Michel Mailloux dit que les conseillers financiers devront considérablement augmenter leurs connaissances pour travailler avec les robots. (Photo: courtoisie)
DES LEADERS ET DES MOTS. Qui se soucie des robots financiers ? Pas grand monde, à en croire l’auteur Michel Mailloux, qui a écrit le livre Robots financiers et I.A. afin de montrer les défis éthiques et pratiques qui apparaîtront bientôt. Le cofondateur et dirigeant du Collège des professions financières souligne le danger de rester les yeux fermés alors que l’intelligence artificielle (IA) s’apprête, selon lui, à s’étendre dans les services financiers.
« Il y a beaucoup d’imprécision et d’incompréhension concernant les robots financiers », souligne-t-il en entrevue téléphonique. Il précise tout d’abord que son propos ne porte pas sur les robots financiers qui construisent un portefeuille en fonction de paramètres simple comme l’âge, le revenu et la tolérance au risque. Il s’inquiète plutôt du manque de réflexion autour de l’IA qui permettrait d’optimiser une planification financière complète. Cette machine ne ferait pas que suggérer des placements, mais aussi des assurances ou des transactions dans une optique successorale qui tient compte du profil socioéconomique du client, de ses dépenses, de ses besoins personnels, etc., tout en s’appuyant sur des facteurs externes, qu’ils soient conjoncturels ou structurels.
« C’est faire de la planification financière en intégrant tous les éléments de manière automatisée, note-t-il. La machine a des capacités que pas un professionnel n’a. Avec la masse de données qu’il peut traiter, le robot pourra offrir de meilleurs conseils à des clients. »
Michel Mailloux n’est donc pas contre l’IA dans les services financiers. Il l’estime même inéluctable. « On n’en est pas encore là, mais on doit en parler. On va avoir de plus en plus d’algorithmes. C’est un fait et il ne faut pas se battre contre ça. »
Problème de transparence
Celui qui a cofondé et dirigé l’Institut québécois de planification financière constate que l’IA est très opaque, ce qui crée des problèmes éthiques et pratiques. « Les dangers se trouvent dans tous les algorithmes, affirme-t-il. Par définition, l’IA nous empêche de voir les différentes étapes entre le début de l’analyse et son résultat, c’est sa qualité et son défaut. »
« Comme conseiller, je dois avoir la capacité de refaire ces étapes-là, poursuit-il. Sinon, je ne serais pas en mesure de justifier mes recommandations, ce qui doit toujours être fait en vertu de mon code de déontologie. »
Évidemment, Michel Mailloux comprend que l’IA se met à jour au fur et à mesure que s’accumulent des expériences et des données. Impossible, donc, de vérifier chaque code qui serait de toute façon appelé à changer. D’après lui, ces machines devraient être encadrées par des normes professionnelles reconnues comme celles qui guident les conseillers et les sociétés financières.
Pas de règlements
Michel Mailloux prône davantage un cadre général et des directives, plutôt que des lois et des règlements.
« Il faudrait amener une plus grande transparence sur la composition des algorithmes, croit-il. Cela nécessite davantage d’engagement de la part des autorités, lesquelles n’exercent pas pour le moment leur rôle de supervision. Elles sont en mode « on attend de voir ce que cela donner et on agira ensuite». J’en ai ma claque des nouveaux règlements, mais cela prend plus de surveillance. »
Par conséquent, l’auteur préconise la mise sur pied d’un comité ou d’une table ronde traitant de ces sujets au Québec.
« Après le scrutin provincial, il faudrait que le ministère des Finances se penche sur l’avenir des robots financiers en réunissant des gens de tous les domaines. En plus de ce ministère, ce grand remue-méninge devrait inclure l’Autorité des marchés financiers ainsi que Finance Montréal. « Cela nécessite de la volonté politique, ajoute-t-il. Les élus doivent s’en préoccuper. Je ne crois pas que les institutions financières puissent s’autoréguler, car elles se préoccupent avant tout de faire de l’argent.»
Michel Mailloux précise que les conseillers financiers devront considérablement augmenter leurs connaissances pour travailler avec les robots.
« Il faudra apprendre à les connaître, mentionne-t-il. Il y a de multiples aspects philosophiques à ça. Cela va aussi prendre davantage de compétences financières, mais aussi technologiques. »
L’auteur ne fournit pas les réponses concernant l’encadrement de ce phénomène, mais il a le mérite de poser des questions qui devront tôt ou tard être abordées.
Robots financiers et I.A. est publié aux Éditions Arnaud Franel.