Freiner l'exode des avocates

Publié le 10/03/2012 à 00:00

Freiner l'exode des avocates

Publié le 10/03/2012 à 00:00

Les avocates sont nombreuses à quitter leur emploi dans les grands cabinets avant même d'être promues associées. Une fuite qui incite les firmes à changer leurs manières de faire pour les retenir.

Après six ans de pratique, Stéphanie Raymond-Bougie a renoncé à sa carrière dans un grand cabinet montréalais. Pourtant, la jeune avocate dans la trentaine facturait ses clients 350 $ de l'heure. C'était en 2010.

Pourquoi être partie ? «Parce que je ressentais le besoin de m'investir davantage dans la communauté. J'avais plusieurs autres projets en marge de ma carrière, explique-t-elle. Et mon travail dans un grand cabinet était trop prenant : je ne faisais que travailler et travailler.»

Aujourd'hui, celle qui a fondé la halte-garderie Parenthèses Montréal pratique le droit des PME à temps partiel, à son compte.

«Je facture beaucoup moins qu'auparavant. Par contre, je peux m'occuper de mes enfants et réaliser mes nombreux projets tout en travaillant», ajoute Mme Raymond-Bougie.

Un problème généralisé

Le cas de cette jeune avocate illustre bien la calamité qui mine les cabinets de grande et de moyenne tailles au Québec : l'exode des cerveaux féminins.

Les raisons invoquées à leur départ sont nombreuses, dont le besoin d'une meilleure conciliation travail-famille et des horaires moins chargés. Or, les cabinets peinent à les accommoder, et ce, même si les femmes sont plus nombreuses que jamais à embrasser la profession d'avocate. Aujourd'hui, elles représentent près de la moitié des avocats du Québec et jusqu'à 65 % des finissants.

«Pourtant, leur présence dans la pratique n'est pas une réalité partout : les femmes représentent seulement 30 % des avocats en pratique privée et seulement 20 % des associés dans les cabinets, avance l'avocate Fanie Pelletier, conseillère à l'équité au Barreau du Québec. Lorsque la pratique ne reflète pas la réalité, il y a un problème», déplore-t-elle.

Le patron d'un des plus importants cabinets d'avocats abonde dans le même sens. «La rétention des avocates est un problème généralisé, reconnaît John Murphy, associé chez Borden Ladner Gervais (BLG). Elles partent après quelques années de pratique, ce qui pose un défi tout autant pour les retenir que pour promouvoir leur carrière», avance-t-il.

L'initiative aux avocates

Les grands cabinets ne sont pas les uniques responsables de l'exode des cerveaux féminins. Il revient également aux avocates de prendre des initiatives pour gravir les échelons, affirme Kim Thomassin, associée directrice, région du Québec, chez McCarthy Tétrault.

La gestionnaire dans la jeune quarantaine, mère d'une fillette de cinq ans, sait de quoi elle parle. Unique femme au Québec à occuper un poste de numéro un dans un cabinet d'envergure nationale, elle est la preuve vivante que les avocates peuvent atteindre le sommet, et ce, sans négliger leur progéniture. «Il est vrai que nous exigeons beaucoup de nos avocats, hommes et femmes, consent-elle. Les heures de bureau sont souvent très longues.»

De ce fait, certaines avocates de chez McCarthy Tétrault, épuisées par des horaires trop chargés, ont quitté le cabinet à la recherche d'un «meilleur équilibre de vie» selon leurs propres dires, précise-t-elle. Pourtant, elles avaient toutes le profil indiqué pour prendre du galon, assure Mme Thomassin. «Elles auraient pu devenir associées, mais elles sont parties trop tôt. Il arrive qu'elles abandonnent très rapidement», déplore celle qui s'investit à fond dans le projet Justicia, afin de favoriser l'avancement des jeunes avocates.

Au moins trois d'entre elles ont quitté McCarthy Tétrault en 2011, regrette Mme Thomassin. «Nous devons contribuer comme cabinet à arrêter ces départs, mais elles aussi», dit-elle.

Pistes de solutions

Kim Thomassin invite ses collègues féminines à faire preuve de plus de leadership afin d'améliorer leur environnement de travail. «Je les invite à prendre les choses en main. Par exemple, elles devraient apprendre à mieux répartir les tâches dans leur équipe.»

Un meilleur partage du travail leur permettrait de s'aménager un horaire plus convenable. Or, certaines avocates ont plutôt tendance à vouloir tout faire, toutes seules. Cela vient alourdir inutilement un emploi du temps déjà bien rempli.

Kim Thomassin suggère également aux jeunes avocates de prendre l'initiative et de verbaliser davantage leur désir de valorisation. «Si elles ont des idées pour développer de nouvelles affaires ou qu'elles ressentent le besoin de prendre plus de responsabilités, il faudrait qu'elles manifestent leur intérêt plus souvent. Nous sommes réceptifs», dit-elle.

LE PROJET JUSTICIA EN MARCHE

Dans l'espoir de freiner l'exode des femmes dans les grands bureaux d'avocats, le Barreau du Québec a lancé le projet Justicia l'été dernier. Ce projet vise, notamment, à revoir le modèle d'affaires des 23 cabinets participants. Car ce modèle d'affaires axé sur de très longues journées de travail et du réseautage en soirée - convient moins aux femmes, explique Mme Fanie Pelletier, du Barreau, coordonnatrice du projet.

«Il y a plusieurs façons de faire du développement de clientèle. Quand les clients potentiels sont des hommes, les activités plus traditionnelles golf, match de hockey et même partie de pêche peuvent moins bien convenir aux femmes et donc contribuer à les exclure d'un réseau», affirme Mme Pelletier.

Attirer des clients

Or, l'un des critères pour être promu associé est la capacité d'attirer des clients. «Il faut donc revoir les façons de faire des affaires et de pratiquer le droit, mais aussi les façons d'appliquer des critères de promotion pour faire en sorte de ne pas pénaliser les femmes», ajoute-t-elle.

BLG est l'un des cabinets québécois engagés dans cette initiative qui prend la forme d'une série d'échanges entre le Barreau et les cabinets participants. «Nous partageons nos expertises de manière à mettre en place les meilleures pratiques possibles en matière de congés parentaux, d'horaires de travail flexibles, explique M. John Murphy, associé chez BLG. Nous aidons aussi nos avocates à développer des habiletés de réseautage et de développement des affaires.»

Revoir les modèles d'affaires

Selon John Murphy, l'ensemble des cabinets québécois sont déterminés à ce que leurs avocates restent dans la pratique, gravissent les échelons et soient plus nombreuses à devenir associées. «Les résultats du projet Justicia se feront sentir à long terme. Mais le simple fait de parler de cette problématique est déjà très positif», dit-il.

La jeune avocate Stéphanie Raymond-Bougie salue aussi cette initiative. Il est grand temps que les cabinets revoient leur modèle d'affaires, croit-elle. «D'autant plus qu'avec l'avènement des avocats de la génération Y, qui exigent une meilleure qualité de vie, ce n'est plus seulement les femmes que les cabinets vont perdre. Ils risquent aussi de perdre les hommes», prévoit-elle.

48 % Pourcentage des femmes inscrites au Barreau du Québec. On y dénombre 23 709 membres, soit 12 257 hommes (52%), et 11 452 femmes (48%).

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