Tor., RON, 10,56 $) semble encore bien loin d'être sortie du bois. En plus des problèmes liés à la situation économique des ménages (qui nuira aux ventes) et à la gouvernance de l'entreprise, le doute d'un revirement prochain de situation persiste chez les gestionnaires et les analystes.

Au cours des cinq dernières années, le quincaillier de Boucherville n'a connu aucune croissance de ses ventes et a vu son bénéfice par action chuter de 46 % par année en moyenne. Résultat : son titre a perdu 37 % de sa valeur depuis mai 2010.

Si plusieurs saluent l'arrivée de Robert Sawyer, un ancien haut dirigeant de Metro (Tor., MRU, 68,90 $), au poste de président et chef de la direction de Rona, les doutes persistent quant à sa capacité d'entreprendre le virage nécessaire à court terme.

L'analyste Keith Howlett, de Desjardins Marché des capitaux, s'interroge sur l'une des stratégies maîtresses de Rona, qui consiste à reconquérir les marchés urbains par l'ouverture de magasins dits «de proximité».

D'une superficie de 20 000 à 52 000 pieds carrés, ces magasins chercheraient à s'approprier un marché inexploité entre les magasins-entrepôts de 100 000 pi2 et plus et les quincailleries de quartier, de 3 000 à 12 000 pi2.

Est-ce que ce marché est suffisamment porteur pour que Rona y consacre temps, argent et énergie ? L'analyste de Desjardins en doute, tout comme Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC.

Ce dernier dit attendre plus de la nouvelle direction que la promesse d'une réduction de 15 % de son personnel administratif, de la fermeture de magasins-entrepôts non performants hors Québec et d'un lancement d'un nouveau format de magasin.

Cela, sans compter, note Carl Simard, de MEDICI, que le tout survient au moment où les dépenses de rénovation des ménages risquent fortement de diminuer au cours des prochaines années.

Les titres de détaillant à ajouter à son portefeuille

ALIMENTATION COUCHE-TARD

Malgré des résultats qui ont déçu au dernier trimestre, Alimentation Couche-Tard (Tor., ATD.B, 60,22 $) reste un des titres favoris des observateurs. Ceux-ci, en plus d'être favorables à la nature de ses activités, considérées comme défensives, apprécient le style de gestion de sa direction.

Au cours des cinq dernières années, l'entreprise a connu une croissance annuelle de ses ventes de 18 % et de son bénéfice par action de 21 %. Résultat : son action a gagné près de 40 % à la Bourse de Toronto depuis un an.

«Alain Bouchard est remarquable, dit Carl Simard, président de MEDICI gestion de portefeuille stratégique. Son expérience, son franc-parler envers les actionnaires [...] et sa stratégie d'intégration expliquent sa réussite.»

Sa croissance repose sur un mélange d'acquisitions et de croissance interne. Bien que 75 % de ses revenus dépendent de la vente de carburant, les trois quarts de son bénéfice brut proviennent de la vente de marchandises en magasin. La marchandise en magasin croît de 8 % à 9 % par année ; cette croissance est attribuable à hauteur de 40 % à l'augmentation des ventes comparables.

Pour l'heure, Couche-Tard est occupée à digérer sa dernière grande acquisition, celle de l'européenne Statoil Fuel & Retail. Marie-Ève Savard, gestionnaire de portefeuille à Investissements Standard Life, a bon espoir que cette bouchée saura lui être bénéfique au fur et à mesure que l'entreprise de Laval apportera son savoir-faire à l'entreprise.

Est-ce que l'intégration de Statoil l'empêche de préparer une nouvelle acquisition ? Celle en particulier du réseau de dépanneurs de Valero Energy, la société mère d'Ultramar ? D'aucuns en doutent. Récemment, Martin Landry, de Valeurs mobilières GMP, estimait que son bilan lui permettrait d'absorber de nouvelles acquisitions, même de 1,5 G$ US. De son côté, la Financière Banque Nationale estimait que Couche-Tard disposait encore d'une capacité d'emprunt d'environ 1 G$, mais qu'il lui faudrait procéder à une émission d'actions si elle voulait aller au-delà.

DOLLARAMA

La croissance accélérée que connaît Dollarama (Tor., DOL, 72,82 $) depuis des années se poursuit, ce qui n'est pas sans plaire aux investisseurs qui en profitent aussi.

De toutes les entreprises du secteur, c'est Dollarama que les experts mentionnent le plus souvent lorsque vient le moment de choisir leur titre favori. C'est le cas de l'analyste Neil Linsdell, d'Industrielle Alliance Valeurs mobilières, qui dit vouer une confiance quasi sans borne pour la qualité de son fonctionnement et son potentiel de croissance.

Et pour cause. Au cours des cinq dernières années, Dollarama a connu une croissance annuelle moyenne de ses ventes de 14 % et de son bénéfice par action de 29 %. Depuis un an, l'action de l'entreprise a progressé de 29 %.

Marie-Ève Savard, gestionnaire de portefeuille à Investissements Standard Life, soutient que le type de commerce qu'exploite Dollarama a la réputation de bien performer en période de ralentissement économique et qu'il souffrira peu de l'arrivée de Target au pays.

Au contraire, l'analyste Keith Howlet, de Desjardins Marché des capitaux, est d'avis que Dollarama pourrait bien en bénéficier, car elle installe souvent ses commerces près des magasins-entrepôts et des supermarchés.

Au cours de la prochaine année, l'entreprise prévoit l'ouverture de 80 magasins au Canada, ce qui aura pour effet d'accroître ses parts de marchés, souvent aux dépens de chaînes en déclin, telles Fields, Liquidation World et Magasins Hart.

Actuellement, 65 % des 1 150 magasins à 1 $ au Canada appartiennent à Dollarama. Son plus proche concurrent est Dollar Tree avec 140 magasins.

Avec autant d'ouvertures, un risque de saturation du marché demeure présent, reconnaît François Rochon, président de Giverny Capital. Mais on en serait encore loin.

Carl Simard, président de MEDICI gestion de portefeuille, rappelle que le Canada compte seulement un magasin à 1 $ par 30 000 habitants, tandis qu'on en compte un par 10 000 personnes aux États-Unis.

METRO

Philippe Le Blanc, président de Cote 100, une société de gestion de portefeuille, l'avoue d'emblée : il n'aime pas beaucoup le secteur du commerce de détail, trop dépendant selon lui des soubresauts de l'économie.

Mais il affirme qu'il miserait tout naturellement sur des titres de détaillants «défensifs, comme Metro» (Tor., MRU, 68,90 $), moins sensibles aux aléas de la consommation discrétionnaire, comme le sont les détaillants de mode ou de meuble.

Depuis un an, l'action de l'épicier a grimpé de 27,2 % et de 156 % en cinq ans. Une situation qui n'est probablement pas étrangère aux efforts de croissance de l'entreprise au cours des dernières années.

Depuis cinq ans, l'exploitant des enseignes Metro, Super C et Brunet a présenté une croissance annuelle moyenne de ses ventes de 3 % et une hausse moyenne annuelle de son bénéfice par action de 15 %.

«C'est un titre de qualité, bien évalué, bien dirigé et relativement imperméable aux soubresauts de l'économie et aux dépenses discrétionnaires», commente Philippe Le Blanc. Pour lui, Metro est un titre en commerce de détail comportant un minimum de risques.

D'autant que, depuis la vente de la moitié de sa participation dans Alimentation Couche-Tard, qui a rapporté 479 M $ à Metro, les spéculations vont bon train sur l'acquisition prochaine d'une nouvelle chaîne d'épicerie.

L'analyste Michael Van Aelst, de Valeurs mobilières TD, semble tout aussi confiant, malgré l'acquisition des Marchés Adonis, qui risque de rendre plus difficile à court terme l'atteinte d'une croissance du bénéfice par action dans les deux chiffres, comme Metro en avait pris l'habitude, écrit-il.

Seule autre ombre au tableau : la perte récente de deux de ses dirigeants les plus importants depuis quelque mois, soit le chef de l'exploitation, Robert Sawyer, devenu pdg de Rona, et le chef de la direction financière, Richard Dufresne, passé chez George Weston.

martin.jolicoeur@tc.tc

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