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Marie-Pier Frappier

Le mot de la directrice de l'info

Marie-Pier Frappier

Analyse de la rédaction

Panser le présent

Marie-Pier Frappier|Édition d'août 2020

Panser le présent

Deux personnes peignaient le slogan «Black Lives Matter» sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal, en juillet. (Photo: AFP pour Getty Images)

BILLET. Bernard Stiegler nous a quitté au début du mois. Sa sortie de prison aura peut-être été plus facile que sa sortie du confinement… Pourtant, le singulier philosophe avait écrit, en avril, dans Le Monde, que «le confinement en cours devrait être l’occasion d’une réflexion de très grande ampleur sur la possibilité et la nécessité de changer nos vies». Il ramenait alors un concept qu’il avait réfléchi plus tôt, l’«otium du peuple», ce temps libre, éloigné du quotidien, consacré à des activités intellectuelles ou créatives.

Trop occupés ou stressés, plusieurs d’entre nous ont tenté de se rattraper et de profiter de l’été pour s’inspirer du Décaméron de Boccace, où une bande de jeunes florentins fuit les ravages de l’épidémie de peste de noire de 1348. Cette expérience n’était toutefois qu’une parenthèse. Alors qu’il ne reste plus de l’été que des images de belles forêts ou de tourisme débridé, j’ose, pour mes premières lignes à titre de rédactrice en chef par intérim, une question assez grave. Notre confinement a-t-il duré assez longtemps pour que nos vies soient «profondément» changées ?

Avouez déjà que le déconfinement a été brutal. Décompte des failles dans les CHSLD, paupérisation accélérée pour certains, vague de manifestations contre le racisme et les violences policières, déferlante de dénonciations sur les réseaux sociaux… Le «temps d’apprendre à vivre» nous a semblé se raccourcir sous le cuisant soleil de juillet. L’inflation d’informations pandémiques a même connu son revers : le conspirationnisme vit des jours fabuleux et contamine autant que la COVID-19.

Dans ce climat anxiogène – et n’allons pas sur le terrain du climat, l’espace nous manque -, comment espérer ? La crainte des vagues et autres tsunamis fait tanguer dangereusement la courbe de l’espérance et la reprise semble s’éloigner plus nous avançons dans la nouvelle décennie. Pour garder la tête au-dessus des remous, nos journalistes François Normand et Olivier Schmouker sont partis en quête de «vaccins» à l’essai dans plusieurs secteurs du Québec inc. Allez consulter leurs «antidotes» afin d’inoculer une juste dose d’espoir à vos futurs trimestres.

Bernard Stiegler proposait lui aussi un antidote au désarroi qui accable à la fois la PDG d’une grande entreprise, le jeune entrepreneur et le chômeur. «Si la pensée est démunie, c’est parce qu’elle a cessé de se penser comme soin : comme panser.»

Cet automne, nous devrions toutes et tous prendre le temps de panser avant de réagir dans le tourbillon des sombres annonces et le bruit incessant des réseaux sociaux. Revaloriser nos échanges, nos rythmes de vie et réduire notre consommation tous azimuts. Fabriquer de la viabilité en collaboration et en compassion.

Et puisqu’il faut réfléchir à mieux occuper vos temps «libres», nous vous proposons de vous concentrer sur les éléments de votre vie changée et sur ceux que vous devrez reforger durant cette rentrée atypique.

Panser le présent et soigner le devenir pour imaginer l’avenir.

 

Marie-Pier Frappier
Rédactrice en chef par intérim, Les Affaires
marie-pier.frappier@tc.tc
@mpfrappier