Le grand retour de l'humain

Publié le 15/10/2011 à 00:00

Le grand retour de l'humain

Publié le 15/10/2011 à 00:00

Par Diane Bérard

Le retour du leader authentique, vulnérable, courageux. Bref, le retour de l'humain dans le monde des affaires. C'est la leçon qu'on tire de la 8e édition du World Business Forum (WBF) qui se tenait les 5 et 6 octobre derniers à New York. Elle a réuni plus de 4 000 participants issus de 55 pays. Les Affaires y était pour une deuxième année.

Le contraste était frappant entre les deux éditions. L'an dernier, le darwinisme régnait sur la scène : «Congédiez les plus faibles», «Ne recrutez que les meilleurs», «Ne visez que l'excellence». Comme si les conférenciers voulaient gonfler les participants à bloc et que, de leur élan, émerge la reprise. Peine perdue. La crise s'étire. Le moral des troupes est au plus bas. Le WBF s'est ajusté.

Cette année, les conférenciers se sont donné le mot pour prendre soin des pdg afin qu'ils puissent prendre soin de leurs employés. Après avoir prôné la guérilla pour sortir de la crise, on propose le grand retour de l'humain : authentique, vulnérable, courageux.

De nombreuses idées ont circulé au WBF pendant ces deux jours. Nous en avons attrapé huit au vol. Un conseil inspiré de cette conférence : n'allez pas au plus évident, essayez d'appliquer l'idée qui se trouve le plus loin de votre zone de confort.

1 Et si vous étiez la même personne au travail qu'à la maison

Bill George a ramé longtemps à contre-courant. Ses tentatives pour devenir président de classe ont toutes échoué. Il s'est présenté en politique sept fois et a toujours été défait. Pour se «sauver de lui-même», il a étudié à des milliers de kilomètres de chez lui. «Mais j'étais toujours là.»

On lui confie finalement des postes de direction. Il effectue trois redressements pour avouer un soir à sa femme qu'il est malheureux. «Tu es tellement obsédé par le fait d'aller vite et loin que personne n'a envie de te suivre ni de se faire diriger par toi», lui avoue-t-elle.

En 1988, il prend la direction de Medtronic, le leader mondial de la technologie médicale. La capitalisation boursière explose de 1 à 60 milliards de dollars (G$). «Le jour où je me suis joint à Medtronic, je suis «rentré à la maison». Je n'ai plus eu envie de me sauver de moi-même, j'étais en parfaite harmonie avec mes valeurs.» Bill George enseigne la gestion à la Harvard Business School aujourd'hui. De plus, il est l'auteur du livre à succès True North, dans lequel il incite les leaders à se connaître sans complaisance et à se respecter.

2 Osez prendre des «risques sociaux»

«Les leaders ont tellement peur d'être exclus par leurs pairs qu'ils sont prêts à prendre des risques inouïs pour éviter ce rejet», affirme l'auteur et journaliste Malcolm Gladwell.

Il existe, dit-il, deux sortes de risques d'affaires : le risque opérationnel et le risque social. C'est en prenant des risques opérationnels que le secteur financier a créé la crise des hypothèques à risque. Aucun pdg de cette industrie n'a voulu prendre le risque social de ne pas vendre ces produits. Le jugement de ses homologues aurait été trop lourd à porter.

«Les adolescents prennent constamment des risques opérationnels, mais aucun risque social. Cela change à l'âge adulte... sauf si vous allez travailler à Wall Street !»

3 Changez les questions que vous posez et vous trouverez les réponses que vous cherchez

Pendant des décennies, les organismes d'aide internationale se sont demandé la raison pour laquelle «les enfants des milieux défavorisés et des bidonvilles ne réussissent pas dans la vie. Quels facteurs contribuent à leur échec ?» Des programmes d'aide ont été élaborés à partir des réponses. Succès mitigé.

«Un jour, on a commencé à demander : pourquoi certains de ces enfants réussissent ? Pourquoi des enfants ordinaires arrivent à des résultats extraordinaires ?» explique Tal Ben-Sharar, auteur du livre Positive Psychology. «En modifiant la question, on a changé le paradigme. Changez vos questions, vous changerez votre réalité, car vos questions définissent la réalité», ajoute celui qui a enseigné la psychologie à Harvard.

Vous intéressez-vous à l'échec chez les enfants pauvres ou à leur succès ? Aux facteurs d'échec de votre entreprise ou à ce qui entraîne sa réussite ? «En affaires, on passe beaucoup de temps à chercher les bonnes réponses au lieu de poser les bonnes questions», ajoute le professeur.

4 Invitez votre chef de la technologie à l'avant de l'autobus

«Quand j'ai joint Burberry, notre chef de la technologie se nommait responsable des technologies de l'information (chief information officer). Je lui ai dit qu'il fallait changer son titre, parce que l'information qu'il me donnait était opaque et pas très utile !» raconte Angela Ahrendts, pdg de la marque de luxe britannique. «Je l'ai aussi invité à s'asseoir à l'avant de l'autobus, car, dans notre monde numérique, son service constitue un pilier de l'entreprise», ajoute-t-elle.

Chez Burberry, le chef de la technologie est l'alter ego du chef de la création. L'un crée la vision, l'autre la rend accessible à tout le monde. «Burberry sera la première organisation numérique d'un bout à l'autre», confie sa pdg.

5 Vendez des «parts d'esprit» (mind share) avant de vendre des parts de marché

Pourquoi faire de la pub auprès d'enfants et d'adolescents qui n'ont pas les moyens de s'acheter des produits de luxe ? «Parce qu'une marque comme Burberry est aspirationnelle, répond la pdg. Vous entretenez d'abord un rapport distant avec nos produits par vos parents ou les parents de vos amis. Puis, le jour où vous en avez les moyens, vous achetez un premier produit dans notre catégorie entrée de gamme. C'est ainsi qu'on développe une marque pour le long terme.»

Il existe un univers numérique Burberry qui possède même sa propre musique, histoire de bien s'installer dans l'esprit des futurs consommateurs.

6 Prêtez attention à ce qui se crée à l'extérieur des entreprises

Connaissez-vous le «socialstructing» ? C'est une nouvelle façon de créer qui n'engage ni entreprise ni structure formelle.

«Il s'agit de créer de la valeur à partir de microcontributions provenant d'un important groupe d'individus utilisant la technologie pour partager leur contribution», explique Marina Gorbis, directrice de l'Institute for the Future, un think thank californien qui, depuis 43 ans, aide les entreprises à déceler ce qui influencera leur organisation demain et, surtout, après-demain.

Pourquoi une «vraie» entreprise devrait-elle prêter l'oreille au socialstructing ? Pour deux raisons. D'abord, à cause de la concurrence. Ce qui se crée dans ces réseaux peut ressembler à ce que produisent les «vraies» entreprises. Ensuite, parce que le socialstructing démontre que les facteurs de motivation des humains changent.

«Le rayonnement, par l'intermédiaire des médias sociaux, et la contribution à la communauté prennent de plus en plus d'importance, souligne Marina Gorbis. Comment allez-vous en tenir compte dans votre entreprise, avec vos équipes et vos employés ?»

7 Recrutez des employés qui savent composer avec les conflits

«Mieux vaut un employé qui sabote vos décisions qu'un autre qui les accepte passivement», prévient Patrick Lencioni, consultant et auteur de The Five Dysfunctions of a Team, de Silos, Politics and Turf Wars et de Getting Naked.

Les organisations n'aiment pas les conflits. Les humains qui les composent non plus. «Mais pas de conflits, pas de discussion. Pas de discussion, pas d'engagement, ajoute Patrick Lencioni. La dernière chose que vous souhaitez, c'est un employé qui constate qu'un projet dérape, mais qui se tait parce qu'il ne se sent pas concerné, n'ayant pas pris part aux discussions. Le conflit est une phase nécessaire pour obtenir l'adhésion.»

8 Isolez vos employés les plus créatifs du reste de l'entreprise pour la sauver !

«American Express a vu venir PayPal de loin. Mais elle n'a rien fait», constate Seth Godin, auteur du succès de librairie Tous les marketeurs sont des menteurs et du tout nouveau We Are All Weird.

Le modèle d'entreprise de PayPal se trouve à mille lieues de celui d'American Express, comment réagir ? On ne crée pas du neuf à partir du vieux, répond le spécialiste du marketing. «Votre seule chance de vous en tirer consiste à prendre un petit groupe de vos employés les plus créatifs, à les installer le plus loin possible du siège social pour éviter toute influence et à les laisser travailler. IBM l'a fait, l'avionneur Lockheed aussi. Et c'est ainsi que Target a vu le jour et est devenu bien plus rentable que sa maison-mère !»

UN INVITÉ DE LES AFFAIRES RAVI

«Il faut penser différemment.» C'est une des leçons qu'a retenues du WBF 2011 Richard Langevin, de la Financière Banque Nationale, qui a pu asssiter avec sa conjointe à la rencontre new-yorkaise après avoir remporté le concours organisé par LesAffaires.com.

M. Langevin a particulièrement apprécié deux conférenciers : Malcolm Gladwell, qu'il a déjà lu, et Ben Zander, de l'Orchestre philarmonique de Boston. Le message de M. Zander : l'important n'est pas de penser à son prochain emploi, mais se démarquer dans la vie.

diane.bérard@transcontinental.ca

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