Protecteur du citoyen: cas flagrant de favoritisme politique
La Presse Canadienne|Publié le 17 novembre 2022Des millions de dollars de fonds publics sont en cause, révèle le Protecteur du citoyen dans les conclusions de son enquête, qui est avare de détails. (Photo: La Presse Canadienne)
Québec — Un cas flagrant de favoritisme politique au sein du ministère de l’Éducation a été documenté et dénoncé par le Protecteur du citoyen, jeudi.
Dans un communiqué rendu public en matinée, le Protecteur du citoyen n’a pas voulu identifier le ministère impliqué dans cette affaire, pour protéger l’identité du lanceur d’alerte qui a demandé et obtenu la tenue d’une enquête.
Mais en fin de journée, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a fait savoir par communiqué qu’il s’agissait de son ministère et que la demande d’enquête datait de février 2018, donc sous l’administration du gouvernement libéral de Philippe Couillard, défait en octobre 2018.
Sauf que les correctifs dans la gestion du programme en question n’ont été apportés que tout récemment, en avril 2022, donc sous l’administration de François Legault, précise M. Drainville. D’octobre 2018 à octobre 2022, le ministère de l’Éducation était dirigé par Jean-François Roberge. De 2016 à 2018, c’était le libéral Sébastien Proulx.
Il s’agit, selon le Protecteur du citoyen, d’un «cas grave de mauvaise gestion» impliquant du personnel politique au sein du cabinet du ministère.
Des millions de dollars de fonds publics sont en cause, révèle le Protecteur du citoyen dans les conclusions de son enquête, qui est avare de détails.
Cette enquête conclut qu’un cabinet politique a favorisé, sans justification et souvent au mépris des recommandations des fonctionnaires, le versement de sommes à certains organismes sans but lucratif, des sommes pigées à même un programme dont le budget total s’élève à 60 millions $. Les montants en cause ne sont pas spécifiés, la fréquence ou le nombre de versements non plus.
Pratiques inéquitables et nombreuses irrégularités ont été observées dans l’octroi des sommes versées à plusieurs organismes, et ce, à répétition.
«Dans plusieurs situations, des organismes ont véritablement bénéficié d’un traitement de faveur», écrit le Protecteur dans un communiqué de presse, en constatant que «les autorités politiques ont empiété sur les rôles de l’appareil administratif pour influencer les décisions d’octroi d’aide financière».
Les «relations de proximité» entre le personnel politique et les dirigeants des organismes en question ont fait en sorte que les décisions étaient prises au niveau politique, alors que l’étude des dossiers aurait dû normalement passer par le palier administratif.
Le stratagème allait jusqu’à transformer des «recommandations au ministre de ne pas octroyer de subvention» en «recommandations positives».
Des organismes ont même reçu de l’aide financière du gouvernement sans jamais avoir déposé de demande en ce sens ou présenté de projet.
«Les hautes autorités n’ont pas veillé à la saine gestion administrative des fonds publics consacrés au programme», tranche le Protecteur, qui a formulé neuf recommandations à l’instance visée.
Le ministre Drainville se montre rassurant sur la suite des choses, en affirmant que certaines recommandations ont été suivies et que «le programme est déjà en train d’être encadré et ce processus se poursuivra au cours des prochains mois».
Il énumère certains des organismes qui ont bénéficié du programme ces dernières années, dont le Club des petits déjeuners du Canada, Allo Prof, la Cantine pour tous et la Fiducie d’éducation des adultes des Premières Nations. La liste exhaustive n’est pas disponible, mais elle devrait l’être «sous peu», promet-il.
Les libéraux réclament une tête
En point de presse sur l’heure du midi, au terme d’un caucus de trois jours des députés libéraux, le chef de l’opposition par intérim, Marc Tanguay, demandait au premier ministre François Legault de révéler l’identité du cabinet fautif, du ministre impliqué et des organismes qui «ont été arrosés» financièrement par l’État, sans nécessairement y avoir droit.
Sur le plan de l’éthique, les faits révélés sont «extrêmement troublants», a commenté M. Tanguay, en demandant au premier ministre «de faire toute la lumière là-dessus rapidement».
Il réclame des sanctions pour les fautifs, incluant «la destitution» du ministre impliqué dans cette affaire.