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Le danger pour un investisseur est d’oublier qui il est

Philippe Leblanc|Édition de la mi‑octobre 2020

ENTRE LES LIGNES. Si je vous demandais de m'exprimer en quelques lignes le type d'investisseur boursier que vous ...

ENTRE LES LIGNES. Si je vous demandais de m’exprimer en quelques lignes le type d’investisseur boursier que vous êtes, sauriez-vous le faire ? Pour ma part et pour l’équipe d’investissement que je dirige, notre philosophie d’il y a plus de 30 ans est toujours restée la même.

Dans sa plus simple expression, elle s’exprime ainsi : investir dans des sociétés de qualité à un prix raisonnable et les conserver pendant de nombreuses années.

Quelle est la vôtre ? Peut-être êtes-vous un «technicien» qui se fie essentiellement aux graphiques des titres boursiers. Vous avez développé votre propre méthode au fil des ans et ça fonctionne plutôt bien pour vous.

Peut-être tentez-vous de tirer profit des titres de sociétés évoluant dans des secteurs en forte croissance, quitte à payer un prix élevé pour ces titres. On vous appellerait alors un investisseur «croissance».

Au contraire, si vous êtes de ceux qui recherchent les aubaines, tentant de dénicher des titres délaissés qui s’échangent largement sous la valeur de leurs actifs tangibles, on vous appellerait un investisseur «valeur».

Il est possible qu’aucune de ces options ne soit pour vous. Si vous n’avez ni le temps, ni les connaissances, ni l’envie de consacrer du temps à étudier des titres de sociétés ou des graphiques de titres boursiers, peut-être êtes-vous destiné à être un investisseur indiciel à long terme. Vous seriez alors un investisseur «passif».

Chacun sa recette

Peu importe. J’ai toujours cru qu’il y a pratiquement autant de manières d’investir qu’il y a d’investisseurs. Le style d’investissement devrait à mon avis s’approcher le plus possible de la personnalité d’un investisseur, de ses objectifs financiers et de son degré de tolérance envers le risque.

Il n’y a pas réellement de mauvaises façons d’investir. Je dirais toutefois que de nombreux investisseurs ne savent pas vraiment de quel genre ils sont. Dans de nombreux autres cas, ils ont peut-être établi leur méthode d’investissement, mais ils en dévient constamment.

Quel que soit votre style, ce qui importe est d’y rester fidèle en tout temps, bon an, mal an, dans tous les types de marchés boursiers. La pire chose à faire est de changer constamment de route, une bonne manière de ne jamais atteindre sa destination.

J’aime bien me servir du tennis comme analogie de l’investissement. Or, j’estime qu’un joueur ou une joueuse devra tôt ou tard trouver le style de jeu qui convient le plus à sa personnalité, qui exploite ses qualités physiques et techniques et qui minimise l’effet de ses lacunes. Ainsi, certains joueurs développeront un style axé sur la défensive. Pour ces joueurs, la vitesse, la régularité des coups et la patience seront les principaux ingrédients de leur succès. D’autres joueurs développeront un jeu axé sur l’attaque, qui misera sur un premier service puissant et sur des montées régulières au filet dans le but d’exercer une pression constante sur leur adversaire. Il existe un vaste éventail de styles de jeu et chaque joueur ou joueuse est unique en son genre.

La pire chose qu’un joueur ou une joueuse puisse faire, selon moi, est de changer de style de jeu à chaque tournoi ou, pire, au milieu d’un match. Bien sûr, il peut être approprié d’apporter des ajustements à sa stratégie selon les conditions, le style de son adversaire ou le succès (ou l’insuccès) qu’on obtient depuis le début d’un match. Par contre, ces changements devraient être subtils et ne pas éloigner radicalement le joueur de son style de jeu naturel.

C’est la même chose en Bourse. Un investisseur devrait passer beaucoup de temps à étudier les diverses façons d’investir et choisir le style qui lui convient le mieux. Une fois ce style choisi, il devrait le conserver à long terme et ne pas trop y déroger au hasard des conditions changeantes du marché ou selon ce qui fonctionne à un moment précis en Bourse.

Nous avons tous tendance à vouloir émuler ceux qui connaissent du succès. On entend parler d’un «boursicoteur» qui a fait une fortune au cours des derniers mois et on est tenté de faire comme lui. Notre voisin a fait beaucoup d’argent en investissant dans la dernière société technologique à faire le saut en Bourse ; pourquoi ne ferais-je pas comme lui la prochaine fois ? Voilà, à mon avis, la meilleure manière de se brûler sévèrement en Bourse.

Mieux vaut choisir son style soigneusement et s’y conformer à long terme.

EXPERT INVITÉ
Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100.