Les entreprises d’ici qui offrent des applications et des services en ligne pourraient être affectées par les nouveaux règlements d’Apple. (Photo: 123RF)
TECHNO SANS ANGLES MORTS décortique les technologies du moment, rencontre les cerveaux derrière ces innovations et explore les outils numériques offerts aux entreprises du Québec. Cette rubrique permet de comprendre les tendances d’aujourd’hui afin d’être prêt pour celles de demain.
TECHNO SANS ANGLES MORTS. Une série de nouvelles mesures imposées notamment par l’entrée en vigueur d’un règlement européen force Apple à revoir plusieurs fonctionnalités et politiques reliées à l’iPhone, comme la possibilité d’y installer une boutique d’applications tierce. Même si ces changements sont pour l’instant réservés à l’Europe, les développeurs d’ici doivent en prendre note.
Boutiques d’applications tierces, nouveaux modes de paiement et plus
Ce sont en tout des dizaines de modifications qui ont été annoncées la semaine dernière par Apple, dont plusieurs devraient permettre d’améliorer la concurrence entre Apple et les autres entreprises, du moins en Europe.
Parmi les plus importantes, notons que les développeurs auront pour la première fois le droit de distribuer leurs applications en dehors de l’App Store, en passant par de nouvelles boutiques d’applications tierces (nommées App Marketplaces). Epic Games, qui produit le jeu Fortnite et qui possède une boutique de jeux sur Mac et PC, a déjà annoncé son intention de lancer son Epic Games Store sur iOS.
La puce NFC de l’iPhone, présentement réservée au service Apple Pay pour le paiement dans les boutiques, sera aussi ouverte à d’autres solutions de paiement, et les développeurs pourront pour la première fois utiliser des navigateurs web qui ne sont pas basés sur Safari.
Les développeurs d’applications pourront aussi utiliser un autre service de paiement qu’Apple pour leurs achats intégrés, ou encore inviter les utilisateurs à conclure la transaction sur le web.
Apple permettra aussi pour la première fois aux services de diffusion de jeux (comme Xbox Game Pass Ultimate et GeForce NOW de Nvidia) d’avoir leur propre application mobile. Jusqu’ici, ces jeux — qui fonctionnent sur des serveurs plutôt que sur les appareils eux-mêmes — devaient plutôt être lancés à partir d’un navigateur web.
Pour l’Europe seulement
Les changements d’Apple ont été annoncés en prévision de l’entrée en vigueur en mars du DMA (Digital Markets Acts, ou règlement sur les marchés numériques), un règlement de la Commission européenne visant à restreindre les pratiques anticoncurrentielles des grandes entreprises technologiques en forçant l’ouverture de certains services numériques.
On peut d’ailleurs s’attendre à ce que d’autres entreprises annoncent des changements similaires au cours des prochaines semaines. Les fournisseurs de messagerie comme WhatsApp, par exemple, devront permettre à leurs abonnés de communiquer avec les utilisateurs des autres services de messagerie.
Notons qu’à l’exception de l’ouverture aux services de diffusion de jeux, en vigueur partout dans le monde, les autres nouveautés annoncées par Apple la semaine dernière seront réservées aux utilisateurs européens.
Des considérations pour les entreprises d’ici
Les entreprises d’ici qui offrent des applications et des services en ligne pourraient être affectées par les nouveaux règlements d’Apple.
Deux choix s’offrent en effet aux développeurs pour leurs utilisateurs européens: ne rien changer à leur entente avec Apple, ou encore adopter les nouveaux termes de l’entreprise pour le marché européen.
Si vous ne changez rien, votre facture mensuelle à Apple demeurera la même. Si vous adoptez les nouvelles mesures, vos paiements changeront, et ce, peu importe que vous offriez votre application sur l’App Store ou sur un App Marketplace.
En gros, la nouvelle offre d’Apple réduit les commissions de l’App Store à 10 ou 17%, selon l’application (contre 15 à 30% actuellement), ou à 0% si vous la vendez plutôt par un App Marketplace. Vous pourriez en plus économiser encore plus en utilisant un autre service de paiement.
Il y a toutefois un bémol important: les développeurs devront remettre 0,50€ à Apple pour chaque application téléchargée au-delà de 1 million, et ce, peu importe que celle-ci soit distribuée ou non sur l’App Store, et qu’elle soit payante ou non.
Apple estime que 99% des développeurs devraient s’en sortir gagnants avec la nouvelle formule, mais que 1% d’entre eux devront payer plus. Si vous avez une application et que celle-ci est utilisée en Europe, Apple a mis en ligne une calculatrice pour estimer le montant de vos paiements en fonction de la formule choisie.
Un dossier qui ne fait que commencer
Il n’est pas encore clair si les changements annoncés par Apple seront suffisants aux yeux de Bruxelles. L’entreprise ouvre un peu plus ses plateformes, certes, mais elle le fait avec des bémols importants.
«La proposition d’Apple contraint les développeurs à choisir entre deux options anticoncurrentielles et illégales. Soit ils choisissent le statu quo, soit ils optent pour un nouvel ensemble de termes compliqués qui sont préjudiciables tant pour les développeurs que pour les consommateurs», a dénoncé Rick VanMeter, le directeur de Coalition for App Fairness, un lobby dont font notamment partie Epic et Spotify.
La Commission européenne doit analyser les propositions des entreprises, comme celle d’Apple, à partir du 7 mars. Reste à voir si les mesures annoncées seront jugées suffisantes. Si ce n’est pas le cas, Apple devra retourner à la planche à dessin.