Mobiliser ses employés même quand tout va mal

Publié le 21/03/2009 à 00:00

Mobiliser ses employés même quand tout va mal

Publié le 21/03/2009 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

Mère d'une adolescente qu'elle élève seule, Carole (tous les prénoms sont fictifs) a été épargnée par les récentes suppressions de postes chez Corus Québec. "Je sais que je devrais être soulagée, mais au lieu de cela, je me sens déprimée et j'ai du mal à me concentrer", constate-t-elle.

Cadre intermédiaire chez CanWest, Steve ressent quant à lui une anxiété diffuse, malgré sa récente promotion. "Comme si j'avais une épée de Damoclès au-dessus de la tête", confie-t-il. Pas très motivant pour l'équipe qu'il dirige.

Steve et Carole sont des survivants. Ils vivent un deuil. Notre sympathie va naturellement vers ceux qui ont perdu leur emploi, nombreux ces derniers temps, si bien qu'on oublie souvent que, pour chaque employé remercié, des dizaines d'autres se demandent s'ils seront les prochains.

Comment communiquer avec eux et les mobiliser ? Comment les amener à ramer dans le bon sens pour sortir de la crise ?

Le défi est d'autant plus grand que les employeurs du Québec affronteront, en 2011, le pic d'une grave pénurie de main-d'oeuvre. Regretteront-ils alors certains de leurs gestes ?

"La loyauté de vos employés dépendra de votre gestion de la crise", avertit Michel Tremblay, titulaire de la Chaire de commerce Omer DeSerres de HEC Montréal.

Ce professeur et une demi-douzaine d'autres experts en gestion des ressources humaines étaient conférenciers au colloque Pour faire face à la crise économique : le rôle crucial des ressources humaines, organisé à Montréal le 3 février par l'Ordre des conseillers en ressources humaines. Ils se sont alors penchés sur les défis de communication et de mobilisation auxquels font face les employeurs en période de récession.

Leur message se résume à trois mots clés : empathie, transparence et responsabilisation. Autrement dit, lorsque vous annoncez des réductions d'effectif ou des gels ou des baisses de salaire, faites preuve d'humanité, donnez l'heure juste et faites participer les survivants à la reconstruction.

"Vous devez vous organiser pour que vos employés comprennent et acceptent vos décisions, même s'ils ont le droit de les désapprouver et d'être en colère", signale Louis-Philippe Péloquin, qui dirige la pratique de conseil en communication chez Morneau Sobeco.

La note de service annonçant un gel des salaires que Barack Obama a envoyée, dès le lendemain de son assermentation, à ses hauts fonctionnaires de la Maison-Blanche, est un modèle à cet égard, dit-il.

Promesses reniées

Le premier rôle du service des ressources humaines consiste à définir avec la haute direction les messages clés à communiquer aux employés. Ces messages doivent être transmis de façon uniforme. Pour aider les gestionnaires à bien les communiquer , faites-les participer à la réflexion, suggère M. Péloquin. "S'ils trouvent eux-mêmes les bonnes façons de dire les choses, ils seront plus à l'aise et deviendront de bonnes courroies de transmission."

Rappeler l'historique de l'entreprise, le contexte et la rémunération globale peut atténuer l'impact des mauvaises nouvelles, poursuit M. Péloquin. "Quand on annonce un gel de salaires, par exemple, c'est le bon moment de mettre l'accent sur les éléments non pécuniaires de la rémunération qu'offre l'entreprise. Car les gels ou les coupes sont souvent vécus comme des ruptures de promesses."

Quoi dire et ne pas dire, et qui doit le dire ? "Les messages généraux doivent venir de la haute direction. Mais lorsque les décisions ont été déléguées aux cadres intermédiaires - c'est-à-dire lorsqu'il leur appartient de décider où et qui ils sabrent - ce sont eux qui doivent justifier leurs gestes devant leur équipe, en les informant de façon honnête et transparente des critères qu'ils ont appliqués."

La pire chose à faire est de leur donner des raisons bidon, poursuit M. Péloquin. Les gens ne sont pas dupes. Rappelez-vous qu'aucune communication, aussi réussie soit-elle, ne peut corriger une mauvaise gestion. "Aucun expert en communication ne pourra enrober vos gaffes", lance-t-il.

Une perte de sens

Encore plus difficile que la communication, gérer les survivants demande un certain degré d'intelligence émotionnelle et des efforts soutenus. Si certains de vos gestionnaires sont incompétents sur le plan relationnel, c'est maintenant que cela fera mal, prévient Michel Tremblay.

On ne peut surestimer l'aspect démobilisateur de la décroissance. "Les gens réagissent comme si on les avait amputés d'un membre", analyse Ghislaine Labelle, psychologue organisationnelle et présidente du Groupe conseil SCO. Elle a notamment été consultée par Bell Canada lors des vagues de licenciements, à la fin des années 1990. Pénible, se souvient-elle. Les employés - de même que les gestionnaires - éprouvent une perte de sens, poursuit-elle.

Première façon de mobiliser les employés : tenir des séances d'information et de rétroaction. "Soyez à l'écoute et permettez à vos employés de s'exprimer. Cela aide à maintenir un niveau de confiance élevé", dit Mme Labelle.

Miser sur des projets à forte valeur ajoutée est la clé de mobilisation. D'où l'importance pour la haute direction de reconnaître rapidement ces projets porteurs. Une opération de recentrage est essentielle. Ensuite, les gestionnaires doivent activer des mécanismes de rassemblement, comme une fête pour souligner des réussites ou la création d'un blogue. "Communiquer sur les objectifs à long terme réduit l'insécurité", note Ghislaine Labelle.

De plus, les experts en ressources humaines recommandent de ne pas sabrer dans la formation. Ils prêchent sûrement pour leur paroisse, mais ils ont raison de souligner que le développement des compétences a un effet mobilisateur.

Leaders émergents

Certains de ces survivants devront vraisemblablement assumer de nouvelles tâches du fait de la réorganisation du travail. Cette surcharge peut être transformée en occasion de croître. "Donnez-leur plus de marge de manoeuvre dans leurs nouvelles responsabilités", ajoute M. Tremblay. Et du soutien.

Si vos antennes sont sensibles, la crise vous permettra aussi de reconnaître des leaders émergents, ceux qui font preuve de résilience. Ils pourront vous aider à tisser le réseau social de l'entreprise, ce qui vous donnera, sur le plan du capital humain, des bases solides pour mieux rebondir.

suzanne.dansereau@transcontinental.ca

À la une

Le Québec pâtira-t-il de la guerre commerciale verte avec la Chine?

17/05/2024 | François Normand

ANALYSE. Les producteurs d’acier craignent que la Chine inonde le marché canadien, étant bloquée aux États-Unis.

Bourse: Wall Street finit en ordre dispersé, le Dow Jones clôture au-dessus des 40 000 points

Mis à jour le 17/05/2024 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de New York a terminé en ordre dispersé.

À surveiller: AtkinsRéalis, Boralex et Lightspeed

17/05/2024 | Charles Poulin

Que faire avec les titres AtkinsRéalis, Boralex et Lightspeed? Voici des recommandations d’analystes.