Les start-ups technos et les brevets, un mariage de raison

Publié le 17/03/2012 à 00:00, mis à jour le 21/03/2012 à 11:00

Les start-ups technos et les brevets, un mariage de raison

Publié le 17/03/2012 à 00:00, mis à jour le 21/03/2012 à 11:00

Le 29 février, Samsung s'est portée acquéresse d'une licence d'un brevet relatif à la télévision 3D appartenant à la montréalaise Sensio. Si cette dernière, fondée en 1999, n'a pas hésité à investir dans les brevets au cours de ses premières années d'existence, de nombreuses entreprises en démarrage (start-ups) ne suivent pas son exemple.

Certaines jeunes pousses considèrent le système de brevets comme un frein à l'innovation ; mais dans les faits, ce sont davantage les coûts que les principes qui les font fuir. En règle générale, le processus menant à l'obtention d'un brevet américain ou canadien coûtera de 10 000 à 20 000 $. À ce prix, une entreprise ne pourra protéger son invention que dans un pays. Faire reconnaître un brevet à l'échelle mondiale, par ailleurs, est une opération dont le prix se situe dans les six chiffres.

Une question de gros sous

Fondée en janvier 2011, la montréalaise Miralupa a développé une plateforme permettant de générer une aire de jeu virtuelle accessible à partir de plusieurs types de téléphones intelligents. Les cofondateurs de l'entreprise ont songé à déposer un brevet pour protéger leur plateforme. La start-up entièrement financée par ses fondateurs et leurs proches n'est pas allée de l'avant, faute de liquidités. «C'est un système qui est inaccessible financièrement pour une entreprise comme la nôtre ; même si on avait les moyens de faire la démarche, encore faudrait-il être en mesure de défendre notre brevet par la suite», explique Mathieu Dupont, directeur des technologies.

Lorsque la cofondatrice de Trioniq, Mireille Jean, s'est intéressée pour la première fois aux brevets dans les années 1990, elle a aussi été refroidie par les sommes nécessaires. Mireille Jean a néanmoins décidé d'investir et ne l'a jamais regretté. L'un de ses brevets, délivré en 1999, portait sur un système permettant de changer une carte amovible sans ouvrir le boîtier d'un ordinateur. À lui seul, ce brevet lui a permis de vendre plusieurs licences. En 2007, elle a vendu son portfolio de brevets à IBM, puis elle a publié Innover c'est bien... breveter c'est mieux, un livre visant à encourager les PME à breveter leurs inventions. «Il faut voir les brevets comme un bien immobilier. Si on ne s'en sert pas, c'est évidemment trop cher, mais si on brevette pour les bonnes raisons, ça peut rapporter beaucoup», explique la femme d'affaires. Elle ne dévoile pas le montant que les siens lui ont rapporté, mais elle se dit «très satisfaite».

Breveter large

«L'important, c'est de bien choisir ses brevets, de s'assurer qu'ils soient assez larges pour protéger efficacement la technologie de l'entreprise», explique Laurence Loumes, agente de brevets chez Fasken Martineau. L'avocat Bernard Colas, du cabinet CMKZ, abonde dans le même sens : «Il faut définir un brevet en faisant en sorte que ce qu'il couvre soit le plus vaste possible, et idéalement, il faut le déposer là où on compte commercialiser son produit et là où des concurrents ont des activités manufacturières.»

Pour être en mesure de protéger une invention, il ne suffit pas de se voir accorder un brevet solide. Il faut également être en mesure de le défendre. «Lorsqu'on cherche à vendre une licence, il faut être extrêmement bien préparé, explique Nicholas Routhier, pdg de Sensio. Il faut s'attendre à ce qu'on remette en question le brevet, et il faut avoir les réponses à toutes les questions.»

Entre le moment où Sensio s'est rendu compte que Samsung empiétait sur son brevet et l'annonce du règlement, quelque 18 mois se sont écoulés. Si David a réussi à conclure avec Goliath, ce n'est pas grâce à un quelconque lance-pierre, mais parce qu'il n'a tout simplement jamais attaqué le géant : «Il faut se montrer positif quand on aborde une entreprise pour lui vendre une licence, estime Nicholas Routhier. Dans notre cas, nous voulons établir des partenariats à long terme.»

SURVIVRE À LA GUERRE DES BREVETS

1 Gardez jalousement le secret de votre invention avant de déposer un brevet pour la protéger, car le simple fait d'en avoir parlé publiquement pourrait vous empêcher d'obtenir un brevet en Europe.

2 Si vous constatez qu'une entreprise viole l'un de vos brevets, abordez-la comme s'il s'agissait d'un client potentiel. Votre but devrait être de lui vendre une licence et d'éviter à tout prix de vous embourber dans un coûteux procès.

3 Si vous n'avez pas les liquidités nécessaires pour faire breveter votre invention à l'échelle mondiale, contentez-vous de le déposer dans un premier pays. Vous disposerez ensuite d'une période de grâce d'un an durant laquelle vous pourrez breveter votre invention ailleurs, tout en conservant votre date de dépôt initiale.

4 Ne déposez pas de brevets si vous ne croyez pas pouvoir vous en servir.

5 Avant de confier un mandat à un agent de brevets, vérifier qu'il a l'expertise nécessaire pour comprendre votre technologie.

6 Le processus comporte de nombreuses étapes qui s'échelonnent généralement sur plusieurs années. De manière à étaler dans le temps les déboursés qui s'imposent, profitez de tous les délais qui s'offrent à vous.

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