La Suède boude les pompes

Publié le 01/11/2009 à 00:00

La Suède boude les pompes

Publié le 01/11/2009 à 00:00

PHOTO : www.okidoki.se (LINKÖPING) / BLOOMBERG (GÖRAN PERSSON)

D'ici vingt ans, les véhicules y rouleront à l'éthanol et les bâtiments y seront chauffés et éclairés par l'énergie tirée de déchets agricoles. La Suède vous souhaite la bienvenue au 21e siècle.

Linköping pourrait bien devenir l'éden environnemental de l'Europe. Cette ville, une des plus importantes de Suède, a entrepris un virage vert foncé à 180 degrés. Non seulement a-t-elle mis sur rail le seul train du monde qui fonctionne au biogaz, mais ses autobus et la plupart des voitures qui y circulent roulent déjà au moyen de ce combustible. Et ce n'est pas tout : une partie de la ville est alimentée par l'énergie obtenue par le recyclage des déchets agricoles.

Une exception ? Non. En Suède, les municipalités aux ambitions environnementales sont légion. En fait, depuis que le premier ministre suédois, Göran Persson, a annoncé, en octobre 2005, que la Suède ne dépendrait plus du pétrole à partir de 2020, les initiatives vertes se multiplient. L'objectif est ambitieux. "Le gouvernement suédois veut réduire de moitié la consommation de pétrole" en une quinzaine d'années, dit Inger Strömdahl, directrice de la Confédération des entreprises suédoises. Elle ajoute aussitôt que le pays devrait être "totalement indépendant du pétrole en 2030". Rien de moins.

Irréaliste ? En lançant ce projet, Göran Persson est convaincu du contraire. Car quelques semaines après son annonce, le premier ministre met sur pied une commission, qu'il préside personnellement, qui étudiera les moyens de s'affranchir de l'or noir. Ce comité, constitué de huit membres, comprend aussi bien des PDG de grandes sociétés - dont celui de Volvo - et des spécialistes des énergies renouvelables que des universitaires. Comme le soutenait la ministre suédoise du Développement durable de l'époque, Mona Sahlin, l'objectif est on ne peut plus clair : "Libérer notre pays des combustibles fossiles nous procurerait d'énormes avantages, à commencer par la réduction de l'impact des fluctuations des prix du pétrole, qui ont triplé depuis 1996".

L'initiative s'appuie sur un historique énergétique propre à la Suède. Durement frappé par le premier choc pétrolier de 1973, ce pays scandinave n'a eu d'autre choix que de diversifier ses sources d'énergie. Ce qu'il a fait avec succès. Le pourcentage de pétrole dans la consommation d'énergie est passé de 70 % en 1970 à 30 % aujourd'hui. Pour y parvenir, la Suède s'est attaquée à la problématique de deux façons. D'abord, elle a rendu la consommation de pétrole désavantageuse. À titre d'exemple, cette taxe de 43 dollars canadiens par tonne de CO2, instaurée en 1991. Celle-ci atteint aujourd'hui 170 dollars canadiens et devrait grimper encore. De quoi rendre l'utilisation du mazout inabordable pour les ménages. Ensuite, le gouvernement a favorisé l'essor de la technologie en soutenant la recherche et le développement. La Suède est d'ailleurs passée maître dans la transformation des matières résiduelles.

Cependant, la partie est loin d'être gagnée. Comme l'explique Inger Strömdahl à Commerce, le défi principal consiste à débloquer suffisamment de ressources financières pour se départir définitivement du pétrole dans le secteur des transports, qui est sans l'ombre d'un doute la bête noire de la consommation d'hydrocarbures. À lui seul, il représente les deux tiers de la consommation de pétrole. C'est donc l'ensemble du parc automobile suédois qui devrait être remplacé d'ici vingt ans. On s'en doute, la recherche et développement est la pierre d'assise de cette initiative : "Il faut développer de nouveaux véhicules et aussi de nouvelles énergies pour les alimenter", ajoute Inger Strömdahl.

Pour remplacer le pétrole, la Suède mise sur l'éthanol. Et déjà, elle est le premier pays européen consommateur de cet agrocarburant. Quiconque visite Stockholm, la capitale, sait que les autobus y roulent au bioéthanol pur. Actuellement, l'E-5 - 95 % de pétrole, 5 % d'éthanol - est l'agrocarburant préféré des automobilistes. À noter : les "flex-fuel", ces véhicules qui peuvent être alimentés par un carburant composé à 85 % d'éthanol, roulent déjà sur les routes suédoises, et leur vente augmente. Péages urbains à l'entrée de la capitale, stationnement gratuit pour les véhicules moins polluants... Lors de sa visite, le journaliste de Commerce a constaté que tout a été mis en place pour favoriser cette conversion.

Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Pas nécessairement. Car voilà, l'éthanol crée une nouvelle dépendance. Près de 80 % du biocarburant vient de la canne à sucre cultivée au Brésil. Pour Inger Strömdahl, "il faut comprendre et accepter que le secteur des transports soit totalement dépendant de ce qui se fait ailleurs dans le monde", aussi bien sur le plan technologique qu'énergétique. Du coup, on doit s'adapter en conséquence. La solution envisagée : miser sur les matières issues des forêts suédoises, qui couvrent une vaste superficie du territoire. Des usines-pilotes qui recyclent les résidus forestiers ou le méthane provenant des déchets organiques fonctionnent déjà.

Et ce n'est pas l'unique défi que la Suède devra affronter. "La crise économique a fortement ébranlé le milieu des affaires et a repoussé à plus tard l'investissement dans les énergies renouvelables", admet Inger Strömdahl. Qu'à cela ne tienne ! Le gouvernement va de l'avant avec son plan visionnaire. Loin de considérer la fin du pétrole comme une fatalité, ce pays scandinave voit plutôt ce coûteux virage vert comme un investissement et une stratégie économique rentables à long terme.

Ola Alterå, le secrétaire d'État au ministère suédois des Entreprises et de l'Énergie, a confié à Commerce : "Il est clair qu'en élaborant une loi [environnementale], nous évaluons l'avantage concurrentiel que cela donne à la Suède et à ses entreprises". Car le savoir-faire et les connaissances technologiques que la Suède développe à l'heure actuelle seront autant de fers de lance lorsque le prix du pétrole atteindra des sommets inégalés. Et cela, le petit pays scandinave l'a compris.

ulysse.bergeron@transcontinental.ca

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