Alain Brunet est président du conseil d’administration de Club Local, administrateur de sociétés et professeur associé à HEC Montréal. Il a connu une carrière de près de 38 ans à la Société des alcools du Québec, dont cinq au poste de président et chef de la direction, de 2014 à 2019. (Photo: courtoisie)
Q&R. Après une carrière de 38 ans à la Société des alcools du Québec (SAQ), dont cinq comme président et chef de la direction, Alain Brunet se joint à la PME Club Local, qui conçoit des spiritueux, notamment la crème alcoolisée Crèmaglace, l’apéritif Les Îles, le rhum Sainte-Marie, le gin Portage et la vodka White Keys, comme président du conseil d’administration. Quels sont les éléments qui ont motivé sa décision de faire un retour dans l’industrie des vins et des spiritueux ? Le dirigeant explique.
Les Affaires – Pourquoi devenir président du conseil de Club Local ?
Alain Brunet – Quand j’ai quitté la SAQ [en jan-vier 2019, NDLR], j’avais fait le choix de ne prendre aucun mandat dans l’industrie de l’alcool. Je voulais expérimenter à l’extérieur du monde des vins et des spiritueux et je m’en suis tenu à ça, entre autres en acceptant un rôle de professeur associé à HEC Montréal. Par contre, je n’ai jamais fermé la porte à un retour.
Et l’occasion Club Local s’est présentée. J’ai aimé l’équipe de jeunes entrepreneurs dynamiques et leur vision pour développer des produits locaux. J’ai beaucoup travaillé avec l’industrie locale dans les dernières années. Ça me tient à coeur. C’est une belle industrie qui se met en place et qui a beaucoup de potentiel.
Par contre, je ne veux pas m’éparpiller. Je me suis toujours dit que si je revenais dans l’industrie, ce serait pour m’impliquer auprès d’une équipe, mais pas plus.
L.A. – Avec votre expérience de dirigeant à la SAQ, qu’apportez-vous à la direction de Club Local ?
A.B. – Ce que je peux leur apporter, c’est mon expérience dans le milieu, mon réseau, de même que mon expérience de la production et de la mise en marché.
Mais ça va aussi au-delà de ça. Club Local est une entreprise en forte croissance qui a vu ses revenus progresser de 230 % en 2020. En 2021, cette croissance devrait atteindre 350 % ! Pour faire un produit de qualité à fort volume avec une grande constance, une entreprise a besoin d’organisation et de structure. Je suis un gars de production à l’origine.
Je suis issu du réseau et de la chaîne d’approvisionnement. Toute la question des déficiences de l’organisation, c’est quelque chose qui m’intéresse.
Mon but n’est pas de les brimer ou de leur enlever leur côté entrepreneurial, mais de les guider. Je vois ça comme le jumelage entre l’expérience, l’organisation, la structure et la gouvernance, parce que c’est une entreprise qui a plusieurs cofondateurs et qui a récemment mis en place son CA.
L.A. – La SAQ a longtemps été pointée du doigt pour faire la vie difficile aux producteurs locaux. Est-ce toujours le cas ?
A.B. – Ce n’est plus un problème pour les producteurs locaux d’avoir accès aux tablettes de la SAQ, tant pour les spiritueux que les vins. À présent, la question est de bien se démarquer et de se tailler une place auprès de la clientèle.
Au cours des cinq dernières années, c’est devenu une culture d’entreprise. Si la qualité est là, le produit local qui se présente à la SAQ va passer automatiquement à l’étape de la tablette. Le défi des producteurs n’est plus de ce côté.
L.A. – Quels sont alors les défis actuels des producteurs québécois de vins et de spiritueux?
A.B. – Le réflexe de l’achat local, surtout depuis le début de la pandémie, les clients l’ont beaucoup. Il y a une flambée des volumes.
Maintenant, le défi, c’est vraiment de se tourner vers la clientèle, de faire du marketing et d’aller chercher chacun ses parts de marché. Au Québec, il y a près de 100 gins, alors il faut se battre pour avoir l’intérêt des Québécois. Le marché est tellement fructueux en ce moment que les entreprises n’arrivent pas à répondre aux demandes de la clientèle. Pour les spiritueux, l’augmentation des volumes est de plus de 30 % depuis le début de la pandémie.
La croissance de la demande est là, mais ce qui a mis les producteurs locaux au monde, c’est la qualité. Ces derniers doivent donc augmenter le rythme tout en gardant l’histoire propre à la production locale qui représente bien le Québec. Pour les producteurs de vins, la situation est encore plus complexe, parce que les nouvelles vignes commencent à produire seulement après cinq ans.
L.A. – Dans ce contexte, comment les entreprises d’ici doivent-elles s’y prendre pour exporter leurs produits aux États-Unis et dans le reste du monde ?
A.B. – La grande tendance de la production artisanale est très présente aux États-Unis aussi. On peut et on doit participer à une telle tendance en dehors du Québec. On va alors se frotter à un marché qui est très réglementé.
Sur le marché américain, la réglementation varie selon les États, que ce soit un marché ouvert, hybride ou monopolistique.
Il y a aussi beaucoup de protectionnisme. Pour y avoir du succès, il ne faut pas s’éparpiller et tenter d’attaquer tout le pays d’un coup. Il faut plutôt y aller État par État.
Partout dans le monde, il faut comprendre quelle est la réglementation et connaître les angles morts d’un marché pour éviter certains pièges.
L.A. – Quels seront vos projets de développement avec Club Local cette année ?
A.B. – L’objectif d’aller chercher du volume, pas juste des produits spécialisés.
Dès ce printemps, on veut aller du côté de la distribution en alimentation avec certaines boissons prêtes à boire à base de malt. Boréale, qui possède une présence solide dans le marché, nous aidera avec la distribution de nos produits.
Cela nous permettra d’avoir une présence dans les épiceries et les dépanneurs.
Nous avons de nombreux axes de croissance, tant dans le volume de produits existants que dans celui de nouveaux produits et de nouveaux marchés.