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Une PME veut lancer un service maritime d’ammoniac vert

François Normand|Publié le 21 février 2024

Une PME veut lancer un service maritime d’ammoniac vert

La société Teal, de Magog, veut construire une usine sur la Pointe-Noire, à Sept-Îles, afin de produire de l’ammoniac et de l’hydrogène verts avec un procédé d’électrolyse, et ce, en utilisant de l’hydroélectricité (150 MW) et de l’énergie éolienne autoproduite (400 MW). (Photo: Teal)

EXCLUSIF. En 2029, à partir de Sept-Îles, un bateau ravitailleur sillonnera le Saint-Laurent pour approvisionner en ammoniac vert des navires circulant sur le fleuve. Ce carburant de l’avenir dans l’industrie maritime permettra aux armateurs de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), alors que les normes environnementales sont de plus en plus strictes.

C’est du moins l’ambitieux projet que caresse Teal Chimie & Énergie inc. (TEAL), une entreprise de Magog, en Estrie, dont le président Jonathan Martel a dévoilé les grandes lignes à Les Affaires.

«On veut dire aux armateurs, ici et à l’étranger: on veut offrir ce service, et on pourra vous approvisionner», affirme l’entrepreneur, en précisant que ce service ne verra toutefois le jour qu’à la fin de la décennie.

En mai 2022, Teal avait annoncé qu’elle voulait produire de l’hydrogène et de l’ammoniac verts dans la zone industrialo-portuaire de Sept-Îles, mais sans offrir un service de ravitaillement maritime.

Ce projet nécessitait un bloc d’électricité de 550 mégawatts (MW).

Toutefois, devant l’incapacité d’obtenir en totalité cette énergie du gouvernement Québec (la demande des industriels dépasse de loin l’offre d’Hydro-Québec), l’entreprise a dû retourner à la planche à dessin afin bonifier son projet.

D’une part, en offrant ce service de ravitaillement maritime et, d’autre part, en misant en grande partie sur l’autoproduction d’énergie éolienne avec un partenaire américain, qui a aussi une expertise en chimie pour produire de l’ammoniac vert.

Cet ammoniac vert est destiné en particulier aux grands armateurs internationaux tels que Maersk, Euronav, CMB, NYK et Exmar, dont la plupart sillonnent régulièrement le fleuve Saint-Laurent.

«Plusieurs armateurs dans le monde ont passé des commandes pour la construction de 130 à 150 navires dotés de moteurs qui peuvent consommer de l’ammoniac vert ou des carburants biénergie contenant de l’ammoniac vert», souligne Jonathan Martel.

Habituellement, l’ammoniac est produit avec du gaz naturel classique fossile, un procédé qui émet donc des GES.

Dans sa future usine qui sera construite sur la Pointe-Noire à Sept-Îles, Teal compte y produire de l’ammoniac et de l’hydrogène verts avec un procédé d’électrolyse, et ce, en utilisant de l’hydroélectricité (150 MW) et de l’énergie éolienne autoproduite (400 MW).

«Nous espérons avoir un 150 MW d’énergie auprès du réseau public d’Hydro-Québec», confie Jonathan Martel.

Dans la phase 1, l’usine produira 400 000 tonnes d’ammoniac et 80 000 tonnes d’hydrogène vert.

Selon l’Organisation maritime internationale (OMI), une tonne de combustible fossile émet grosso modo 3,2 tonnes de CO2.

Teal estime que son initiative pourrait éliminer environ 640 000 tonnes de CO2 dans l’industrie maritime au Québec.

 

Un projet industriel et maritime évalué à 1,5G$

La nouvelle mouture du projet de Teal s’élève à 1,5 milliard de dollars canadiens, dont 120 millions de dollars pour la construction d’un navire ravitailleur de 130 mètres de long.

Teal prévoit débuter la production et la commercialisation d’ammoniac et d’hydrogène verts en 2029, quand son navire ravitailleur sera prêt.

Son bateau pourra s’amarrer aux navires qui se déplacent sur le Saint-Laurent afin de remplir leur réservoir à l’aide d’un système de tuyaux mobiles.

Le bateau de Teal pourra aussi approvisionner des navires quand ils seront amarrés dans un port, comme celui de Québec, par exemple.

 

Le futur bateau ravitailleur de Teal, dont le port d’attache sera à Sept-Îles, ressemblera à ce navire. (Source: Teal)

La multinationale américaine Trammo, qui transporte, négocie et commercialise des matières premières dans le monde, aidera Teal à commercialiser ses carburants verts dans le secteur maritime au Québec en priorité, mais sans doute également à l’étranger.

«Si elles le souhaitent, des entreprises industrielles de la Côte-Nord pourront aussi consommer de l’ammoniac et l’hydrogène verts afin de décarboner leur processus de production», précise Jonathan Martel.

 

Deux actionnaires, bientôt peut-être trois

Pour l’instant, Teal compte uniquement deux actionnaires, dont Jonathan Martel, selon le Registraire des entreprises.

Président de Teal depuis 2020, ce dernier œuvre depuis près de 20 ans dans le domaine de l’environnement, d’abord comme gestionnaire puis à titre de consultant. Il a entre autres été directeur de la division Côte-Nord de la multinationale française Veolia, qui offre des services de gestion de l’eau, de l’énergie et du recyclage des déchets.

Le second actionnaire est l’Américain Philippe Machuel, établi en Caroline du Nord. Sa société, Shelly North Carolina, offre des solutions informatiques qui intègrent l’intelligence artificielle. Il est aussi membre fondateur de l’Ecoland Institute.

Un troisième partenaire pourrait bientôt entrer dans le capital-actions de la société de Magog, selon Jonathan Martel.

Il s’agit de l’entreprise américaine qui doit construire un parc éolien de 350 MW à l’est de Sept-Îles pour alimenter l’usine en énergie propre, mais dont le patron de Teal préfère taire son nom pour l’instant.

Jonathan Martel souhaite d’ailleurs que des communautés innues puissent devenir en partie des actionnaires dans ce futur parc éolien.

L’entrepreneur estime que le futur crédit d’impôt pour l’énergie propre du gouvernement fédéral aidera Teal à mener à terme son ambitieux projet, tout comme le prix du carbone qui est appelé à augmenter dans les prochaines années.

Une hausse prévisible qui devrait inciter les armateurs à décarboner leurs activités.