" Il n'y a rien de mal à en vouloir toujours plus "

Publié le 08/01/2011 à 00:00

" Il n'y a rien de mal à en vouloir toujours plus "

Publié le 08/01/2011 à 00:00

Par Diane Bérard

Lorsqu'elle doit choisir entre deux aspirants à un poste, Shelley Rozenwald opte systématiquement pour celui qui convoite sa chaise. " Il n'y a rien de mal à en vouloir toujours plus ", affirme-t-elle avec conviction. Recrutée le 16 novembre dernier dans la foulée de l'importante revitalisation de La Baie, l'ex-pdg de Murale a toujours réclamé de nouveaux défis. C'est ainsi que celle qui a débuté sa carrière il y a 30 ans derrière le comptoir Estée Lauder chez Holt Renfrew a aujourd'hui comme mission de " réinventer la façon dont on vend la beauté ". Le défi est important et la concurrence n'a pas dit son dernier mot. Heureusement, la nouvelle aventurière en chef, Beauté, de La Baie a travaillé chez tous les concurrents de son nouvel employeur.

Diane Bérard - La mode est aux titres originaux, mais le vôtre dépasse tout ce que j'ai vu : aventurière en chef !

Shelley Rozenwald - (rires) Tous les membres de la direction portent le titre d'aventurier, c'est un rappel des origines de La Baie. La différence est que je n'en porte aucun autre : sur ma carte professionnelle, il est inscrit seulement " aventurière en chef, Beauté ". Je l'ai d'ailleurs exigé dans mon contrat.

D.B.- Parlant de titre, vous avez quitté la direction de Murale, la filiale de Pharmaprix spécialisée dans les cosmétiques, pour devenir cadre chez La Baie. N'est-ce pas une étrange décision ?

S.R. - Pas lorsque l'on regarde au-delà du titre. Mon poste chez La Baie est plus important concernant le nombre de magasins [Murale compte 4 magasins et La Baie, 92], le volume et les ressources.

D.B. - C'est bien beau, mais vous avez tout un défi à relever. Le positionnement et la pertinence de La Baie restent à définir.

S.R. - C'est de moins en moins vrai. Bonnie Brooks, la nouvelle pdg, a fait un travail, et surtout, un ménage extraordinaire. De concert avec les acheteurs, elle s'est débarrassée de centaines de marques démodées pour les remplacer par d'autres, nationales et internationales, bien plus excitantes. Elle a aussi laissé tomber le réflexe des rabais, qui projette une image de liquidateur, pour adopter une politique de juste prix. Baladez-vous dans notre magasin de la rue Sainte-Catherine, à Montréal; vous y vivrez la même expérience de magasinage agréable à chaque étage. Je suis bien placée pour évaluer le chemin parcouru par La Baie, j'ai travaillé pour ses concurrents toute ma vie. Nous savions que les magasins à rayons s'étaient endormis, traînant les mêmes marques et laissant le champ libre à la concurrence. Ce n'est plus le cas.

D.B. - La magasin-phare sur Sainte-Catherine a été relooké, mais la succursale de mon quartier a toujours l'air d'une zone sinistrée...

S.R. - (soupir) Je sais. Nos magasins ne sont pas tous égaux. Voici la réalité : nos quatre magasins-phares ainsi que huit autres sont exceptionnels; ils correspondent en tous points à nos nouveaux standards. Nous en comptons 25 autres considérés comme excellents, où la transformation est bien avancée. Puis, il en reste 45 où tout reste à faire; le vôtre appartient visiblement à ce groupe.

D.B. - Les Pharmaprix de ce monde ont convaincu les femmes d'acheter leurs cosmétiques au même endroit où elles font le plein de dentifrice. Comment allez-vous briser cette habitude et les inciter à faire un arrêt de plus chez La Baie ?

S.R. - En proposant des marques impossibles à trouver en pharmacie. Je vais répéter pour les cosmétiques ce que Bonnie Brooks a fait pour les vêtements et procéder à un ménage de notre offre. Ensuite, je proposerai des services qui font gagner du temps : imaginez recevoir une manucure à l'heure de lunch, en même temps que vous achetez du rouge à lèvres. Enfin, je miserai sur le plaisir : des événements, des démonstrations, etc. Nous avons l'espace pour le faire. Il y aura toujours des moments où on achète son mascara à la pharmacie comme on achètera une pinte de lait au dépanneur, parce que c'est pratique. Mais, on ne peut pas faire toute son épicerie au dépanneur !

D.B. - Il arrive qu'on trouve en pharmacie des marques qui ne devraient pas y être distribuées, ce qu'on appelle le " marché gris ". Comment luttez-vous contre cette concurrence déloyale ?

S.R. - Par l'éducation. Le marché gris est mondial et l'arrivée d'Internet ne fait que compliquer les choses. Parmi ces produits distribués sans autorisation, on trouve de tout : contrefaçon, produits périmés et, parfois, produits originaux. La cliente qui achète une crème ou un mascara chez un distributeur non autorisé court des risques. Ceux-ci peuvent être bénins : le produit est périmé et il ne procure aucun effet. Ou plus sérieux : le produit est contrefait et il est toxique.

D.B. - Craignez-vous Sephora, la chaîne européenne qui a conquis les Québécoises ?

S.R. - Pourquoi aurais-je peur ? Je salue le travail de mes concurrents, mais il restait tout de même un vide entre l'offre restreinte des pharmacies et celle plus spécialisée de Sephora. La Baie va le combler en ajoutant des services. Et puis, même si je garde un oeil sur mes concurrents, j'ai toujours jugé plus rentable de m'occuper de mon jardin !

D.B. - Vous avez gravi tous les échelons. Quel conseil donneriez-vous aux jeunes en début de carrière ?

S.R. - Saisissez toutes les occasions d'apprendre. Posez beaucoup de questions. Proposez d'aider, surtout pour des tâches à l'extérieur de votre carré de sable. Ainsi, lorsque viendra l'heure d'une promotion, la direction vous aura vu à l'oeuvre et elle pensera à vous. Et, surtout, il n'y a aucun mal à en vouloir plus si vous êtes transparent et ne nuisez à personne.

Le pourquoi

Le propriétaire de La Baie, l'Américain Richard Baker, de la firme d'investissement NRDC Equity Partners, envisage un retour en Bourse en 2011, si la renaissance de l'entreprise se poursuit. Shelley Rozenwald joue un rôle clé dans cette relance. Son service, celui des cosmétiques, génère de bonnes marges bénéficiaires et contribue à attirer des clientes dans les magasins.

Le chiffre

45

Nombre de succursales de La Baie qui n'ont pas encore été rénovées, soit 48 % de l'ensemble des magasins.

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