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La porte de verre accompagne le plafond de verre

Emmanuel Martinez|Publié le 09 juin 2022

La porte de verre accompagne le plafond de verre

«Les femmes ne sont pas seulement confrontées au “plafond de verre” en milieu ou en fin de carrière pour accéder à des postes plus importants et mieux rémunérés, elles doivent composer avec ce vent contraire tout au long de leur parcours professionnel», selon la directrice adjointe de l’Institut du Québec, Emna Braham. (Photo: courtoisie)

La disparité salariale entre hommes et femmes se manifeste dès le premier emploi et n’est donc pas le fruit d’une progression professionnelle plus difficile pour ces dernières, selon une étude dévoilée aujourd’hui par l’Institut du Québec et le laboratoire de recherche FutureSkills de l’Université de Toronto.

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L’écart de revenus est en moyenne de 9% dès la première année suivant l’obtention d’un diplôme collégial ou universitaire. Et ce fossé s’approfondit pour se fixer à 16% cinq ans après la fin des études.

«Contrairement à la croyance populaire, les femmes ne sont donc pas seulement confrontées au “plafond de verre” en milieu ou en fin de carrière pour accéder à des postes plus importants et mieux rémunérés, elles doivent composer avec ce vent contraire tout au long de leur parcours professionnel», affirme la directrice adjointe de l’Institut du Québec et coautrice du rapport, Emna Braham, par communiqué.

Réalisé dans le cadre de l’Initiative de recherche sur l’éducation et les compétences, ce rapport montre aussi que l’écart homme-femme est encore plus élevé chez les diplômés les mieux payés. Parmi les 10% dont les revenus sont les plus substantiels, il existe une différence de 13% un an après le diplôme et de 19% après cinq ans.

«Pour réaliser cette analyse, nous avons eu accès à des données inédites qui ont permis de suivre dans le temps l’évolution du parcours scolaire des diplômées et diplômés et de croiser ces informations à leurs revenus d’emploi, déclare Annie Pan, coautrice de l’étude. Nous avons également pu isoler l’effet que certaines caractéristiques peuvent avoir sur le revenu tels que le niveau et le domaine d’études, le secteur d’activité ou encore la présence ou non d’enfant à charge dans le ménage.»

 

Causes diverses

Les causes pour expliquer ces écarts sont difficiles à établir hors de tout doute.

En plus de gravir plus lentement les échelons, les femmes sont aussi moins nombreuses à œuvrer pour les employeurs qui paient le mieux. Ce phénomène appelé «la porte de verre» pourrait s’expliquer parce que ces employeurs ont en moyenne des politiques «moins accueillantes envers les femmes, notamment en offrant moins de mesures de conciliation travail-famille ou en favorisant une culture d’entreprises qui valorise davantage les modèles de carrière masculins».

L’anticipation d’éventuelles responsabilités familiales en tant que parent ou proche aidant et la charge mentale semblent aussi avoir un impact sur le choix des femmes qui optent pour un employeur ou des secteurs d’activités qui s’harmonisent mieux avec la vie personnelle.

Le taux de numératie plus bas des femmes est aussi évoqué. «Au Québec, seulement 7,1% des femmes de 16 à 64 ans possèdent un niveau de compétences en numératie élevé ou très élevé comparativement à 14,3% des hommes», fait-on valoir. Cet écart pourrait donc contribuer au fossé salarial, car les emplois nécessitant une bonne connaissance des chiffres sont bien rémunérés.

Les autrices ajoutent que la discrimination est une cause qui ne peut être exclue. Certaines normes sociales qui influent sur la manière d’agir des hommes et des femmes, ainsi que leurs perceptions, pourraient être en cause. Les différences en matière d’aversion au risque et de propension à la compétition sont notamment mentionnées.

 

Des mesures exigées

Cette recherche souligne que les progrès afin de réduire le gouffre salarial entre hommes et femmes stagnent depuis 2010 après des avancées notables amorcées dans les années 1960. Le document affirme que «les politiques mises en place pour réduire ces écarts, notamment les lois sur l’équité salariale et les politiques familiales, ne suffisent pas à corriger la situation».

Les chercheuses proposent donc des solutions.

Elles suggèrent que les entreprises mettent en place des programmes de carrière pour favoriser la relève féminine dans les postes de direction. Elles recommandent aussi d’innover en matière de fixation des salaires. Puisque les femmes ont moins tendance à négocier leur salaire, elles estiment que la divulgation des grilles salariales serait bénéfique.

De plus, elles croient que l’État devrait ajuster son soutien aux entreprises afin de les inciter à instaurer des mesures d’inclusion et de diversité, ainsi que de développement de carrière, notamment avec davantage de formations pour les femmes.