Administration du bien d’autrui: quelles règles suivre?
Institut de planification financière|Publié le 17 mars 2023(Photo: 123RF)
EXPERT INVITÉ. Vous êtes en charge d’administrer un patrimoine qui n’est pas le vôtre? Selon le Code civil du Québec, vous êtes administrateur ou administratrice du bien d’autrui, et malgré qu’il puisse s’agir d’une belle marque de confiance, il y a des règles précises pour la personne qui, à un moment ou à un autre, est chargée d’administrer un bien ou un patrimoine qui n’est pas le sien. Qu’il s’agisse de tuteurs, fiduciaires, liquidateurs, mandataires, etc., ces gens gèrent et administrent des biens qui ne leur appartiennent pas.
Il existe deux formes d’administration, soit la simple et la pleine administration. Les pouvoirs et les responsabilités sont différents et il est important pour un administrateur ou une administratrice de les connaître. Ce texte se veut un aperçu des deux catégories d’administration ; il est suggéré de consulter un professionnel pour en déterminer leur portée.
Simple administration
La simple administration vise à conserver et protéger la valeur d’un bien ou d’un ensemble de biens. Les pouvoirs de l’administrateur ou de l’administratrice sont ainsi plus limités que dans le cas d’une pleine administration. On parle de simple administration des biens lorsqu’une personne joue le rôle de tuteur au mineur ou au majeur, de liquidateur d’une succession ab intestat, de gérant d’une indivision ou d’un syndicat de copropriété, ou de créancier hypothécaire ayant obtenu le délaissement du bien.
Sommairement, la simple administration implique d’accomplir tous les actes nécessaires à la conservation du bien ou à la maintenance de l’usage auquel le bien est normalement destiné. Il faut aussi percevoir les fruits et revenus du bien administré et exercer les droits qui lui sont attachés. De plus, il faut percevoir les créances qui sont soumises à l’administration et en donner valablement quittance, exercer les droits attachés aux valeurs mobilières administrées et continuer l’utilisation ou l’exploitation du bien qui produit des fruits et revenus, sans en changer la destination.
L’administrateur ou l’administratrice doit effectuer des placements présumés sûrs. Le non-respect de cette obligation entraîne sa responsabilité pour les pertes qui pourraient en résulter. De plus, l’administrateur ou l’administratrice peut, avec l’accord du (de la) bénéficiaire ou du tribunal, vendre le bien à titre onéreux ou le grever d’une hypothèque, lorsque cela est nécessaire pour payer les dettes, maintenir l’usage auquel le bien est normalement destiné ou en conserver la valeur. Il est également possible d’aliéner un bien susceptible de se déprécier rapidement ou de dépérir sans avoir à obtenir d’abord le consentement.
Pleine administration
La pleine administration vise aussi à protéger et conserver la valeur du patrimoine, mais les actes ne sont pas limités. À ce principe s’ajoute l’obligation de faire fructifier le bien et d’accroître le patrimoine, sauf s’il y a dispense dans l’acte constitutif. Le rôle et la responsabilité de l’administrateur ou de l’administratrice sont donc beaucoup plus importants. En effet, dans l’exécution de ses obligations, cette personne peut accomplir tout acte nécessaire ou utile, aliéner le bien à titre onéreux, le grever d’un droit réel tel qu’une hypothèque ou en changer la destination. Il ou elle peut également effectuer toutes espèces de placements, sauf si on l’a assujetti aux placements présumés sûrs dans l’acte constitutif. Ainsi, la pleine administration du bien d’autrui confère la possibilité d’exercer les droits et pouvoirs que possède une personne physique capable sur ses propres biens.
La seule limite réside dans l’aliénation d’un bien à titre gratuit. L’administrateur ou l’administratrice ne peut disposer à titre gratuit des biens qui lui sont confiés, à moins qu’il ne soit de la nature de son administration de pouvoir le faire. Il est cependant possible de donner un bien de peu de valeur si la disposition est faite dans l’intérêt du ou de la bénéficiaire, ou de la fin poursuivie. L’administrateur ou l’administratrice ne peut, sans contrepartie valable, renoncer à un droit qui appartient au bénéficiaire ou qui fait partie du patrimoine à administrer.
Qu’il soit question de simple ou de pleine administration, l’administrateur ou l’administratrice devra toujours respecter les obligations que la loi et l’acte constitutif lui imposent, agir dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés, ne pas confondre les biens administrés avec ses propres biens, éviter de se placer dans une situation de conflit d’intérêts, agir avec prudence et diligence, avec honnêteté et loyauté et dans l’intérêt du ou de la bénéficiaire, ou de la fin poursuivie.
David Truong, CIWM, Pl. Fin., M. Fisc.
Merci à Me Marie-Pier Cajolet, notaire du Centre d’Expertise Banque Nationale Gestion privée 1859