La «Zone bleue» du Saint-Laurent, nouvelle zone d’innovation
François Normand|Édition de la mi‑septembre 2023Si l’économie bleue était un pays, elle serait la septième économie de la planète, selon le World Wide Fund for Nature (WWF). (Photo: 123RF)
Le Québec est un leader du Canada dans plusieurs domaines, comme l’aérospatiale, les mines ou la production d’énergie renouvelable. En revanche, dans le secteur de l’économie bleue, soit l’exploitation des ressources marines, le Québec est dernier de classe au pays. Mais pas pour bien longtemps, car le gouvernement Legault créera bientôt la « Zone bleue » du Saint-Laurent, une nouvelle zone d’innovation, afin de valoriser ce joyau sous-exploité de notre économie.
« La création de cette zone envoie un signal d’un meilleur partage des risques afin de rendre les entreprises de l’économie bleue au Québec plus agiles et efficaces », dit Martin Beaulieu, PDG de Novarium, un organisme de Rimouski qui sera le centre névralgique de la Zone bleue et dont la mission sera de stimuler la recherche et le développement, puis la création et la croissance d’entreprises dans cet écosystème.
À ses yeux, la mise en valeur de cet écosystème permettra aussi de mieux positionner le Québec en matière d’économie bleue sur la planète, alors que cette industrie est en ébullition, notamment parce qu’il faudra nourrir quelque neuf milliards d’humains en 2030.
En août, Novarium a d’ailleurs conclu un partenariat avec Fórum Oceano, l’organisation qui gère la grappe de l’économie bleue au Portugal.
Selon la Banque mondiale, l’économie bleue est « l’utilisation durable des ressources océaniques pour la croissance économique, l’amélioration des moyens de subsistance et des emplois, tout en préservant la santé de l’écosystème océanique ».
Cet écosystème est énorme. Si l’économie bleue était un pays, elle serait la septième économie de la planète, selon le World Wide Fund for Nature (WWF).
Au Canada, l’économie bleue contribue en moyenne à 1,6 % du PIB, selon une analyse de Pêches et Océans Canada. Toutefois, à l’échelle des provinces et des territoires ayant un accès à la mer, le Québec est dernier de classe, à 0,6 %.
À titre de comparaison, Terre-Neuve-et-Labrador arrive au premier rang, à 20,3 %, suivi par la Nouvelle-Écosse (11,2 %) et l’Île-du-Prince-Édouard (9,4 %).
Joint par « Les Affaires », le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon — de qui relève les zones d’innovation au Québec —, n’était pas disponible pour expliquer sa vision à long terme pour dynamiser davantage cet écosystème au Québec. Le ministère de l’Économie n’a par ailleurs pas de cible de PIB.
Novarium, pour sa part, espère pour sa part que le Québec rattrapera la moyenne canadienne (1,6 %) d’ici 2026.
Cet été, Québec a indiqué à « Les Affaires » que la Zone bleue verra sans doute le jour en 2024.
Des investissements de 1 milliard sur cinq ans
Actuellement, plus de 1000 entreprises génèrent déjà des retombées annuelles de 2,5 milliards de dollars (G$) par année dans le Québec maritime.
Toutefois, quand la zone sera officiellement en place, cet écosystème prendra de l’expansion grâce à des investissements publics et privés de 1 G$ sur cinq ans (équipements, usines, infrastructures, etc.), explique Martin Beaulieu, l’ancien PDG de la Société de promotion économique de Rimouski (SOPER), qui a créé Novarium en 2022.
Au chapitre des infrastructures, cette enveloppe comprend par exemple la revitalisation du port de Rimouski (qui a été annoncée en 2022), mais surtout des infrastructures consacrées au développement de l’aquaculture et au lancement rapide des start-ups en biotechnologies marines.
« Ces investissements excluent toutefois les grands projets portuaires, comme celui du terminal du port de Montréal à Contrecœur », précise Martin Beaulieu.
Ces investissements seront effectués à parts égales (33 %) par le gouvernement du Québec, les entreprises privées ainsi que par les municipalités, les régions et le gouvernement fédéral.
En mars 2020, Ottawa a cédé officiellement à Québec la propriété de quatre ports dans l’écosystème du Saint-Laurent : Gros-Cacouna, Rimouski, Matane et Gaspé, et s’est engagé à investir 163 millions de dollars (M$) pour les développer. Comme quoi l’idée de mieux valoriser l’économie bleue germe depuis un certain temps.
Pour stimuler l’économie bleue, Novarium mise aussi sur son accélérateur marin Flots, qui aide les start-ups, les investisseurs et les industriels à accélérer le développement et la commercialisation de leurs innovations.
Cet accélérateur a contribué à lancer plusieurs PME prometteuses, comme Chasse-Marée (alimentation haut de gamme), Whale Seeker (logiciel de repérage s’appuyant sur l’intelligence artificielle) ou Devocean Solutions (solutions technologiques dans le domaine maritime).