Une astuce consiste à adopter la méthode ABCD. (Photo: Campaign Creators pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Je dois bientôt faire une présentation orale importante au travail. Mais j’ai peur de bafouiller, de dire une bêtise, de me planter en beauté. Comment surmonter avec brio cette terrible épreuve pour moi?» – Vicky
R. – Chère Vicky, il existe une méthode assez simple pour gagner en confiance en soi avant de se lancer dans une présentation orale, qu’il s’agisse de prendre la parole en réunion, de s’adresser à un client potentiel important, ou encore de donner une conférence devant un large public. Cette méthode est intitulée ABCD et est signée par la Britannique Viv Groskop, comédienne, présentatrice à la radio et à la télévision, animatrice du balado «How To Own The Room» et auteure de plusieurs livres, en particulier «Happy High Status» dans lequel elle évoque le point qui nous intéresse. Regardons ça ensemble…
A pour Accordez-vous la priorité
Pour être en mesure de donner une bonne présentation orale, il faut que vous ayez bien en tête le fait que vous êtes la personne la plus importante du moment présent. Parce que vous avez une ou plusieurs informations que les autres n’ont pas et que vous allez partager avec eux. Parce que vous allez devenir le dépositaire de la parole: c’est vous qui allez parler, personne d’autre, et si jamais quelqu’un venait malgré tout à vous interrompre, vous avez le pouvoir – reconnu de tous implicitement – de le faire immédiatement taire et de reprendre la parole. Parce que vous avez toute liberté d’amener les autres là où vous le souhaitez, en leur glissant dans le crâne les idées que vous avez développées et mûries au préalable.
Bref, vous êtes important parce que vous avez un avantage énorme sur tous les autres, qu’on appelle en sport «avoir l’initiative»: c’est à vous de jouer et les autres vont devoir réagir à votre coup, si bien que vous êtes actif et les autres, seulement réactifs. Et le simple fait d’en avoir pleinement conscience peut suffire pour vous donner le cran nécessaire de monter sur scène le dos droit et les épaules carrées, sûr de vous-même si votre cœur bat la chamade.
B pour Barrez les influences externes
Il convient de vous mettre dans une bulle mentale juste avant et durant votre présentation orale. Car cela empêchera toute influence externe de saper votre confiance et votre assurance.
Quelqu’un vous pose une question en plein milieu de votre présentation? Vous prenez une respiration, vous indiquez que vous reviendrez sur ce point un peu plus tard, puis vous poursuivez. On vous interrompt de manière un peu abrupte? Vous prenez une respiration, vous indiquez que vous reviendrez sur ce point un peu plus tard, puis vous poursuivez. On vous fait carrément une critique ouverte? Vous prenez une respiration, vous indiquez que vous reviendrez sur ce point un peu plus tard, puis vous poursuivez.
«L’idée est de protéger votre ego: aucune question ou remarque ne doit vous atteindre, indique Viv Groskop. Pour ce faire, il suffit de ne pas prendre personnel ce qui est dit par autrui, de voir plutôt cette intervention comme l’expression du besoin d’approfondir un point précis de votre présentation, ce que vous pourrez très bien faire à la fin de celle-ci.»
Et d’ajouter: «Si jamais vous n’avez pas la réponse à la question soulevée, sachez qu’il vous suffit souvent de le reconnaître et d’indiquer que vous allez revenir sous peu avec la bonne réponse, dans les heures ou les jours qui viennent», note-t-elle.
C pour Compilez les bons points
En dépit des étapes A et B, il se peut qu’une petite voix intérieure s’évertue tout de même à saboter votre confiance en vous-même, à coups de remarques déstabilisantes du genre «Le prochain point que tu vas aborder, tu ne l’as pas assez travaillé et ça va te revenir en pleine face comme un boomerang» et autres «Le boss a le regard dans le vide depuis une minute, ça veut sûrement dire qu’il a repéré une erreur et qu’il va en faire part à tout le monde dans la prochaine minute».
Pour faire taire cette petite voix diabolique, il peut être bon de vous accrocher mentalement à une bouée de secours angélique, soit une pensée à la fois bienfaisante, et énergisante. Cette dernière peut revenir à un bon coup professionnel récent, ou encore à l’une de vos grandes qualités au travail. Par exemple, le temps d’un clin d’œil, songez à ce moment de la semaine passée où vous avez obtenu la signature d’un nouveau client, où vous avez bouclé un dossier important, ou bien où vous avez reçu une tape dans le dos encourageante de la part d’un collègue. Autre exemple: pensez à votre don pour rédiger des courriels simples et efficaces, pour répondre aux appels téléphoniques des clients ou pour faire sourire votre collègue préférée quand elle a un petit coup de blues.
Mine de rien, penser à l’un de ces «bons points» liés au travail – au besoin, les compiler mentalement en pleine présentation – devrait suffire à vous donner la force et l’élan nécessaires pour faire une bonne prestation, de bout en bout.
D pour Donnez de la place aux autres
Vous êtes au cœur de l’action, mais ça ne veut pas dire pour autant qu’il faut que tout tourne autour de vous. Votre mission véritable: briller devant tout le monde, mais sans éblouir quiconque. Il vous faut laisser de la place aux autres et à leurs idées.
«En vérité, nous détestons les personnes qui prennent toute la place, qui monopolisent la parole, qui cherchent à faire taire autrui, dit Viv Groskop. Et nous adorons celles qui éclairent, qui expliquent et qui écoutent ce que les autres ont à ajouter.»
Le mieux, pour y parvenir, c’est de ne surtout pas parler de soi, de ne pas parler au «je», mais toujours au «nous». Ce qui implique, de toute évidence, de se montrer authentique et ouvert.
Voilà, Vicky. La méthode ABCD devrait vous permettre de diminuer l’anxiété que vous ressentez à l’idée de prendre la parole devant les autres et de vous donner une vraie présence au moment de la prise de parole. Bien entendu, tout cela ne viendra pas du premier coup. Mais à force de faire des présentations orales, en toutes sortes de circonstances.
En passant, l’homme d’État français Lionel Jospin a dit dans «Le Temps de répondre»: «L’essentiel n’est pas de “parler haut”, mais de parler juste».