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Les Canadiens tentent de s’adapter à l’inflation des aliments

La Presse Canadienne|Publié le 31 juillet 2023

Les Canadiens tentent de s’adapter à l’inflation des aliments

Statistique Canada démontre que non seulement 86% des personnes interrogées ont changé leurs habitudes de dépenses, mais aussi que 71% d’entre elles ont déclaré acheter ou utiliser moins de produits d’épicerie qu’auparavant. (Photo: La Presse Canadienne)

Montréal — Les Canadiens achètent moins d’aliments, ont changé leurs habitudes d’achat en épicerie et même changé de magasin pour tenter de s’adapter à la dure réalité de l’inflation galopante du prix des aliments. 

Un rapport de Statistique Canada fait ainsi état d’une récente enquête démontrant que non seulement 86% des personnes interrogées ont changé leurs habitudes de dépenses, mais aussi que 71% d’entre elles ont déclaré acheter ou utiliser moins de produits d’épicerie qu’auparavant.

Pour le professeur Sylvain Charlebois, économiste et expert du domaine agroalimentaire à l’Université Dalhousie, ces chiffres appellent à la réflexion : «Comment peut−on expliquer cela? Il y a deux hypothèses bien sûr : la première serait que les gens mangent moins, mais peut−être que les gens gaspillent moins aussi», explique-t-il en entrevue avec La Presse Canadienne.

 

Montée des marques privées

Une chose est claire cependant : ils ne magasinent plus de la même façon. Citant une analyse de la revue Retail Insider, Statistique Canada constate que «le changement de marque et de magasin est devenu une pratique répandue». Ainsi plus de la moitié des acheteurs se tournent désormais vers les marques privées, aussi appelés marques maison, pour leurs aliments. 

«Comme on dit en bon français, il y a de la “négociation down” qui se passe. On opte pour des produits de moindre qualité. Les chiffres le démontrent de plus en plus : les marques privées vont prendre plus de place», note le professeur Charlebois.

 

Popularité des épiceries au rabais 

Aussi, les consommateurs changent d’épicerie, à la recherche d’options à faible coût, telles que les épiceries au rabais, pour tirer le maximum de leurs budgets alimentaires limités. Le géant Loblaws a donné un grand coup pour s’adapter à cette mouvance, lui qui est à compléter la conversion d’une trentaine d’épiceries Provigo en Maxi.

«J’ai eu la chance de parler avec Loblaws la semaine dernière et les résultats sont hallucinants au Québec, raconte Sylvain Charlebois. Dès qu’il y a une conversion en Maxi, le chiffre d’affaires pour magasin double pratiquement. Donc on voit vraiment que l’offre s’adapte à une demande plus économe.»

On peut comprendre le virage des grandes bannières, parce que non seulement les consommateurs ne leur sont plus fidèles, mais ils se détachent complètement des épiciers pour aller vers ce que Statistique Canada appelle les magasins de marchandises diverses, un groupe de magasins comprenant les clubs−entrepôts, les supercentres et les autres détaillants de marchandises diverses.

 

Une migration de 6 milliards $ 

«On voit le consommateur aller vers des endroits où on sait que les prix sont plus avantageux, comme les magasins du dollar, les magasins (au) rabais non traditionnels comme le Tigre Géant, Walmart, Costco, etc. Ce sont eux qui gagnent énormément ces temps−ci», souligne l’économiste.

Les chiffres rapportés par l’agence fédérale ne mentent pas. Au début de 2021, moment où les prix ont amorcé leur hausse, les magasins d’alimentation recueillaient 74,3% des ventes d’aliments et boissons, contre 21,6% pour les magasins de marchandises diverses.

À la fin de 2022, les épiciers ont vu ce chiffre chuter à 70%, une baisse de 4,3 points de pourcentage pendant que les magasins de marchandises diverses voyaient leur part d’aliments achetés en magasin passer à 25,9%, une augmentation miroir de 4,3 points de pourcentage. 

Ces variations ne sont pas anodines lorsqu’on sait que les ventes d’aliments et boissons au détail représentaient plus de 143 milliards $ en 2022 selon le dernier rapport de Financement agricole Canada. Cette variation de 4,3 points de pourcentage représente ainsi un peu plus de 6 milliards $.

Sylvain Charlebois, lui, offre ce conseil : «Je dis toujours : c’est la règle du trois, trois magasins en trois semaines. Chaque semaine, vous allez à un magasin, vous alternez, un magasin de spécialités maison, ensuite un magasin (au) rabais, un magasin de marchandises diverses, quand c’est possible de le faire.»

 

Profonde inquiétude 

Ces mouvements vers les produits moins chers, les épiceries au rabais et les magasins de marchandises diverses sont le reflet d’une profonde inquiétude économique ressentie par les consommateurs devant des prix qui, au printemps 2023, étaient supérieurs de 20% aux niveaux observés deux ans plus tôt, selon Statistique Canada.

Déjà, au printemps 2022 avant que le taux d’inflation atteigne un sommet, les enquêtes de l’agence fédérale montraient que «près de trois répondants sur quatre déclaraient que la hausse des prix avait une incidence sur leur capacité à assumer leurs dépenses quotidiennes.

Pour de nombreuses familles, l’augmentation des prix des aliments constituait leur principale préoccupation. Les deux tiers des répondants ont déclaré être très préoccupés par la hausse des prix des aliments, tandis que 4 répondants sur 10 ont indiqué qu’ils s’inquiétaient davantage de la hausse des prix des aliments que de la croissance des prix dans d’autres catégories (comme le logement et le transport).» 

Il sera difficile de freiner cette poussée inflationniste parce qu’elle est due à une multitude de facteurs. L’augmentation des prix de l’énergie entraîne des hausses de coûts importantes pour les producteurs agricoles, le transport, l’entreposage et la transformation alimentaire et ainsi de suite.

Les mauvaises conditions de croissance au Canada et aux États−Unis en 2021, la hausse du coût des intrants tels les engrais, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les hausses des marges des grossistes et des détaillants ont toutes contribué à la croissance constante des prix des aliments. La population s’est certes trouvé des moyens de s’adapter, mais ceux−ci ont des limites, tout comme le budget des ménages.