L'augmentation marquée des droits de douane appliqués équivaut à 18 milliards de dollars américains de produit chinois. (Photo: 123RF)
La Maison-Blanche a annoncé mardi une augmentation marquée des droits de douane appliqués à l’équivalent de 18 milliards de dollars américains (G$US) de produit chinois, afin de «protéger les entreprises et travailleurs américains» d’une concurrence jugée «déloyale» par Washington.
Ces nouveaux droits de douane concernent près d’une dizaine de secteurs industriels considérés comme « stratégiques », tels que les semi-conducteurs, les minéraux critiques, les produits médicaux ou encore les véhicules électriques, ces derniers voyant par exemple leurs droits de douane passer de 25% à 100%.
Une décision qui «affectera gravement l’atmosphère de la coopération bilatérale», a aussitôt affirmé le ministère chinois du Commerce dans un communiqué, appelant les États-Unis « à revenir immédiatement sur leurs actions erronées et à annuler les mesures tarifaires supplémentaires contre la Chine ».
Exprimant sa «forte désapprobation», Pékin a par ailleurs souligné que «l’OMC a depuis longtemps conclu» que les tarifs américains «violent ses règles», mais «les États-Unis persistent dans leurs erreurs encore et encore».
La veille, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, avait souligné la nécessité, pour la Maison-Blanche, de «s’assurer que le stimulus apporté par l’IRA (le grand plan vert voté il y a un an, NDLR) pour soutenir ces industries, que ces investissements soient protégés».
Le gouvernement américain a en effet investi plus de 860G$US, via l’IRA, afin d’accélérer la production de voitures électriques, batteries pour véhicules, mais aussi panneaux solaires ou éoliennes «made in America».
Mais Washington accuse Pékin de soutenir fortement ses industries dans ces secteurs considérés comme stratégiques, avec d’importantes subventions qui entraînent une surproduction que les entreprises chinoises écoulent sur le marché mondial en cassant les prix, empêchant du même coup le développement d’industries concurrentes dans d’autres pays.
Une crainte partagée par l’Union européenne et d’autres pays, tels que la Turquie, le Brésil ou l’Inde, a souligné un responsable américain lors d’une conférence de presse téléphonique.
Ces droits de douane visent donc à «éliminer les pratiques commerciales déloyales, que ce soit concernant le transfert de technologies, la propriété intellectuelle ou l’innovation», a justifié la Maison-Blanche dans son communiqué.
Au-delà du quadruplement sur les véhicules électriques, Washington fait passer ceux visant l’acier et l’aluminium de 7,5% à 25%, tout comme pour les batteries, et ceux pour les semi-conducteurs de 25% à 50%, également appliqués désormais aux panneaux solaires et certains produits médicaux.
La directrice du Conseil national économique rattaché à la Maison-Blanche, Lael Brainard, a justifié ces choix par le fait que la Chine «finance sa croissance aux dépens des autres».
«Protéger l’industrie»
«Du fait de ses pratiques déloyales, la Chine disposera d’une capacité de production de panneaux solaires qui sera plus que deux fois supérieure à la demande mondiale anticipée à court terme», a ajouté Mme Brainard.
Dans une note, les économistes d’Oxford Economics ont estimé que ces mesures étaient «plus symboliques qu’autre chose», du point de vue de l’économie américaine, et «n’auront pas d’impact notable sur l’inflation américaine ou le PIB, selon nos modèles».
Mais ces droits de douane peuvent «renforcer les outils à disposition du gouvernement pour accélérer la relocalisation ou le « friendshoring » (l’installation dans des pays géographiquement ou idéologiquement proches, NDLR) de la production des secteurs considérés comme stratégiques», a de son côté jugé Emily Benson, chercheuse pour le CSIS, interrogée par l’AFP.
«C’est un signal aux constructeurs américains que l’administration Biden cherche à (les) protéger», a pour sa part souligné auprès de l’AFP Paul Triolo, chercheur spécialisé sur la Chine pour Albright Stonebridge Group.
Mais le véritable impact pour les groupes américains pourrait concerner les droits de douane appliqués aux batteries et aux chaînes d’approvisionnement, «du fait de la domination chinoise dans ces secteurs», a-t-il ajouté.
La décision intervient à l’occasion de la revue de l’enquête dans le cadre de la section 301, outil utilisé par l’ancien président, Donald Trump, pour imposer des droits de douane supplémentaires sur l’équivalent de 300G$US de produits chinois importés aux États-Unis.
Lors de son arrivée au pouvoir, Joe Biden avait annoncé que son administration reverrait ces droits de douane afin de déterminer s’ils devaient perdurer ou non.
Un responsable américain a cependant souligné qu’ils étaient tous maintenus, avec donc les 18G$US ajoutés annoncés mardi.
Les États-Unis ont cherché à minimiser le risque d’une réplique chinoise, Mme Yellen la jugeant «possible», mais faisant le pari que la Chine prendra en compte l’aspect «ciblé sur nos préoccupations et non larges».
La surproduction chinoise est d’ailleurs un sujet sur lequel Washington a régulièrement exprimé ses inquiétudes, Mme Yellen abordant de nouveau le sujet lors de sa dernière visite en Chine, début avril.