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Mesdames, gare au «feedback» négatif!

Olivier Schmouker|Publié le 13 janvier 2022

Mesdames, gare au «feedback» négatif!

En général, les femmes accusent plus le coup que les hommes. (Photo: Edwin Andrade pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «À la fin de 2021, j’ai eu une évaluation annuelle beaucoup plus négative que ce que j’avais anticipé. Ça m’a pourri le temps des Fêtes : j’y pensais sans cesse, parfois en me disant que mon boss ne comprenait rien de moi, parfois en me disant qu’il n’y avait jamais de fumée sans feu. Maintenant, j’ai le moral à zéro…» – Amina

R. – Chère Amina, ce qui vous a été dit lors de la rencontre d’évaluation annuelle vous a visiblement dévastée alors que j’imagine que votre boss entendait plutôt vous «secouer», espérant que ses propos «directs» vous inciteraient à retrousser les manches et à donner votre 110% dès le retour au travail. À présent, vous n’avez, semble-t-il, qu’une envie, baisser les bras.

Fort heureusement, j’ai une bonne nouvelle pour vous! Il se trouve en effet que les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’intérioriser les commentaires négatifs et que cela peut devenir un atout. C’est du moins ce qui ressort d’une récente étude pilotée par Katherine Coffman, professeure de gestion des affaires à la Harvard Business School.

Les expériences menées dans le cadre de cette étude montrent que les hommes et les femmes ont, en général, tendance à surestimer leurs capacités (ici, il s’agissait de prédire ses résultats à des tests d’anglais et de mathématiques). Quand les «mauvais» résultats obtenus ont été individuellement présentés à chacun des participants, les femmes ont davantage accusé le coup que les hommes: elles ont été plus promptes à reconnaître qu’elles étaient moins performantes que ce qu’elles croyaient, et puis à renoncer à passer d’autres tests permettant de décrocher de substantielles récompenses.

«Les femmes comblent l’écart entre la perception de soi et les commentaires de pairs plus vite que les hommes, ce qui démontre une plus grande sensibilité aux signaux sociaux», est-il ainsi noté dans l’étude.

La question saute dès lors aux yeux : cette «plus grande sensibilité» est-elle nécessairement une faiblesse au travail? Autrement dit, vaut-il mieux avoir un excès de confiance en soi (les hommes) ou plutôt une image assez juste de soi (les femmes)?

Selon l’équipe de chercheurs de Katherine Coffman, l’excès de confiance a un coût: à force d’ignorer ce que les autres disent de notre travail, on finit par accumuler les bévues et les erreurs, on voit sa performance aller en diminuant, et on court même le risque de frapper un mur. «À moyen et long terme, l’excès de confiance en soi n’est en rien un passeport pour la réussite», indique l’étude.

D’où l’intérêt d’accueillir d’une oreille attentive les commentaires négatifs, et le cas échéant, d’ajuster sa perception de soi avec un peu plus de précision. Les femmes ne sont pas désavantagées si des commentaires négatifs leur permettent d’être plus en phase avec leur travail. «En revanche, elles sont perdantes si les commentaires négatifs ébranlent leur confiance au point, par exemple, de renoncer à concourir pour une promotion ou à prendre en main un dossier important», illustre-t-elle.

Voilà pourquoi, ma chère Amina, vous ne devriez pas trop vous en faire. Oui, il y a sûrement du vrai dans ce qui vous a été communiqué, mais il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre, et encore moins grossir le trait de votre propre chef. Prenez conscience que votre «plus grande sensibilité» tend à vous faire exagérer la portée de la critique qui vous a été faite. Et regardez comment corriger le tir pour, disons, un des points qui ont été énumérés. Car cela va être un bon début pour positiver.

Mieux, considérez vos forces et vos compétences qui ne s’expriment peut-être pas encore pleinement au travail. Puis, identifiez une tâche ou un projet dans lequel vous pourriez faire briller tout votre talent. Ensuite, allez voir votre boss pour lui en parler: ensemble, vous trouverez sûrement le moyen de concrétiser ce beau plan, bénéfique pour vous-même comme pour toute l’équipe.