«Le monde est source de chaos, et le chaos est riche de possibilités»

Publié le 18/05/2013 à 00:00

«Le monde est source de chaos, et le chaos est riche de possibilités»

Publié le 18/05/2013 à 00:00

Par Diane Bérard

L'entrevue no 155

Zean Nielsen

PRÉSIDENT BANG & OLUFSEN AMÉRIQUE

À 23 ans, le Danois Zean Nielsen était choisi, parmi des milliers de candidats, pour occuper le poste de directeur du marketing du fabricant de matériel haut de gamme Bang & Olufsen. Aujourd'hui âgé de 35 ans, il dirige B&O Amérique (Canada, États-Unis, Mexique). La créativité n'est pas réservée aux gens de marketing, insiste-t-il. Les dirigeants aussi peuvent, et doivent, se montrer créatifs.

Diane Bérard - On vous décrit comme «une machine à idées». Comment vous viennent-elles ?

Zean Nielsen - Le monde est une source constante de chaos. Plusieurs s'en plaignent. Moi, je trouve le chaos riche de possibilités. Je suis une sorte de machine à solutions. C'est génétique, je crois. Mon grand-père et mon père étaient entrepreneurs. Des solutions, ils devaient en trouver tous les jours.

D.B. - Vous censurez-vous ?

Z.N. - Pas assez ! Et, parfois, cela met de la pression sur l'organisation. J'essaie donc d'encadrer ma créativité. Je n'envoie plus de courriels dès qu'une idée me vient. J'ai placé un calepin à côté de mon lit pour y noter mes réflexions. Au réveil, je trie et je décide ce que je présenterai à mon équipe de direction. Toutes mes idées passent d'abord par le filtre de mes collaborateurs. Je compte sur eux pour me dire si elles sont stupides ou brillantes.

D.B. - Vous aviez 23 ans lorsque B&O vous a promu directeur du marketing. Est-ce la norme dans cette entreprise de miser sur la jeunesse ?

Z.N. - Non. Mon prédécesseur avait le double de mon âge. On m'a offert une occasion, je l'ai saisie.

D.B. - Vous êtes aujourd'hui président. En quoi la créativité d'un président diffère-t-elle de celle d'un directeur du marketing ?

Z.N. - La créativité du président est à la fois plus encadrée et plus libre. Plus encadrée parce que je dois tenir compte de l'ensemble des besoins et des défis de l'organisation. Le directeur du marketing ne se soucie que de marketing. Et puis, au marketing, on pratique une créativité «de création», alors que la direction pratique une créativité «d'exécution». Par contre, la créativité du président est plus libre, parce qu'il a le pouvoir de changer le cadre et les règles. Je peux faire sauter certaines barrières pour permettre à mes projets de se réaliser.

D.B. - Comment une entreprise peut-elle évaluer la créativité d'un candidat ?

Z.N. - La créativité se mesure à la façon d'envisager un problème. Mon épouse travaille pour le service des Postes américain. Confrontée à des problèmes financiers et à l'impossibilité de hausser le prix des timbres, la direction a dû se creuser la tête. La solution facile aurait été de licencier des employés. La solution créative consista à revoir tous les itinéraires des facteurs pour réduire les coûts de carburant.

D.B. - On répète sans arrêt que les organisations s'arrachent les candidats créatifs pour ensuite tuer leur créativité. Qu'est-ce qui tue la créativité et l'innovation ?

Z.N. - La gouvernance, les règles et les rapports. Tant de réunions font jaillir des tas de bonnes idées pour les tuer aussitôt avec la phrase «allons les présenter à la direction pour approbation» ! Du coup, l'enthousiasme disparaît.

D.B. - En quoi les entreprises errent-elles lorsqu'il est question de créativité et d'innovation ?

Z.N. - Au Canada, je l'ignore. Mais dans les entreprises américaines, on attribue systématiquement le mérite aux cadres. Rarement aux employés. Laissons briller les employés, attribuons-leur le mérite de leurs idées. Ils seront plus créatifs.

D.B. - En 2004, bien avant l'avènement des médias sociaux, vous évoquiez l'importance de se rapprocher des consommateurs. Que vouliez-vous dire ?

Z.N. - Je parlais de susciter la loyauté. Plus on se rapproche de ses clients, plus ils sont loyaux. Les médias sociaux peuvent nous aider à nous rapprocher de notre clientèle, à condition de ne pas les utiliser comme un moyen de communication. Or, c'est le réflexe de la plupart des entreprises, communiquer avec les consommateurs au moyen des médias sociaux. Ça, c'est de la publicité. Et la publicité ne crée pas de proximité. On se rapproche des gens quand on les écoute, pas quand on leur parle.

D.B. - Que veulent vos clients ?

Z.N. - Ils sont exigeants. Tous les clients le sont, certes. Et ils ont chacun leurs contraintes. Parfois, c'est l'argent. Les nôtres, c'est le temps. Le travail et les déplacements leur grugent plusieurs heures chaque semaine. Le côté pratique de leurs achats importe donc davantage que le prix. C'est pourquoi nous allons chez eux installer les appareils B&O qu'ils achètent. Et nous les raccordons à tous les appareils de leur choix.

D.B. - Quel est le principal défi d'innovation des détaillants ?

Z.N. - Ils doivent trouver comment combiner «les briques et les clics», c'est-à-dire éviter que les consommateurs reluquent en magasin et achètent en ligne. Les plateformes doivent se compléter, pas se cannibaliser. Chez B&O, lorsque vous achetez un produit sur notre site, une partie du profit est versée au détaillant B&O de votre région. Celui-ci vous appelle pour vous remercier et vous informer que c'est sa succursale qui vous fournira le service après-vente. Il me semble normal, lorsque vous achetez un produit haut de gamme, que le suivi soit fait par un être humain, et non en ligne. On bâtit une marque en dépassant les attentes des clients.

D.B. - Comment B&O voit-elle l'innovation ?

Z.N. - Jadis, il fallait tout créer nous-mêmes, dans nos installations. Aujourd'hui, seulement 15 % de nos collaborateurs en R-D travaillent chez nous. Nous combinons leur expertise à celle de collaborateurs extérieurs.

D.B. - L'an dernier, vous avez lancé la gamme B&O Play. De quoi s'agit-il ?

Z.N. - Il s'agit d'une gamme plus abordable que nos produits classiques. Nous voulons rejoindre une clientèle plus jeune - la génération Apple. Nous avons donc modifié en conséquence notre design et notre distribution. Ces produits ont été conçus par des designers de l'univers de la mode, du mobilier et de l'art. Et ils seront vendus à l'intérieur de magasins que cette clientèle fréquente. Le premier îlot canadien B&O Play a été inauguré ce mois-ci, à Laval, dans le magasin Fillion Électronique.

D.B.- Au coeur de la récession, vous avez inauguré un magasin à Beverly Hills et un autre à Miami. Vos affaires sont-elles si bonnes ?

Z.N. - La récession a laissé plusieurs espaces vacants. B&O ouvrira quatre magasins en Floride au cours des 12 prochains mois. Le chaos est porteur d'occasions d'affaires.

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