La Pologne est membre de l’OTAN et quelque 10 000 militaires américains se trouvent dans le pays. (Photo: Getty Images)
Varsovie — L’armée polonaise a relevé le niveau d’alerte de certaines de ses unités militaires après des informations, encore non confirmées, de chute de missiles russes en Pologne, dans le cadre de frappes ayant gravement endommagé les infrastructures énergétiques en Ukraine.
Une réunion du Conseil de défense a eu lieu en Pologne «suite à la situation de crise en cours», sans plus de détail, alors que Washington dit examiner des informations de presse selon lesquelles deux missiles russes auraient «frappé un lieu en Pologne ou à la frontière avec l’Ukraine».
«Il vient d’être décidé de relever le niveau d’alerte de certaines unités de combat… et d’autres personnels en uniforme», a précisé le porte-parole du gouvernement polonais, Piotr Müller.
La Pologne, qui partage une frontière avec l’Ukraine, envahie le 24 février par la Russie, est membre de l’OTAN et quelque 10 000 militaires américains se trouvent dans le pays.
Selon des médias polonais locaux, se basant sur des sources non officielles, une explosion aurait fait deux morts dans un dépôt de céréales dans le village polonais de Przewodow, près de la frontière avec l’Ukraine.
De son côté, la Russie a qualifié mardi de «provocations» ces informations. «Les déclarations de médias polonais et de responsables officiels sur une prétendue chute de missiles russes près de la localité de Przewodow relèvent de la provocation intentionnelle dans le but de créer une escalade de la situation», a déclaré le ministère russe de la Défense sur son compte Telegram.
«Aucune frappe n’a été menée sur des objectifs proches de la frontière ukraino-polonaise» par l’armée russe, a affirmé le ministère. Les images de «débris publiés par les médias polonais depuis les lieux des faits dans la localité de Przewodow n’ont aucun rapport» avec des projectiles russes.
Mais à Kyiv, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé la Russie d’avoir tiré des missiles sur la Pologne, membre de l’OTAN, qualifiant cette attaque présumée, non confirmée pour l’instant, «d’escalade très importante».
Son ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a demandé une réunion «immédiate» de l’Alliance atlantique et qualifié de «théories du complot» les allégations, publiées sur internet, selon lesquelles ce pourrait être un missile ukrainien qui serait tombé en territoire polonais.
En Hongrie, le porte-parole du premier ministre Viktor Orban a indiqué sur Twitter qu’un Conseil de défense avait également été convoqué dans la soirée «en réponse au missile qui a frappé le territoire de la Pologne».
À Washington, un porte-parole du Pentagone a déclaré: «Nous n’avons pas d’éléments à ce stade pour confirmer ces informations et nous les examinons de façon plus poussée».
Le président polonais Andrzej Duda et le président Biden, qui participe à la réunion du G20 à Bali, se sont entretenus au téléphone mardi soir, a annoncé la présidence polonaise.
À Bruxelles, siège de l’OTAN, un responsable de l’Alliance a indiqué qu’elle était «en train d’examiner» ces informations. «Nous sommes en train d’examiner ces informations et nous sommes en coordination étroite avec la Pologne, notre alliée», a déclaré un responsable de l’OTAN.
Le président du Conseil européen, Charles Michel, a pour sa part annoncé qu’il proposerait «une réunion de coordination mercredi avec les dirigeants de l’UE» présents au G20 à Bali, après avoir parlé avec le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki.
«Gifle au visage du G20»
L’article 5 du traité de l’Alliance atlantique stipule que si un État membre est victime d’une attaque armée, les autres considéreront cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l’ensemble des membres et prendront les mesures jugées nécessaires pour venir en aide au pays attaqué.
Cette information, qui si elle était confirmée constituerait une aggravation sérieuse du conflit, est intervenue au soir d’une journée marquée par une intense campagne de bombardement russe sur les infrastructures ukrainiennes, qualifiée par le président Zelensky de «gifle au visage du G20», réuni sur l’île indonésienne de Bali.
Présent à Bali, le président français Emmanuel Macron a «pris contact avec les autorités polonaises» et «se tient au courant de la situation», selon l’Élysée.
L’Ukraine a été frappée par des attaques russes d’une ampleur inédite selon Kyiv — une centaine de missiles — contre les réseaux énergétiques qui ont rendu la situation «critique».
Ces frappes, qui ont fait au moins un mort à Kyiv — mais les opérations de secours étaient toujours en cours — ont entraîné des coupures de courant généralisées en Ukraine et jusque dans la Moldavie voisine, aux portes de l’UE.
Le président Zelensky a indiqué que ces frappes avaient provoqué l’arrêt automatique de réacteurs dans deux centrales nucléaires en Ukraine. Dix millions d’Ukrainiens ont été privés d’électricité, mais quelque huit millions avaient bénéficié de réparations d’urgence mardi soir, a précisé M. Zelensky.
«Plusieurs réacteurs nucléaires dans deux centrales ont été automatiquement mis hors service à la suite des frappes. Ces conséquences ont été calculées et l’ennemi savait exactement ce qu’il faisait», a ajouté le chef de l’État.
Selon lui ce sont 85 missiles qui ont été tirés sur les villes ukrainiennes, de Kyiv à Lviv, près de la frontière polonaise, et de Kharkiv au nord-est à Odessa au sud-ouest. Mais d’après l’armée de l’Air, ce sont pas moins de cent missiles qui ont été tirés, y compris par des bombardiers stratégiques, soit «plus que le 10 octobre, quand les occupants en avaient tiré 84″, selon le porte-parole Iouri Ignat.
Immeuble en flammes
Un responsable de l’administration présidentielle ukrainienne a publié une vidéo montrant un immeuble de cinq étages en flammes.
«Nous étions au lit [quand l’immeuble a été frappé]. Nous nous sommes précipités dans le couloir, et c’était déjà enfumé», a raconté à l’AFP Svitlana Romantchouk, 66 ans, qui vivait au quatrième étage de cet immeuble en brique avec son mari Petro, 72 ans.
Lviv, Kharkiv, Vinnitsia, Krementchouk, Rivné, régions de Soumy, Khmelnistky, Volyn, Odessa.. les frappes ont touché tout le pays, et les autorités locales annonçaient tour à tour les dommages dans leur ville sur les réseaux sociaux.
En Moldavie, pays voisin au sud-ouest de l’Ukraine, les frappes russes ont aussi entraîné des coupures d’électricité.
En retour, des frappes ukrainiennes sur la région russe de Belgorod, frontalière au nord-est, ont fait deux morts et trois blessés, a indiqué sur Telegram le gouverneur de la région, Viatcheslav Gladkov.
Les frappes massives sur l’Ukraine ont eu lieu quatre jours après l’humiliant retrait des forces russes d’une partie de la région de Kherson, dont la ville du même nom, dans le sud, après plus de huit mois d’occupation.
Nouveau repli russe
Signe des difficultés des Russes sur le terrain, les autorités d’occupation dans la région de Kherson, dont Moscou revendique l’annexion, ont dû abandonner une nouvelle ville, Nova Kakhovka.
Cette ville est située sur la rive gauche (orientale) du Dniepr, où les forces russes s’étaient repliées la semaine dernière faute de pouvoir tenir la rive droite (occidentale), où se trouve Kherson.
Les frappes sont aussi survenues en plein sommet du G20 en Indonésie, boudé par le président russe Vladimir Poutine qui n’a pas même souhaité s’y exprimer par visioconférence.
«Ces frappes russes ne feront qu’approfondir les préoccupations au sein du G20 concernant l’impact déstabilisateur de la guerre de Poutine», a pour sa part déclaré le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, dans un communiqué.