Exportateurs, gare aux risques politiques

Publié le 05/09/2009 à 00:00

Exportateurs, gare aux risques politiques

Publié le 05/09/2009 à 00:00

Le géant minier Rio Tinto brasse des affaires partout dans le monde. On pourrait penser que rien ne peut surprendre une entreprise de cette envergure. Pourtant, aurait-elle pu prévoir que les autorités chinoises arrêteraient, le 5 juillet dernier, quatre de ses employés pour cause d'espionnage et de corruption au profit d'un pays étranger ?

Les motifs de ces arrestations restent flous, mais certains observateurs prétendent qu'il s'agit d'un avertissement envoyé par Beijing parce que Rio Tinto aurait voulu briser un cartel qui contrôle le prix du minerai de fer en Chine.

Cet événement est un bel exemple de risque politique, c'est-à-dire une menace, plus ou moins prévisible, découlant de la décision d'un gouvernement d'arrêter des employés de firmes étrangères, de nationaliser des éléments d'actif ou d'adopter des mesures protectionnistes.

Dangers d'expropriation en Russie

Le risque politique varie d'un pays à l'autre, et les pays développés n'en sont pas exempts.

Par exemple, aux États-Unis, les mesures protectionnistes encadrant l'octroi des contrats pour les projets d'infrastructure constituent une menace pour les entreprises canadiennes.

Bien entendu, les risques politiques ne sont pas aussi élevés aux États-Unis qu'en Russie, où la corruption est endémique.

En juin, le fabricant suédois de meubles Ikea indiquait d'ailleurs qu'il suspendait tous ses investissements en Russie, déplorant la lourde bureaucratie de ce pays.

Pierre Fournier, analyste géopolitique à la Financière Banque Nationale, estime que les entreprises doivent être prudentes avant de s'établir en Russie en raison du risque d'expropriation. " Il est préférable de ne pas investir dans les infrastructures ou les secteurs stratégiques ", dit-il.

Des multinationales comme Shell l'ont appris à leurs dépens. En 2006, Moscou l'a forcée à céder le contrôle du projet pétrolier et gazier Sakhalin-2 à son géant énergétique Gazprom, qui y avait une participation minoritaire au départ.

Zones floues en Chine

Bien que les spécialistes ne jugent pas la Chine comme un pays problématique pour les investisseurs étrangers, il compte quand même sa part de risques politiques.

Outre l'instabilité que créent les fréquentes émeutes, le principal danger tient aux différences fondamentales entre les cultures bureaucratiques et d'affaires de la Chine et des pays occidentaux.

" Rien n'y est blanc ou noir, tout est gris, et donc sujet à interprétation ", dit le représentant d'une grande société canadienne présente en Chine depuis plusieurs années mais qui préfère garder l'anonymat.

Kevin Kajiwara, directeur des marchés globaux chez Eurasia Group, une firme new-yorkaise spécialisée en gestion du risque politique, souligne que certains secteurs de l'économie chinoise sont plus à risque que d'autres. " C'est de notoriété publique que le secteur du fer est difficile et complexe ", dit-il.

Alerte au terrorisme en Inde

En Inde, le principal risque tient à un possible affrontement avec le Pakistan.

Mais à court terme, c'est le risque de nouveaux attentats terroristes, comme ceux qui ont ensanglanté Mumbai en novembre 2008, qui est sur l'écran radar des entreprises étrangères présentes en Inde. " C'est notre principal risque politique ", confirme Lorne Gorber, vice-président aux communications et aux relations avec les investisseurs de CGI. La firme-conseil compte trois bureaux en Inde.

Des stratégies pour éviter les problèmes

Même si les risques politiques sont parfois difficiles à évaluer, les entreprises peuvent limiter leur exposition. Mais il faut faire ses devoirs, prévient Kevin Kajiwara. " Il faut s'informer autant que possible sur les pays où on compte être présent. "

Pierre Fournier explique pour sa part qu'il est possible de réduire son exposition aux risques dans un pays en s'assurant d'y avoir de bonnes relations avec les principales forces politiques.

" Si un investisseur n'a développé des contacts qu'avec un seul groupe, il peut devoir renégocier ses contrats si ce groupe perd le pouvoir ", précise M. Fournier.

Les entreprises peuvent aussi souscrire une assurance risque politique, comme on le fait pour se protéger contre le vol de son véhicule.

" La prime représente environ 1 % de la valeur des marchandises ", indique Paul Flanagan, président de Euler Hermès Canada, filiale du géant français de l'assurance crédit pour les exportateurs.

Ce type de police n'est valable que pour une expédition. Il couvre des risques comme le non-paiement, si, par exemple, un gouvernement interdit à votre client de se procurer des dollars américains pour vous payer.

Les expropriations de marchandises et les embargos sont aussi couverts par ce type d'assurance.

Des pays risqués sur le plan politique

Chine

Russie

Inde

Turquie

Algérie

Arabie Saoudite

Niger

Congo

Source : Source: Foreign Policy / The Fund for Peace

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Nationalisation, faillite d'un fournisseur, terrorisme, crise financière : les entreprises et les investisseurs canadiens sont exposés à de multiples risques. Nous amorçons une série de quatre reportages mensuels visant à mieux faire connaître ces risques et à proposer des stratégies pour les gérer.

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