" La Chine n'est même pas à la table des discussions ! "

Publié le 01/11/2008 à 00:00

" La Chine n'est même pas à la table des discussions ! "

Publié le 01/11/2008 à 00:00

Par François Normand

Les pays développés doivent faire une place plus grande aux économies émergentes, en premier lieu la Chine, dans les institutions internationales, et ce, pour mieux gérer les crises financières, affirme l'ex-premier ministre libéral du Canada Paul Martin.

Dans un entretien accordé au journal Les Affaires, celui qui a été ministre des Finances du Canada de 1993 à 2002 écorche aussi au passage le gouvernement conservateur de Stephen Harper. Il lui reproche de n'avoir pas réagi assez vite pour soutenir les banques et l'économie canadienne.

Selon Paul Martin, il ne suffit pas d'avoir des solutions; il faut les mettre en oeuvre le plus rapidement possible pour maintenir la confiance des acteurs économiques, des particuliers aux banquiers en passant par les entrepreneurs.

Nous avons joint l'ancien premier ministre par téléphone alors qu'il s'apprêtait à prendre l'avion pour Washington.

Journal Les Affaires - La crise financière vous inquiète-t-elle et pourquoi ?

Paul Martin - Oui, absolument. D'une part, la croissance économique ralentissait déjà avant la crise, ce qui rend la situation actuelle plus difficile aujourd'hui. D'autre part, la crise financière a presque tué la confiance. Or, notre système s'appuie sur la confiance : celle que j'aurai un emploi demain; que je pourrai emprunter pour faire croître mon entreprise; que, si je suis un banquier et que j'accorde un prêt, je serai remboursé.

JLA - Le Canada semble épargné par la tourmente financière. Pourquoi ?

P.M. - Je pense qu'il y a deux raisons fondamentales à cela. Premièrement, le Canada n'est pas en déficit budgétaire, tandis que la majorité des autres pays développés le sont. Depuis une décennie, le Canada a bien géré ses finances publiques, même si nos surplus budgétaires ont malheureusement fondu.

Deuxièmement, le Canada n'a pas fait l'erreur de déréglementer son système bancaire. Au début de mon mandat de ministre des Finances [dans les années 1990], il y avait beaucoup de pression pour que nous fassions comme les États-Unis, qui accordaient plus de liberté à ses institutions financières. Non seulement nous avons refusé cette voie, mais nous avons aussi renforcé l'encadrement des banques canadiennes. C'est pour ça que nous sommes en meilleure position aujourd'hui.

JLA - Le premier ministre Stephen Harper a donc raison de dire que les autres pays auraient intérêt à s'inspirer de notre système bancaire.

P.M. - Absolument... Mais la seule chose que j'ajouterais, c'est qu'il ne devrait pas s'en attribuer le mérite [rires].

JLA - Que pensez vous du plan Harper : appui aux banques, discussion au sommet avec l'Europe, mini-budget qui sera déposé fin novembre 2009, participation au G20 et au G7, contrôle des dépenses et convocation des premiers ministres provinciaux ? Va-t-il assez loin dans le contexte actuel ?

P.M. - Le problème, c'est que le Canada suit le train. Oui, notre système et nos institutions sont solides. Mais il faut reconnaître que ce qui se passe à l'étranger nous influence. On ne peut pas rester tranquille quand les autres pays agissent !

JLA - Que voulez-vous dire ?

P.M. - Dans la crise actuelle, il ne faut pas seulement faire quelque chose, il faut le faire vite, et viser juste du premier coup. Regardez ce qui s'est passé aux États-Unis. Le premier plan Paulson de 700 milliards de dollars américains [pour acheter les éléments d'actifs toxiques des banques] n'a pas eu le même succès que son second plan [entrer dans le capital des banques américaines à hauteur de 250 milliards et garantir leurs prêts interbancaires], inspiré de la solution imaginée par le premier ministre britannique Gordon Brown. J'espère que le premier ministre Stephen Harper sera plus alerte, car la crise n'est pas finie.

JLA - Le président français Nicolas Sarkozy veut " refonder " et " moraliser " le système financier international. De votre côté, si vous étiez au pouvoir, que feriez-vous pour améliorer le système ?

P.M. - Il faut d'abord agrandir le G8 et avoir un comité directeur élargi pour résoudre les crises financières. Le problème, c'est que le G8 n'inclut pas la Chine, l'Inde et le Brésil.

Par exemple, la Chine ne fait même pas partie du Financial Stability Forum [un organisme regroupant des ministres des Finances, des gouverneurs de banques centrales et des représentants d'institutions comme le Fonds monétaire international] qui a joué un rôle clé dans la crise actuelle. Dans ce contexte, comment peut-on dire à la Chine de stimuler son économie pour prendre la relève des États-Unis, alors qu'elle n'est même pas à la table des discussions quand on essaie de trouver des solutions.

Autre problème : que va- t-on faire quand la prochaine crise débutera dans une économie émergente ? Qu'est-ce qui arrivera si un Bear Stearns [une banque d'affaires américaine rachetée en mars par JPMorgan] se trouve en difficulté en Chine, ou si, dans cinq ans, le marché hypothécaire chinois se trouve en crise ? On l'a vu avec ce qui se passe aux États-Unis : nous sommes dans une économie mondiale où une crise dans une grande puissance a des répercussions partout dans le monde.

C'est pourquoi l'importance des pays émergents doit être reconnue dans les institutions internationales.

françois.normand@transcontinental.ca

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