Année faste pour les pdg

Publié le 14/05/2011 à 00:00

Année faste pour les pdg

Publié le 14/05/2011 à 00:00

Par Marie-Claude Morin

La crise est bel et bien finie. Du moins, c'est ce que la rémunération des dirigeants de 50 des plus importantes sociétés québécoises laisse croire. Après une pause en 2009, la rémunération moyenne des pdg québécois a crû de 21,6 % en 2010, selon une compilation réalisée par Les Affaires. Au total, ils se sont partagé 161,8 M$.

Au sommet de notre classement cette année, Glenn Chamandy, pdg de Gildan. Le fabricant de vêtements de sport a connu une bonne année 2010, réussissant entre autres à majorer ses prix pour compenser la hausse du prix du coton. Afin de " reconnaître l'importance extraordinaire de M. Chamandy pour le succès de la Société et pour l'atteinte des objectifs du plan stratégique à long terme ", le conseil d'administration lui a accordé un octroi spécial d'unités d'actions et d'options, ce qui a fait bondir sa rémunération globale de 547 % par rapport à 2009.

Parmi les entreprises qui offrent des hausses importantes, on compte des sociétés à différentes étapes de leur relance ou de leur repositionnement. C'est le cas notamment de Mega Brands (+ 278 % à Marc Bertrand), de Yellow Média, aussi connue sous le nom du Groupe Pages Jaunes (+ 142 % à Marc Tellier), de Tembec (+ 123 % à James Lopez), d'AbitibiBowater (+ 117 % à David Paterson) et de Fibrek, auparavant appelée SFK Pâte (+ 45 % à Pierre Gabriel Côté).

Les observateurs s'attendaient à ce que les entreprises soulèvent le pied du frein, mais pas à ce point. " Les dirigeants ont repris ce qu'ils avaient perdu durant la crise. Ils ont fait leur mea-culpa en 2008 et 2009, mais maintenant que l'économie semble reprendre, ils recommencent à empocher ", constate Réjean Nguyen, analyste en gouvernance au Groupe investissement responsable. À preuve que les remords sont chose du passé, M. Nguyen n'a pas souvenir d'un pdg au Canada ou aux États-Unis qui ait refusé sa prime en 2010, ce qui se voyait durant la crise.

" Les hausses dépassent les rendements boursiers et, clairement, les augmentations de salaire des employés ", constate Robert Walker, vice-président de Placements NEI, la coentreprise de Desjardins qui gère des fonds éthiques.

De façon générale, Yvan Allaire, président du conseil de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques, s'étonne que la rémunération des pdg ne reflète pas davantage la taille et la complexité des entreprises qu'ils dirigent. " Bombardier, par exemple, oeuvre dans une industrie complexe où la concurrence est acharnée. Ce n'est pas le cas de toutes les sociétés du classement ", dit celui qui fut vice-président exécutif de Bombardier, de 1996 à 2001.

M. Walker déplore pour sa part l'absence de lien clair entre la performance et la rémunération. Les entreprises fournissent plus d'explications depuis l'adoption croissante du vote consultatif sur la rémunération, mais certaines circulaires manquent encore d'objectifs précis. " Nous souhaitons une meilleure divulgation des objectifs de performance et des résultats atteints. Pour le moment, c'est très souvent difficile de rapprocher le degré d'atteinte des cibles et la rémunération accordée ", dit-il.

Retraite : des changements

La vague de conversion des régimes de retraite commence à atteindre tranquillement les plus hauts dirigeants. Trois entreprises, Fibrek, Tembec et Transcontinental, sont passées d'un régime à prestations déterminées à un régime à cotisations déterminées. Elles s'ajoutent à Gildan et au Groupe Aéroplan, qui ont déjà un tel régime. Pour leur part, Cominar, Dorel, Genivar et Mega Brands n'ont aucun régime de retraite, alors que Dollarama contribue à peine 3 000 $ par année au régime de chacun de ses hauts dirigeants. C'est le même montant que Dollarama verse à ses autres employés admissibles.

Des changements logiques aux yeux de M. Allaire : " Les régimes de retraite béton ont été instaurés dans un univers où les salaires et les primes étaient plus modestes, mais où la sécurité d'emploi et de retraite était élevée. Depuis, les dirigeants se sont mis à beaucoup s'enrichir grâce aux octrois d'actions et d'options. "

Sans compter que les valeurs présentées dans les circulaires de la direction risquent de sous-estimer les obligations réelles qu'auront à assumer les entreprises en vertu de leur régime à prestations déterminées, ajoute Michel Magnan, professeur à l'École de gestion John-Molson. D'abord, la rémunération des pdg fait souvent un bond durant leurs dernières années en poste. Or, celle-ci détermine les prestations de retraite. Ensuite, la clause de conjoint survivant prolonge de plusieurs années les prestations à verser lorsque le dirigeant est marié à une femme beaucoup plus jeune que lui. Notons que tous les pdg de notre classement sont des hommes.

Apparition de clauses de récupération

À l'instar des sociétés américaines, certaines entreprises québécoises introduisent des clauses de récupération dans leur programme de rémunération. Appelées clawbacks chez nos voisins du Sud, ces clauses permettent à l'entreprise de récupérer en tout ou en partie les primes versées à un dirigeant en cas de fraude ; elles s'appliquent généralement aux primes qui auraient été inférieures si les états financiers avaient été correctement déclarés. Air Canada, la Banque Laurentienne, la Banque Nationale, BCE, le CN, Semafo, SNC-Lavalin et Yellow Média ont désormais une telle clause.

Ce nouveau garde-fou a toutefois moins d'incidence ici qu'aux États-Unis, nuance M. Magnan. " Ça paraît bien, mais ça n'a pas beaucoup d'impact dans le contexte canadien, à cause des longs délais des procédures. C'est différent aux États-Unis : les fraudeurs sont rapidement traînés devant les tribunaux et vont en prison. "

Encore et toujours plus complexes

Chaque année, les circulaires de la direction gagnent en volume, nouvelles règles de divulgation obligent. " C'est clairement plus long d'étudier les programmes de rémunération. Il y a plusieurs composantes et de plus en plus d'éléments à prendre en considération ", dit Réjean Nguyen, du Groupe investissement responsable.

Au fil des ans, les entreprises ferment leurs régimes de retraite et leurs régimes incitatifs à base d'actions ou d'options pour en élaborer de nouveaux. Comme elles doivent divulguer en détail tous ces régimes, ces changements n'ont rien pour simplifier la lecture de la circulaire.

" Une entreprise peut facilement se retrouver avec une dizaine de régimes. C'est extrêmement compliqué à comprendre, pour les actionnaires comme pour les administrateurs ", juge Michel Magnan.

" La majorité des actionnaires minoritaires aimeraient avoir un mot à dire sur la rémunération des dirigeants, mais les actionnaires majoritaires bloquent la motion. "

- Réjean Nguyen, analyste en gouvernance au Groupe investissement responsable

RÉMUNÉRATION TOTALE MOYENNE

En 2009

2 661 221 $

En 2010

3 236 807 $

Hausse de 21,63 %

Notre méthodologie

À partir des circulaires de la direction des sociétés, nous avons analysé la rémunération des pdg des 50 plus importantes entreprises, sur le plan de la capitalisation boursière, qui ont leur siège social au Québec. Ces entreprises ont terminé leur dernier exercice après le 29 août 2010 et ont publié leur circulaire de la direction au plus tard le 6 mai 2011. Notre classement présente les composantes de la rémunération, telles que détaillées dans la circulaire de la direction : le salaire de base, la valeur estimée des actions et des options octroyées pendant l'exercice, la prime en argent, la hausse de la valeur du régime de retraite (la variation attribuable à la rémunération) et les autres volets de la rémunération. Les habitués de notre compilation constateront l'absence des petites sociétés Goodfellow, Logistec, Mines Richmont et Sportscene. Leur exclusion n'est due qu'à une volonté d'inclure de plus grandes entreprises comme Osisko, Semafo et AbitibiBowater.

marie-claude.morin@transcontinental.ca

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