Ukraine: la Russie tente de couper l’accès à la mer
AFP et La Presse Canadienne|Publié le 03 mars 2022«Je dois parler à Poutine (…), car c'est le seul moyen d'arrêter cette guerre», a déclaré le président ukrainien Zelensky lors d'une conférence de presse. (Photo: 123RF)
Ce texte regroupe tous les derniers développements à propos de l’invasion de la Russie en Ukraine en date du 3 mars. Pour retrouver toute notre couverture sur le conflit, c’est ici. NDLR. Certains contenus sont explicites et peuvent être difficiles à lire.
15h40 | Kyiv — Les forces russes se sont battues jeudi pour le contrôle d’une ville productrice d’énergie cruciale dans le sud de l’Ukraine et ont gagné du terrain dans leur tentative de couper le pays de la mer, alors que les dirigeants ukrainiens appelaient les citoyens à se soulever et à mener une guérilla contre les envahisseurs.
Les combats à Enerhodar, une ville sur les côtes du fleuve Dniepr qui représente environ un quart de la production d’électricité du pays, sont survenus tandis qu’une autre série de pourparlers entre les deux parties a abouti à un accord de principe pour mettre en place des couloirs sécuritaires à l’intérieur de l’Ukraine pour évacuer les civils et livrer l’aide humanitaire.
Le maire d’Enerhodar, le site de la plus grande centrale nucléaire d’Europe, a déclaré que les forces ukrainiennes combattaient les troupes russes à la périphérie de la ville. Une vidéo montrait des flammes et des nuages de fumée noire s’élevant au-dessus de la ville de plus de 50 000 habitants, avec des gens qui s’éloignaient des flammes, passant devant des voitures accidentées, alors que les sirènes hurlaient.
L’avancée terrestre de Moscou sur la capitale ukrainienne dans le nord est apparemment au point mort, avec une énorme colonne blindée à l’arrêt à l’extérieur de Kyiv. Et la résistance plus ferme que prévu des Ukrainiens en sous-effectif et en sous-armement a empêché la victoire rapide à laquelle la Russie aurait pu s’attendre.
Un officier supérieur russe, le général Andrei Sukhovetsky, commandant d’une division aéroportée, a été tué dans les combats plus tôt cette semaine, a rapporté une organisation d’officiers en Russie.
Mais les Russes ont mis à profit leur puissance de feu supérieure au cours des derniers jours, lançant des centaines de missiles et des attaques d’artillerie sur des villes et d’autres sites à travers le pays et réalisant des gains importants sur le terrain dans le sud dans le cadre d’un effort visant à rompre la connexion de l’Ukraine aux mers Noire et Azov.
Couper son accès au littoral porterait un coup paralysant à son économie et permettrait à la Russie de construire un corridor terrestre vers la Crimée, dont Moscou a pris le contrôle en 2014.
Un haut responsable américain de la défense, s’exprimant sous couvert d’anonymat pour discuter de questions militaires, a déclaré que la prise de la Crimée par la Russie lui donnait un avantage logistique dans cette partie du pays, avec des lignes d’approvisionnement plus courtes qui y ont facilité l’offensive.
Les Russes ont annoncé la capture de la ville méridionale de Kherson, et les responsables ukrainiens locaux ont confirmé que les forces ont pris le contrôle du siège du gouvernement local dans le port vital de la mer Noire de 280 000 habitants, ce qui en fait la première grande ville à tomber depuis le début de l’invasion il y a une semaine.
De violents combats se sont poursuivis à la périphérie d’un autre port stratégique, Marioupol, sur la mer d’Azov, le plongeant dans l’obscurité, coupant la plupart des services téléphoniques et faisant craindre des pénuries de nourriture et d’eau. Sans connexions téléphoniques, les médecins ne savaient pas où emmener les blessés.
Le deuxième cycle de pourparlers entre les délégations ukrainienne et russe s’est tenu au Bélarus voisin. Mais les deux parties avaient peu de terrain d’entente au début de la réunion, et le président russe Vladimir Poutine a averti l’Ukraine qu’elle devait rapidement accepter la demande du Kremlin pour sa « démilitarisation » et se déclarer neutre, en renonçant à sa candidature à l’OTAN.
Le président Poutine a déclaré au président français Emmanuel Macron qu’il était déterminé à poursuivre son attaque « jusqu’au bout », selon le bureau de M. Macron.
L’évacuation massive a pu être observée à Kharkiv, une ville d’environ 1,4 million d’habitants. Les habitants désespérés d’échapper aux obus et aux bombes qui tombaient se pressaient dans la gare de la ville et dans les trains, ne sachant pas toujours où ils se dirigeaient.
Au moins 227 civils ont été tués et 525 autres blessés au cours de cette période, selon les derniers chiffres du bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Il reconnaît qu’il s’agit d’un vaste sous-dénombrement, et l’Ukraine a déclaré plus tôt que plus de 2000 civils étaient morts. Ce chiffre n’a pas pu être vérifié de manière indépendante.
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, a déclaré que l’Occident a continuellement armé l’Ukraine, formé ses troupes et construit des bases là-bas pour faire de l’Ukraine un rempart contre la Russie.
Les États-Unis et leurs alliés ont insisté sur le fait que l’OTAN est une alliance défensive qui ne constitue pas une menace pour la Russie. Et l’Occident craint que l’invasion de la Russie ne vise à renverser le gouvernement ukrainien et à installer un gouvernement ami — bien que M. Lavrov ait déclaré que Moscou laisserait les Ukrainiens choisir leur gouvernement.
Plus tôt jeudi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré que les forces terrestres russes étaient au point mort et que Moscou déchaînait maintenant des attaques aériennes, mais qu’elles étaient parées par les systèmes de défense ukrainiens, y compris à Kherson.
«Kyiv a résisté à la nuit et à une autre attaque au missile et à la bombe. Nos défenses aériennes ont fonctionné, a-t-il déclaré. Kherson, Izyum – toutes les autres villes que les occupants ont frappées depuis les airs n’ont rien cédé.»
Le maire de Kyiv, Vitali Klitschko, a dit que les explosions entendues dans la nuit dans la capitale ukrainienne étaient des missiles russes abattus par des systèmes de défense aérienne.
L’isolement de Moscou s’est approfondi lorsque la majeure partie du monde s’est alignée contre elle aux Nations unies pour exiger qu’elle se retire de l’Ukraine. Le procureur de la Cour pénale internationale a ouvert une enquête sur d’éventuels crimes de guerre. Et dans un renversement étonnant, le Comité international paralympique a interdit aux athlètes russes et biélorusses des Jeux paralympiques d’hiver.
Alors que Moscou a semé la dévastation dans les villes ukrainiennes, les sanctions mondiales ont plongé l’économie russe plus profondément dans la crise.
Le rouble, qui s’est effondré depuis l’invasion, a encore perdu 15% par rapport au dollar américain tandis que l’économie a subi un autre coup dur lorsque deux agences de notation ont réduit la cote de crédit de la Russie, affirmant que l’invasion et les sanctions occidentales ont nui à la capacité de Moscou à rembourser ses dettes et augmenté les risques pour l’économie et la stabilité.
La Russie a fait état de ses pertes militaires mercredi pour la première fois de la guerre, affirmant que près de 500 de ses soldats ont été tués et près de 1600 blessés. L’Ukraine n’a pas divulgué ses propres pertes militaires.
L’état-major militaire ukrainien a affirmé dans un message sur Facebook que les forces russes avaient subi quelque 9000 pertes dans les combats. Il n’a pas précisé si ce chiffre comprenait à la fois les soldats tués et blessés.
Dans une adresse vidéo à la nation jeudi matin, M. Zelensky a salué la résistance de son pays.
«Nous sommes un peuple qui en une semaine a détruit les plans de l’ennemi, a-t-il déclaré. Ils n’auront pas la paix ici. Ils n’auront pas de nourriture. Ils n’auront pas ici un seul moment de calme.»
Il a ajouté que les combats nuisaient au moral des soldats russes, qui « vont dans les épiceries et essaient de trouver quelque chose à manger ».
«Ce ne sont pas les guerriers d’une superpuissance, a-t-il dit. Ce sont des enfants confus qui ont été utilisés.»
Aux confins de Kyiv, des volontaires bien au-delà de la soixantaine ont tenu un poste de contrôle pour tenter de bloquer l’avancée russe.
«Dans ma vieillesse, j’ai dû prendre les armes », a déclaré Andrey Goncharuk, 68 ans. Il a ajouté que les combattants avaient besoin de plus d’armes, mais «nous allons tuer l’ennemi et prendre ses armes ».
33 morts dans une frappe russe
13h12 | Kyiv — Les négociateurs russes et ukrainiens se sont entendus jeudi sur des «couloirs humanitaires» pour l’évacuation des civils, alors que l’armée russe intensifie ses frappes sur les villes ukrainiennes, dont l’une a fait 33 morts dans une zone résidentielle de Tcherniguiv, dans le nord du pays.
Les négociateurs des deux pays s’étaient retrouvés à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie pour cette deuxième tentative, lors de laquelle Kyiv espérait obtenir une trêve. «Malheureusement, il n’y a pas encore les résultats escomptés pour l’Ukraine. Il n’y a qu’une solution pour organiser des couloirs humanitaires», a écrit sur Twitter Mikhaïlo Podoliak, un membre de la délégation ukrainienne.
Au même moment, dans des déclarations retransmises à la télévision russe, Vladimir Poutine n’avait donné aucun espoir.
«Néonazis et mercenaires étrangers»
Le président russe Vladimir Poutine a assuré jeudi que «l’opération militaire» en Ukraine se déroulait «selon le plan», martelant y combattre des «néonazis» pour sauver Russes et Ukrainiens, qui ne forment selon lui «qu’un seul peuple».
«L’opération militaire spéciale se déroule strictement selon le calendrier, selon le plan», a-t-il déclaré, rendant hommage aux soldats russes et à leur «précieux combat contre des néonazis» et des «mercenaires étrangers» qui utilisent selon lui les civils comme «boucliers humains» en Ukraine.
C’est bien une zone résidentielle que la partie ukrainienne accuse l’armée russe d’avoir visé jeudi à Tcherniguiv, sur la route de Kyiv, faisant 33 morts selon un denier bilan.
Saluant le «courage» des soldats russes qu’il a qualifiés de «vrais héros», M. Poutine a assuré qu’ils «se battent fermement avec une compréhension totale de la justesse de leur cause».
«Je n’abandonnerai pas la conviction que les Russes et les Ukrainiens sont un seul peuple», a-t-il encore dit.
Le président russe a annoncé des compensations financières aux soldats russes tués ou blessés en Ukraine, mais aussi à ceux qui y sont toujours déployés.
La Russie a affirmé mercredi que 498 soldats russes avaient été tués et 1 597 autres blessés.
M. Poutine a salué leur «précieux combat contre des néonazis» et des «mercenaires étrangers» qui utilisent les civils comme «boucliers humains».
Kyiv affirme qu’au moins 350 civils ont été tués dans l’invasion russe.
Outre des habitations, «l’aviation russe a attaqué deux écoles du quartier de Stara Podsoudovka», a écrit le gouverneur local, Viatcheslav Tchaous sur son compte Telegram, publiant des images de bâtiments éventrés.
Des images du service des situations d’urgence montraient notamment des sauveteurs transportant des corps.
Quelques heures auparavant, M. Poutine avait douché les espoirs de médiation du président français Emmanuel Macron, lui déclarant au téléphone que la Russie avait «l’intention de poursuivre sans compromis son combat contre les membres des groupes nationalistes qui commettent des crimes de guerre», et répétant son exigence d’une démilitarisation et d’un statut neutre pour l’Ukraine, selon le Kremlin.
«Le pire est à venir», M. Poutine veut «prendre le contrôle» de toute l’Ukraine, avait jugé le président français après cet appel, selon l’Élysée.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, devenu un héros dans son pays, a de son côté mis le maître du Kremlin au défi de le rencontrer. «Je dois parler à Poutine (…), car c’est le seul moyen d’arrêter cette guerre», a-t-il lancé à Kyiv.
«Des centaines voire des milliers» de victimes
Les États-Unis «soutiendront les efforts diplomatiques» pour obtenir un cessez-le-feu avec Moscou, même si «c’est beaucoup plus difficile d’y parvenir quand les tirs résonnent et les chars avancent», avait déclaré avant le nouveau round de négociations le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken.
«Des centaines voire des milliers de civils ont été tués et blessés», a-t-il déploré. Personne n’a avancé jusqu’ici d’estimation pour le bilan global du conflit.
M. Blinken entamait jeudi une tournée incluant Pologne, pays baltes et Moldavie.
Cette dernière, qui craint d’être la prochaine cible de Moscou, a annoncé jeudi avoir déposé officiellement sa candidature à l’entrée dans l’Union européenne, tout comme la Géorgie.
Zelensky veut parler à Poutine, «seul moyen d’arrêter la guerre»
11h07 | Kyiv — Le président ukrainien a appelé jeudi les Occidentaux à accroître leur soutien, martelant que si son pays était défait par la Russie, elle s’attaquerait au reste de l’Europe de l’Est pour arriver «jusqu’au mur de Berlin».
«Si nous disparaissons, que Dieu nous protège, ensuite ce sera la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie, etc. Jusqu’au mur de Berlin, croyez-moi», a dit Volodymyr Zelensky, estimant que le Kremlin pourrait avoir pour objectif de reconstruire toute la sphère d’influence européenne de l’URSS.
Il a aussi appelé les Occidentaux à imposer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de son pays.
«Et si vous n’avez pas la force pour fermer le ciel, alors donnez-moi des avions!», s’est-il exclamé.
Le président ukrainien a aussi déclaré être prêt à parler à Vladimir Poutine.
«Je dois parler à Poutine (…) parce que c’est le seul moyen d’arrêter cette guerre», a-t-il dit, «il faut parler sans condition, sans rancœur, comme des hommes».
Mais M. Zelensky a aussi interpellé son homologue qui a ordonné l’invasion de son pays il y a une semaine: «Tu veux quoi de nous? Pars de notre terre!»
Avant de lancer: «Assieds-toi avec moi (…), mais pas à trente mètres comme avec (Emmanuel) Macron ou (Olaf) Scholz. Je suis un gars normal, je ne mords pas!».
Il se moquait ainsi de la très longue table à laquelle le président russe reçoit ses hôtes russes comme étrangers du fait du protocole sanitaire drastique pour le protéger de la COVID-19.
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Début de nouveaux pourparlers
10h21 | Kyiv — Les nouveaux pourparlers entre la Russie et l’Ukraine, à la frontière entre le Bélarus et la Pologne ont débuté, au huitième jour de l’invasion russe, a annoncé jeudi le conseiller de la présidence ukrainienne Mikhaïlo Podoliak.
«Nous commençons à discuter avec les représentants russes. Les points clés à l’agenda sont un cessez-le-feu immédiat, un armistice et des couloirs humanitaires pour l’évacuation des civils des villes et villages détruits ou constamment bombardés», a dit M. Podoliak sur Twitter, publiant une photo des membres des deux délégations à la table des négociations.
La télévision russe a également montré les membres des deux délégations se serrant la main avant de s’asseoir, les Russes en tenue formelle et les Ukrainiens en tenue militaire kaki.
Dans de nombreuses villes d’Ukraine, visées par les bombes russes ou encerclées, la situation humanitaire s’est considérablement dégradée.
Dans le sud, la ville portuaire stratégique de Marioupol est quasi coupée du monde et subit d’intenses bombardements, la ville de Kharkiv, la deuxième du pays, subit elle aussi un pilonnage depuis plusieurs jours.
Le site retenu pour les négociations est situé dans la région bélarusse de Brest, à Belovejskaïa Poucha, une localité proche de la frontière avec la Pologne, selon le Bélarus et la Russie.
Selon le négociateur russe Vladimir Medinski, ce lieu convient à la délégation ukrainienne notamment parce qu’elle s’y rend via la Pologne.
La partie russe a trois dossiers sur la table portant sur «l’aspect militaro-technique, l’humanitaire et l’international ainsi que le politique», a dit l’envoyé du Kremlin, sans donner plus de précisions.
La veille, il avait indiqué que les conversations porteraient sur les aspects nécessaires à «un cessez-le-feu».
Une première rencontre s’était terminée lundi sans avancées concrètes, mais les deux parties s’étaient entendues sur le principe d’un deuxième rendez-vous.
Le pire est à venir, selon Macron
10h00 | Paris — Emmanuel Macron pense que «le pire est à venir» en Ukraine après son échange avec Vladimir Poutine, qui a fait part de «sa très grande détermination» à poursuivre son offensive, dont le but est «de prendre le contrôle» de tout le pays, selon l’Élysée.
Lors d’une discussion téléphonique de 1h30, le président russe a affirmé à son homologue français que l’opération de l’armée russe se développait «selon le plan» prévu par Moscou et qu’elle allait «s’aggraver» si les Ukrainiens n’acceptaient pas ses conditions, a indiqué la présidence. «L’anticipation du président (Macron) est que le pire est à venir compte tenu de ce que lui a dit le président Poutine», selon l’Élysée.
C’est Vladimir Poutine qui a pris l’initiative de cet échange, le troisième depuis le début de l’invasion le 24 février, afin d’«informer» Emmanuel Macron «de la situation et de ses intentions dans le cadre du dialogue franc» entre eux deux, a souligné la présidence.
Aux accusations du premier sur les Ukrainiens, le Français «lui a répondu qu’il commettait une erreur grave sur le régime ukrainien», qui «n’est pas nazi». «Tu te racontes des histoires, tu recherches des prétextes», lui a-t-il dit, a rapporté l’Élysée, en l’invitant «à ne pas se mentir».
«Cet entretien a permis de revenir sur les désaccords, de dire la vérité au président Poutine», mais aussi «malheureusement», de constater «sa détermination à poursuivre l’opération militaire jusqu’au bout». «Les Ukrainiens se battent courageusement. Rien n’est acquis, mais le rapport de force est très démesuré», a précisé l’Élysée, en soulignant «le pessimisme» d’Emmanuel Macron à l’issue de la discussion.
«Nous allons durcir les sanctions» contre la Russie, a par ailleurs réaffirmé la présidence, en estimant qu’il s’agissait «d’un outil très puissant comme on le voit dans l’effondrement du rouble».
Paris juge par ailleurs «très significative» la décision de la Chine de s’abstenir à l’ONU, où une résolution exigeant l’arrêt «immédiat» de la force contre l’Ukraine, a été adoptée à une écrasante majorité. «Nous sommes intéressés par le fait que la Chine ait proposé sa médiation» et «sommes en contact avec les responsables» de Beijing, a précisé l’Élysée.
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La Russie veut soumettre Marioupol à un «blocus», selon le maire de la ville
8h10 | Kyiv — Le maire de la ville stratégique ukrainienne de Marioupol a accusé jeudi les forces russes et prorusses de vouloir assiéger la cité portuaire, empêchant les évacuations et l’approvisionnement de ce principal port ukrainien de la mer d’Azov (sud-est).
«Ils ont détruit les ponts, détruit les trains pour nous empêcher de sortir nos femmes, enfants et vieillards. Ils nous empêchent de nous approvisionner», a déclaré Vadim Boïtchenko sur la messagerie Telegram.
«Ils cherchent à imposer un blocus, comme à Leningrad», a-t-il ajouté en référence à la ville soviétique redevenue aujourd’hui Saint-Pétersbourg, victime d’un terrible siège nazi durant la Seconde Guerre mondiale.
«Depuis sept jours, ils détruisent délibérément les infrastructures vitales de la ville. Nous n’avons de nouveau ni électricité, ni eau, ni (chauffage). Les hordes militaires de Vladimir Poutine bombardent la ville et ne permettent pas les évacuations, ni des blessés, ni des femmes, ni des enfants», a-t-il encore dit.
Le maire de cette ville russophone s’emporte aussi contre la justification russe de son invasion, à savoir «sauver» les populations russophones d’un prétendu «génocide» ukrainien.
«En réalité, ce sont eux qui commettent le génocide de notre population qui est d’origine ukrainienne, russe et grecque», a-t-il insisté.
Le contrôle de Marioupol, ville de 441 000 habitants, revêt un caractère stratégique pour la Russie, car il lui permettrait d’assurer une continuité territoriale entre ses forces venues de Crimée et celles venues des territoires séparatistes prorusses du Donbass.
Les deux groupes ont fait leur jonction sur la côte de la mer d’Azov mardi, selon Moscou. Les séparatistes ont annoncé pour leur part mercredi que la ville était désormais encerclée.
Des «couloirs humanitaires»
7h39 | Kyiv — La délégation ukrainienne souhaite «au minimum» obtenir des «couloirs humanitaires» lors des négociations prévues jeudi avec la Russie, qui a déclenché il y a une semaine une invasion de l’Ukraine, a déclaré l’un des négociateurs ukrainiens.
«D’ici deux heures, nous commencerons (les négociations). Le programme au minimum: des couloirs humanitaires. Le reste sera selon les circonstances», a indiqué David Arakhamia sur Facebook.
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La Russie pilonne les villes ukrainiennes, l’exode s’accélère avant des pourparlers
6h07 | Kyiv — Les forces russes, après avoir pris leur première grande ville ukrainienne, intensifient jeudi leur pilonnage sur d’autres villes, accélérant l’exode de la population à quelques heures de nouveaux pourparlers en vue d’un cessez-le-feu.
«Nous allons reconstruire chaque immeuble, chaque rue, chaque ville», a lancé le président ukrainien Volodymyr Zelensky une semaine après le début de l’invasion russe. «Vous allez nous rembourser pleinement tout ce que vous avait fait contre notre État», a-t-il ajouté à l’adresse de Moscou
Côté russe, le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov a brandi à nouveau la menace d’un conflit nucléaire, en imputant la responsabilité aux Occidentaux.
«Tout le monde sait qu’une troisième guerre mondiale ne peut être que nucléaire, mais j’attire votre attention sur le fait que c’est dans l’esprit des politiques occidentaux, pas dans celui des Russes», a-t-il dit lors d’un point presse en ligne.
Sur le terrain, des responsables ukrainiens ont confirmé dans la nuit de mercredi à jeudi que l’armée russe contrôlait Kherson, métropole de 290 000 habitants proche de la péninsule de Crimée, après de violents bombardements.
Son maire, Igor Kolykhaïev, a annoncé avoir discuté avec des «invités armés», sous-entendant des troupes russes.
«Nous n’avions pas d’armes et n’étions pas agressifs. Nous avons montré que nous travaillons à sécuriser la ville et essayons de parer aux conséquences de l’invasion», a-t-il écrit sur Facebook.
Le chef de l’administration régionale, Guennadi Lakhouta, a appelé sur Telegram les habitants à rester chez eux, indiquant que «les occupants (russes) sont dans tous les quartiers de la ville et très dangereux».
Plus à l’est, à Marioupol, la situation «se dégrade d’heure en heure», a témoigné une de ses habitantes, Maryna, 28 ans.
Ce grand port ukrainien de la mer d’Azov, site clé pour permettre aux forces russes arrivant du Donbass, au nord-est, et de Crimée, au sud-ouest, de se rejoindre, «résiste» pour l’instant, selon l’armée ukrainienne.
Les Russes «n’ont pas atteint leur but principal, qui est de capturer la ville et de pousser jusqu’aux frontières administratives» des régions de Donetsk et Lougansk, partiellement contrôlées par des forces prorusses depuis 2014, a-t-elle affirmé.
Dans le nord du pays, Kharkiv, deuxième ville du pays proche de la frontière russe et déjà frappée par des bombardements meurtriers mardi et mercredi, a été pilonnée toute la nuit, selon les autorités régionales. Une membre ukrainienne de la mission locale de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe fait partie des morts, a indiqué l’OSCE.
À 200 km de Kharkiv, la métropole de Dnipro, centre industriel fort d’un million d’habitants et épargné pour l’instant, se préparait à un assaut russe. Les habitants entassaient des sacs de sable et préparaient des cocktails Molotov.
Les forces russes se trouvaient aussi dans les villes de Tcherniguiv et Nijyne, à quelque 150 km au nord-est et à l’est de Kyiv, ainsi qu’à Sumy et Okhtyrka, à quelque 350 km à l’est de la capitale, mais «essaient d’éviter les combats» avec l’armée ukrainienne, selon cette dernière.
À Kyiv, de fortes explosions ont été entendues pendant la nuit de mercredi à jeudi, selon des messages sur les réseaux sociaux.
Des milliers de femmes et d’enfants sont réfugiés dans le métro, transformé en abri antiaérien.
«Enfer»
À 150 km à l’ouest de Kyiv, à Jytomyr, Oleg Roubak vouait Vladimir Poutine à l’«enfer pour l’éternité», après une frappe mardi soir qui a tué sa femme et détruit sa maison.
«Je veux que le monde entier écoute mon histoire», a-t-il dit à l’AFP. Une histoire faite d’un bonheur simple jusqu’à ce que l’invasion russe la fasse voler en éclats.
L’avancée militaire russe intervient alors que des négociations russo-ukrainiennes doivent commencer jeudi à 15h00 locales (7h00, heure du Québec), à la frontière bélarusso-polonaise, a précisé le négociateur russe Vladimir Medinski, qui la veille avait évoqué que les discussions devraient porter sur un cessez-le-feu.
De premiers pourparlers lundi, à la frontière ukraino-bélarusse, n’avaient donné aucun résultat tangible. Kyiv réclamait l’arrêt immédiat de l’invasion, tandis que Moscou semblait attendre une reddition.
Les États-Unis «soutiendront les efforts diplomatiques» de Kyiv pour obtenir un cessez-le-feu avec Moscou, même si «c’est beaucoup plus difficile d’y parvenir quand les tirs résonnent et les chars avancent», a déclaré le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken.
Le secrétaire d’État, qui sera dans les prochains jours en Pologne, dans les pays baltes et en Moldavie pour réaffirmer le soutien des États-Unis face à la Russie, a alerté sur un «coût humain» d’ores et déjà «ahurissant».
«Des centaines sinon des milliers de civils ont été tués et blessés», a-t-il déploré.
Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a redouté lui aussi que «le pire soit devant nous», avec «une logique de siège» des villes ukrainiennes, déjà employée par les Russes en Syrie et en Tchétchénie.
Après d’autres pays européens, la France a appelé ses ressortissants dont la présence n’est pas «essentielle» à quitter la Russie.
La veille, le président français Emmanuel Macron avait néanmoins affiché sa volonté de «rester en contact» avec Vladimir Poutine pour «le convaincre de renoncer aux armes».
Un million de réfugiés
Le pilonnage meurtrier des villes ukrainiennes suscite une vive émotion dans le monde. Manifestations antiguerre et élans de solidarité avec les Ukrainiens se sont multipliés, au vu des bombardements et de l’exode hors d’Ukraine de plus d’un million de personnes, selon les derniers chiffres du Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU.
Ils fuient d’abord vers la Pologne, la Hongrie, la Roumanie et la Moldavie, mais certains commencent aussi à arriver en train à Berlin depuis Varsovie. La maire de capitale allemande, Franziska Giffey, s’attend à prendre en charge jusqu’à 20 000 réfugiés.
Le chef humanitaire de l’ONU, Martin Griffiths, a indiqué à l’AFP avoir récolté 1,5 milliard de dollars américains d’aide d’urgence pour l’Ukraine.
L’isolement de la Russie est apparu clairement mercredi à l’Assemblée générale des Nations unies: les 193 pays membres ont voté à une écrasante majorité une résolution qui «exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine». Seuls cinq pays s’y sont opposés, 35 s’abstenant, dont la Chine.
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), le Britannique Karim Khan, a annoncé mercredi soir l’«ouverture immédiate» d’une enquête pour crimes de guerre contre la Russie.
Effondrement du rouble
Les sanctions économiques infligées à Moscou par le camp occidental sont de plus en plus dures.
L’UE a confirmé que sept banques russes seraient, à compter du 12 mars, exclues du système de messagerie Swift, un rouage clé de la finance internationale, tandis que la Banque mondiale a coupé tous ses programmes d’aide en Russie et au Bélarus.
Les agences de notation financière Fitch et Moody’s ont rétrogradé la Russie dans la catégorie des pays risquant de ne pas pouvoir rembourser leur dette.
Après avoir perdu plus du tiers de sa valeur en devises étrangères, le rouble plongeait à nouveau de plus de 11% jeudi matin.
Moscou multiplie les mesures pour défendre son économie, mais aussi pour étouffer toute voix opposée à la guerre: la radio indépendante Ekho Moskvy s’est sabordée jeudi après avoir été interdite d’antenne mardi. Ses équipes comptent exister encore sur des plateformes étrangères comme YouTube.
Conséquence de l’isolement économique de la Russie, les prix des hydrocarbures et de l’aluminium, dont Moscou est un gros exportateur, poursuivaient leur envolée. Le baril de pétrole WTI dépassait les 115 $US, un record depuis 2008.
La Russie est aussi désormais quasi bannie du monde sportif et culturel. Dernière mesure d’exclusion en date: le Comité international paralympique (CIP) a exclu jeudi les sportifs russes et bélarusses des Jeux d’hiver qui démarrent vendredi à Beijing.